Date
Instance
CJUE Marque
BIOMILD Numéro de dépôt
Déposant
Campina Melkunie B.V. Texte
ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
12 février 2004
«Rapprochement des législations - Marques - Directive 89/104/CEE - Article
3, paragraphe 1 - Motif de refus d'enregistrement - Néologisme composé
d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou
services concernés»
Dans l'affaire C-265/00,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article
234 CE, par le Benelux-Gerechtshof et tendant à obtenir, dans le litige pendant
devant cette juridiction entre
Campina Melkunie BV
et
Benelux-Merkenbureau,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 2 et 3,
paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21
décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les
marques (JO 1989, L 40, p. 1),
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. V. Skouris, faisant fonction de président de la sixième
chambre, MM. C. Gulmann, J. N. Cunha Rodrigues et R. Schintgen, et Mme F.
Macken (rapporteur), juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
pour Campina Melkunie BV,
par Mes T. van Innis et J. Oomens, advocaten,
pour le Benelux-Merkenbureau,
par Mes L. De Gryse et J. H. Spoor,
advocaten,
pour le gouvernement portugais, par MM. L. I. Fernandes et A. F. do Espírito
Santo Robalo, en qualité d'agents,
pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks et M.
H. M. H. Speyart, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Campina Melkunie BV et du
Benelux-Merkenbureau à l'audience du 15 novembre 2001,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 31 janvier
2002,
rend le présent
Arrêt
1. Par arrêt du 26 juin 2000, parvenu à la Cour le 29 juin suivant, le Benelux-
Gerechtshof a posé, en vertu de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles
sur l'interprétation des articles 2 et 3, paragraphe 1, de la première directive
89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations
des États membres sur les marques (JO1989, L40, p.1, ci-après la «directive»).
2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société
Campina Melkunie BV (ci-après «Campina») au Benelux-Merkenbureau
(Bureau Benelux des marques, ci-après le «BBM»), en raison du refus de ce
dernier de procéder à l'enregistrement en tant que marque du signe
«BIOMILD» sollicité par Campina.
La réglementation communautaire
Le cadre juridique
3. La directive a pour objet, selon son premier considérant, de rapprocher les
législations des États membres sur les marques, afin de supprimer les
disparités existantes susceptibles d'entraver la libre circulation des produits
ainsi que la libre prestation des services et de fausser les conditions de
concurrence dans le marché commun.
4. Toutefois, ainsi qu'il ressort du troisième considérant de la directive, celle-ci
ne vise pas au rapprochement total des législations des États membres en
matière de marques.
5. Le douzième considérant de la directive indique que tous les États membres de
la Communauté sont liés par la convention de Paris pour la protection de la
propriété industrielle, du 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le
14 juillet 1967 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, n°11847,
p.108), et qu'il est nécessaire que les dispositions de la directive soient en
harmonie complète avec celles de ladite convention.
6. L'article 2 de la directive, intitulé «Signes susceptibles de constituer une
marque», dispose:
«Peuvent constituer des marques tous les signes susceptibles d'une
représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de
personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son
conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les
produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.»
7. L'article 3 de la directive, qui énumère les motifs de refus ou de nullité de
l'enregistrement, prévoit, en ses paragraphes 1 et 3:
«1. Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils
sont enregistrés:
a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications
pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la
quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de
la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres
caractéristiques de ceux-ci;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications
devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et
constantes du commerce;
[...]
3. Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est
enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle en application du
paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande
d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère
distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente
disposition s'applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis
après la demande d'enregistrement ou après l'enregistrement.»
La loi uniforme Benelux sur les marques
8. La loi uniforme Benelux sur les marques a été modifiée, avec effet à compter
du 1er janvier 1996, par le protocole du 2 décembre 1992 portant modification
de ladite loi (Nederlands Traktatenblad 1993, n°12, ci-après la «LBM»), en
vue de transposer la directive dans l'ordre juridique des trois États membres du
Benelux.
9. L'article 1er de la LBM prévoit:
«Sont considérées comme marques individuelles les dénominations, dessins,
empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de
conditionnement et tous autres signes servant à distinguer les produits d'une
entreprise.
Toutefois, ne peuvent être considérées comme marques les formes qui sont
imposées par la nature même du produit, qui affectent sa valeur essentielle ou
qui produisent des résultats industriels.»
10. L'article 6 bis, paragraphes 1 et 2, de la LBM dispose:
«1. Le Bureau Benelux des marques refuse d'enregistrer un dépôt lorsqu'il
considère que:
a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er, notamment
pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6 quinquies B,
sous 2, de la convention de Paris;
b) le dépôt se rapporte à une marque visée à l'article 4, sous 1 et 2.
2. Le refus d'enregistrer doit concerner le signe constitutif de la marque
en son intégralité. Il peut se limiter à un ou plusieurs des produits auxquels la
marque est destinée.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11. Le 18 mars 1996, Campina, qui est un producteur laitier, a déposé auprès du
BBM le mot composé BIOMILD en tant que marque pour des produits
relevant des classes 29, 30 et 32, au sens de l'arrangement de Nice concernant
la classification internationale des produits et des services aux fins de
l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié,
classes qui concernent divers produits alimentaires, dont les produits laitiers.
Le produit commercialisé aux Pays-Bas sous cette marque est un yoghourt de
saveur douce.
12. Par lettre du 3 septembre 1996, le BBM a informé Campina du refus de
l'enregistrement au motif que «[l]e signe BIOMILD reflète uniquement le
caractère 'biologique' et 'doux' des produits relevant des classes 29, 30 et 32.
Le signe est donc exclusivement descriptif et ne possède pas de caractère
distinctif [...] la combinaison des deux composants ne modifie pas cette
constatation». Le BBM a définitivement confirmé ce refus par lettre du 7 mars
1997.
13. Le 6 mai 1997, Campina a introduit un recours à l'encontre de ce refus devant
le Gerechtshof te's-Gravenhage (Pays-Bas), qui l'a rejeté.
14. Le 11 novembre 1997, Campina s'est pourvue en cassation devant le Hoge
Raad der Nederlanden (Pays-Bas), qui, s'interrogeant sur la bonne application
de la LBM, a saisi, le 19 juin 1998, le Benelux-Gerechtshof de neuf questions.
Considérant que trois d'entre elles exigeaient au préalable une interprétation de
la directive, le Benelux-Gerechtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à
la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«A) Les articles 2 et 3, paragraphe 1, de la directive doivent-ils être interprétés en
ce sens que, pour apprécier si un signe qui est constitué d'un mot nouveau
composé de différents éléments possède un caractère distinctif suffisant pour
servir de marque pour les produits concernés, il faut partir de l'idée que cette
question appelle en principe une réponse affirmative même si chacun de ces
éléments est dépourvu en soi de caractère distinctif pour ces produits, et qu'il
n'en va autrement qu'en présence de circonstances complémentaires, par
exemple si le mot nouveau constitue l'expression manifeste et compréhensible
d'emblée pour chacun d'une combinaison de propriétés tenue pour essentielle
au plan commercial et qui ne saurait être désignée autrement que par le mot
nouveau?
B) Si la première question appelle une réponse négative, faut-il considérer qu'un
signe qui est constitué d'un mot nouveau, composé de différents éléments,
chaque élément étant dépourvu par lui-même de caractère distinctif au sens de
l'article 3, paragraphe 1, de la directive, pour les produits concernés, est lui
aussi dépourvu de tout caractère distinctif et qu'il n'en va autrement qu'en
présence de circonstances complémentaires qui font que la combinaison des
éléments est davantage que la somme des parties, par exemple si le mot
nouveau témoigne d'une certaine créativité?
C) La réponse à la deuxième question est-elle différente lorsqu'il existe des
synonymes pour chacun des éléments constitutifs du signe, de sorte que les
concurrents du déposant, désireux de montrer au public que leurs produits
possèdent eux aussi la combinaison des propriétés désignée par le mot
nouveau, peuvent raisonnablement le faire en recourant à ces synonymes?»
Sur les questions préjudicielles
15. À titre liminaire, il est constant, en premier lieu, que les questions posées
concernent l'enregistrement d'une marque. Dès lors, il convient de les
comprendre en ce sens que la juridiction de renvoi demande l'interprétation de
l'article 3, paragraphe 1, de la directive.
16. En second lieu, ainsi qu'il ressort du point 12 du présent arrêt, dans l'affaire au
principal, le BBM s'est fondé sur le caractère «exclusivement descriptif» du
néologisme «biomild», qui «reflète uniquement le caractère 'biologique' et
'doux' des produits [en cause]», pour en déduire que la marque BIOMILD ne
possédait pas de caractère distinctif.
17. Ainsi, l'éventuel défaut de caractère distinctif reproché à la marque BIOMILD
procède du constat qu'elle serait descriptive de caractéristiques des produits
concernés comme étant composée exclusivement d'éléments eux-mêmes
descriptifs desdites caractéristiques.
18. À cet égard, s'il ressort de l'article 3, paragraphe 1, de la directive que chacun
des motifs de refus d'enregistrement mentionnés par cette disposition est
indépendant des autres et exige un examen séparé (voir, notamment, arrêt du 8
avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, Rec. p.I-3161, point 67), il existe un
chevauchement évident des champs d'application respectifs des motifs
énoncés aux points b), c) et d) de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 4
octobre 2001, Merz & Krell, C-517/99, Rec. p.I-6959, points 35 et 36).
19. En particulier, une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de
produits ou de services, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la
directive, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au
regard de ces mêmes produits ou services, au sens de la même disposition,
sous b). Une marque peut néanmoins être dépourvue de caractère distinctif au
regard de produits ou de services pour des raisons autres que son éventuel
caractère descriptif.
20. Dès lors, afin d'apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu
de comprendre que, par ses questions, qu'il convient d'examiner ensemble,
celle-ci demande, en substance, si l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la
directive doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un
néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques
des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé peut être
considérée comme n'étant pas elle-même descriptive des caractéristiques
desdits produits ou services et, le cas échéant, à quelles conditions. Elle
demande, en particulier, si le fait que chacun des éléments composant le
néologisme ait ou non des synonymes revêt une importance.
Observations soumises à la Cour
21. Campina fait valoir que le caractère distinctif des éléments composant une
marque n'est pas déterminant pour apprécier le caractère distinctif de la
marque elle-même. En effet, une marque se distinguerait des éléments qui la
composent, car elle serait toujours plus que la somme de ses éléments et aurait
donc une existence autonome par rapport à eux. Ce n'est que lorsque la
combinaison des caractéristiques de produits ou de services ne peut être
désignée autrement que par le néologisme qu'il y aurait lieu de considérer que
celui-ci sera perçu comme étant descriptif de ces produits ou services et qu'il
conviendrait de refuser son enregistrement.
22. Selon Campina, si le public concerné ne peut percevoir un mot, par hypothèse
descriptif, autrement que comme la description des qualités de produits ou de
services déterminés, ce mot ne pourra pas être enregistré en tant que marque
pour ces produits ou ces services, en sorte que, pour cette seule raison, le mot
devra toujours rester à la disposition des concurrents pour décrire les mêmes
qualités présentées par des produits ou des services identiques ou similaires.
D'une part, un mot, par hypothèse descriptif, devrait rester à la disposition des
concurrents pour désigner une qualité déterminée, d'autre part, un mot serait
toujours plus que la somme des éléments qui le composent.
23. Le BBM soutient que le fait que la marque soit un néologisme ne suffit pas à
garantir qu'elle permet de distinguer les produits ou les services. Seul
importerait de savoir si le mot, qu'il soit nouveau ou non, est apte à identifier
les produits ou services pour lesquels son enregistrement est demandé en tant
que marque. À cet égard, il conviendrait de tenir compte de la règle selon
laquelle les signes descriptifs, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de
la directive, sont inaptes par leur nature même à distinguer les produits ou
services d'une entreprise. Selon le BBM, si le néologisme est composé
d'éléments dont chacun est dépourvu en soi de tout caractère distinctif au
regard des produits concernés, la combinaison de ces éléments ne satisfait au
caractère distinctif requis que pour autant qu'elle est distinctive en tant que
telle. L'autorité compétente pour en apprécier le caractère distinctif ou
descriptif devrait tenir compte de toutes les circonstances, y compris la
perception que peut en avoir un consommateur moyen.
24. Un mot composé d'éléments dont chacun est dépourvu de caractère distinctif
ne pourrait être considéré comme suffisamment distinctif que s'il présente une
caractéristique additionnelle.
25. Cependant, le critère pour apprécier le caractère distinctif d'une marque, au
sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, ou son caractère
descriptif, au sens de la même disposition, sous c), ne saurait résider dans
l'existence ou non de synonymes.
26. Le gouvernement portugais fait valoir que l'article 3, paragraphe 1, sous c), de
la directive s'oppose à l'enregistrement de marques qui, même si elles
prétendent à la nouveauté ou à la fantaisie au motif qu'elles contiennent une
combinaison de deux mots, ne représentent finalement que la somme de deux
dénominations qui, prises isolément, ne possèdent pas une aptitude suffisante à
distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres
entreprises opérant dans le même secteur d'activité.
27. Selon ce gouvernement, ce n'est que dans des cas exceptionnels, lorsque
l'ensemble des éléments dépourvus de caractère distinctif forme un signe
témoignant d'une certaine créativité et originalité, que pourra être admis
l'enregistrement d'une marque ne contenant que des désignations descriptives.
Selon lui, une telle appréciation devra nécessairement se faire au cas par cas.
28. S'agissant de l'existence de synonymes, le gouvernement portugais fait valoir
que ce n'est pas parce que les termes constituant une marque ne sont pas les
seuls adaptés pour indiquer, notamment, certaines propriétés ou potentialités
d'un bien qu'ils répondent pour autant à la lettre et à l'esprit de l'article 3,
paragraphe 1, sous c), de la directive. En effet, nonobstant l'existence de
synonymes, l'enregistrement d'une telle marque ne saurait être autorisé si les
termes la constituant se limitent à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la
destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la
production du produit ou de la prestation du service.
29. La Commission considère que l'autorité compétente en matière
d'enregistrement des marques doit, lorsqu'elle examine une demande
d'enregistrement d'une marque verbale composée au regard des motifs de refus
absolus figurant à l'article 3, paragraphe 1, sous b) à d), de la directive,
prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents du cas
concret afin de déterminer si, aux yeux des milieux intéressés, la marque
distingue les produits ou les services de l'entreprise concernée de ceux d'autres
entreprises.
30. Selon la Commission, ladite autorité doit se référer à cet égard à l'opinion du
consommateur moyen, normalement informé, attentif et avisé, des produits ou
des services pour lesquels la protection a été demandée, dans le territoire pour
lequel l'enregistrement est demandé. Dans le cadre de cet examen, il
conviendrait de toujours partir des circonstances concrètes du cas d'espèce, de
sorte que toute règle de principe ne serait que partiellement utilisable.
31. La Commission fait valoir qu'une marque composée de différents éléments
dont chacun est dépourvu de tout caractère distinctif au regard des produits ou
services concernés est elle-même également dépourvue, en règle générale,
sauf consécration par l'usage, de tout caractère distinctif au sens de l'article 3,
paragraphe 1, sous b), de la directive. Il n'en irait autrement qu'en présence de
circonstances complémentaires, telle une modification de la représentation
graphique ou du sens de la combinaison desdits éléments, qui feraient que la
marque acquerrait une caractéristique additionnelle, la rendant tant soit peu
propre, dans son ensemble, à distinguer les produits ou services d'une
entreprise.
32. Selon la Commission, une marque composée d'éléments dont chacun est
descriptif pour les produits ou services pour lesquels l'enregistrement est
demandé est elle-même, en règle générale, sauf consécration par l'usage,
descriptive au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive. Il n'en
irait autrement qu'en présence de circonstances complémentaires, telle une
modification de la représentation graphique ou du sens de la combinaison
desdits éléments, qui feraient que la marque acquerrait une caractéristique
supplémentaire, la privant de son caractère descriptif.
Réponse de la Cour
33. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, sont refusées à
l'enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou
d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la
qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou
l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres
caractéristiques de ceux-ci.
34. Selon la jurisprudence de la Cour, il y a lieu d'interpréter les différents motifs
de refus d'enregistrement énumérés à l'article 3 de la directive à la lumière de
l'intérêt général qui sous-tend chacun d'eux (voir, notamment, arrêts du 18 juin
2002, Philips, C-299/99, Rec. p.I-5475, point 77; Linde e.a., précité, point 71,
et du 6 mai 2003, Libertel, C-104/01, Rec. p.I-3793, point 51).
35. En ce qui concerne l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, la Cour a
reconnu que cette disposition poursuit un but d'intérêt général, lequel exige
que les signes ou indications descriptifs des caractéristiques des produits ou
services pour lesquels l'enregistrement est demandé puissent être librement
utilisés par tous. Ladite disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou
indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur
enregistrement en tant que marque (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing
Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, Rec. p.I-2779, point 25; Linde e.a., précité,
point 73, et Libertel, précité, point 52).
36. En effet, cet intérêt général implique que tous les signes ou indications
pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou services pour
lesquels l'enregistrement est demandé soient laissés à la libre disposition de
toutes les entreprises afin qu'elles puissent les utiliser en décrivant les mêmes
caractéristiques de leurs propres produits. Les marques composées
exclusivement de tels signes ou indications ne peuvent donc faire l'objet d'un
enregistrement, sauf par le biais de l'application de l'article 3, paragraphe 3, de
la directive.
37. Pour qu'une marque constituée d'un néologisme résultant d'une combinaison
d'éléments, telle celle en cause au principal, soit considérée comme
descriptive, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, il ne
suffit pas qu'un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun de ces
éléments. Un tel caractère doit également être constaté pour le néologisme luimême.
38. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire que les signes ou indications composant la
marque visés à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive soient
effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins
descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande
est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il
suffit, comme l'indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et
indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se
voir opposer un refus d'enregistrement, en application de ladite disposition si,
en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une
caractéristique des produits ou services concernés [voir, en ce sens, à propos
des dispositions identiques de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement
(CE) n°40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire
(JO1994, L11, p.1), arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C-191/01 P,
non encore publié au Recueil, point 32].
39. En règle générale, la simple combinaison d'éléments dont chacun est descriptif
de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est
demandé reste elle-même descriptive desdites caractéristiques, au sens de
l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, quand bien même cette
combinaison formerait un néologisme. En effet, le simple fait d'accoler de tels
éléments sans y apporter de modification inhabituelle, notamment d'ordre
syntaxique ou sémantique, ne peut produire qu'une marque composée
exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à
désigner des caractéristiques desdits produits ou services.
40. Toutefois, une telle combinaison peut ne pas être descriptive, au sens de
l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, à condition qu'elle crée une
impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion
desdits éléments. S'agissant d'une marque verbale, qui est destinée à être
entendue autant qu'à être lue, une telle condition devra être satisfaite en ce qui
concerne l'impression à la fois auditive et visuelle produite par la marque.
41. Ainsi, une marque constituée d'un néologisme composé d'éléments dont
chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels
l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive desdites
caractéristiques, au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive,
sauf s'il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des
éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère
inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le
néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la
simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en
sorte qu'il prime la somme desdits éléments.
42. Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus
d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, il
est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les
mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande
d'enregistrement. En effet, si cette disposition prévoit que, pour relever du
motif de refus d'enregistrement y énoncé, la marque doit être composée
«exclusivement» de signes ou d'indications pouvant servir à désigner des
caractéristiques des produits ou services concernés, elle n'exige pas, en
revanche, que ces signes ou indications soient le mode exclusif de désignation
desdites caractéristiques.
43. Il convient donc de répondre aux questions posées que l'article 3, paragraphe
1, sous c), de la directive doit être interprété en ce sens qu'une marque
constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de
caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est
demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou
services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre
le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui
suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport
auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment
éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par
les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments.
Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus
d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, il
est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les
mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande
d'enregistrement.
Sur les dépens
44. Les frais exposés par le gouvernement portugais et par la Commission, qui ont
soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un
remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le
caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à
celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
statuant sur les questions à elle soumises par le Benelux-Gerechtshof, par arrêt
du 26 juin 2000, dit pour droit:
L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du
Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États
membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'une marque
constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif
de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement
est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits
ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart
perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le
composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la
combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée
une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple
réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en
sorte qu'il prime la somme desdits éléments.
Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus
d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive
89/104, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de
désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés
dans la demande d'enregistrement.
Skouris
Gulmann
Cunha Rodrigues
Gulmann
Cunha Rodrigues
Schintgen
Macken
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2004.
Le greffier
R. Grass
Le président
V. Skouris
* * * * *