Numéro de requête R07/1029

Date
Instance
REC NL
Marque
Vormmerk pleisterdispenser
Numéro de dépôt
Déposant
Cederroth International AB
Texte

Numéro de la requête : R07/1029
Prononcé: 21 février 2008

CEDERROTH INTERNATIONAL AB contre l’OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

COUR D’APPEL DE LA HAYE, Secteur commerce

Numéro de requête : R07/1029

Ordonnance de la cinquième chambre civile du 21 févreri 2008

Dans la cause de

la personne morale de droit étranger
CEDERROTH INTERNATIONAL AB,
dont le siège est à Väsby, Zweden,
requérante,
dénommée ci-après: Cederroth,
avoué: Me P.J.M. von Schmidt auf Altenstadt,
avocats: Me. F.C. Folmer et Me J.A. de Roos à Amsterdam,

contre

l’OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE (marques et dessins ou modèles),
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
dénommé ci-après: l’Office,
mandataires: C.J.P. Janssen et P. Veeze.


1. L’instance

Par requête (avec annexes) parvenue au greffe de la cour le 20 juillet 2007, Cederroth a demandé à la cour d’ordonner à l’Office de procéder à l’enregistrement de sa demande de marque portant le numéro 1110576 dans le registre des marques Benelux.
Par mémoire en défense (avec 3 annexes) parvenu au greffe de la cour le 29 août 2007, l’Office a demandé de rejeter la requête de Cederroth et de condamner Cederroth aux dépens.

La procédure orale sur la requête a eu lieu le 5 novembre 2007. Cederroth fait exposer ses vues à cette occasion par Me F.C. Folmer et Me J.A. de Roos et l’Office par Me C.J.P. Janssen, préqualifié, tous deux sur la base de notes de plaidoirie.


2. Appréciation de l’appel

1. Les pièces de la procédure et les allégations des parties font apparaître ce qui suit :

a) Cederroth a déposé le 26 avril 2006, sous le numéro 1110576, la reproduction présentée ci-dessous comme marque tridimensionnelle pour les produits suivants :
Cl 5 Emplâtres, pansements.
Cl 16 Emballages de papier ou de carton pour des emplâtres ou pansements.
Cl 20 Etuis ou distributeurs plastiques pour emplâtres ou pansements.



b) L’Office a notifié par lettre du 29 juin 2006 au mandataire de Cederroth le refus provisoire de l’enregistrement du dépôt. L’Office a donné les motifs suivants :

‘Le signe est dépourvu de caractère distinctif. Il se compose uniquement de la reproduction de l’emballage des produits. Une telle indication ne permet pas au consommateur de distinguer les produits dans les classes 5, 16 et 20 de ceux provenant d’une autre entreprise. Nous nous référons à l’article 6bis, alinéa 1er, sous b, de la LBM’.


c) Le mandataire de Cederroth s’est opposé, par lettre du 28 décembre 2006 (avec annexes) au refus provisoire, soutenant – en résumé – que la forme déposée possède bien intrinsèquement un caractère distinctif.
d) Par lettre du 6 avril 2007 au mandataire de Cederroth, l’Office a fait savoir qu’il ne voyait dans les objections présentées par Cederroth aucun motif de revoir son refus provisoire. Dans la lettre précitée, l’Office a également invoqué un nouveau motif de refus, à savoir que le signe est composé exclusivement d’une forme qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique (article 2.11 alinéa 1er sous a jo. article 2.1 alinéa 2 CBPI).
e) Par lettre du 22 mai 2007, l’Office a ensuite notifié au mandataire de Cederroth sa décision portant refus de l’enregistrement du dépôt.

2. Cederroth soutient que le signe déposé par elle possède bien intrinsèquement un caractère distinctif. Elle estime que le signe en cause n’est pas une ‘forme de base classique’, mais une forme en éventail inhabituelle, qui s’écarte significativement d’autres formes sur le marché. Par ailleurs, Cederroth relève que le public pertinent des produits concernés n’est pas le consommateur moyen du commerce de détail, mais uniquement les personnes qui sont associées professionnellement à l’achat et à l’usage d’articles de premiers secours pour le lieu de travail.
Cederroth conteste encore que le signe déposé par elle serait impropre à servir de marque de forme, étant donné qu’il ne s’agit pas d’une forme déposée qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
L’Office a contesté de manière argumentée les thèses de Cederroth.

Dispositions applicables
3. Le refus de l’Office d’enregistrer le dépôt est fondé en première instance sur l’article 6bis, alinéa 1er, sous a et b, de la LBM. Cette disposition n’est pas différente sur le fond de l’article 2.11, alinéa 1er, sous a et b, de la CBPI qui est à présent en vigueur et sur lequel la cour se basera dans la suite, sans qu’il y ait une incidence sur le résultat de l’appréciation. D’autre part, l’Office a complété à un stade ultérieur son refus d’enregistrer le dépôt avec le motif de refus visé à l’article 2.11, alinéa 1er, sous a jo. 2.1, alinéa 2, CBPI.

L’article 2.1 CBPI est libellé comme suit :
'1. Sont considérés comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes susceptibles d'une représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une entreprise.
2. Toutefois, ne peuvent être considérés comme marques les signes constitués exclusivement par la forme qui est imposée par la nature même du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ou qui est nécessaire à l'obtention d'un résultat technique.
(…)'

L’article 2.11, alinéa 1er, CBPI est libellé comme suit, pour ce qui nous intéresse ici :
‘L'Office refuse d'enregistrer une marque lorsqu'il considère que:
a. le signe ne peut constituer une marque au sens de l'article 2.1, alinéas 1 et 2;
b. la marque est dépourvue de caractère distinctif;
(…)’.

4. Les articles cités doivent être compris à la lumière de l’article 3 de la première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, JOCE 1989 L 40 (Directive 89/104/CE, ci-après : la directive marques).

L’article 3 de la directive, qui énumère les motifs de refus ou de nullité de l’enregistrement est libellé comme suit :
'1. Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés:
a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
(…)
e) les signes constitués exclusivement:
- par la forme imposée par la nature même du produit, ou
- par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique, ou
- par la forme qui donne une valeur substantielle au produit;
(…)
3. Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c ) ou d ) si, avant la date de la demande d'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif.'


Résultat technique
5. L’Office a argumenté que la forme déposée est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. A cet égard, la cour considère ce qui suit.

6. En vertu de l’article 2.1, alinéa 2, de la CBPI, un signe ne peut pas être considéré comme une marque s’il est constitué par une forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. cette disposition vise à refuser l'enregistrement des formes dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique, de sorte que l'exclusivité inhérente au droit de marque ferait obstacle à la possibilité pour les concurrents d'offrir un produit incorporant une telle fonction, ou du moins à leur libre choix de la solution technique qu'ils souhaitent adopter pour incorporer une telle fonction dans leur produit. Il est dès lors contraire à l’intérêt général que de tels signes soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voyez Cour de justice CE,18 juin 2002, affaire C-299/99, Philips/Remington, NJ 2003, 481, points 79-80).

7. Le signe en cause concerne un emballage rechargeable pour un distributeur de pansements. L’emballage rechargeable est constitué d’une chemise (en carton) avec plusieurs compartiments qui contiennent les pansements. Du fait que la face postérieure est suspendue en avant et que la face postérieure est plus basse que la face antérieure, les pansements (en différentes dimensions) sont bien visibles et peuvent être facilement utilisés. Les formes géométriques de base de la chemise, à savoir des rectangles et des triangles, constituent ensemble un éventail. Ces caractéristiques essentielles du signe déposé par Cederroth sont, de l’avis de la cour, motivées exclusivement par des considérations techniques. La forme de l’emballage rechargeable est conçue de telle manière qu’un pansement peut être retiré et rangé rapidement et facilement. Il n’est pas apparu que les (l’une des) caractéristiques essentielles n’est pas déterminée par l’objet de l’usage.

8. La cour considère par ailleurs que seul l’emballage rechargeable a été déposé, qui constitue un élément de la combinaison avec le distributeur. Il serait contraire à l’intérêt général que des éléments de tels signes soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement comme marque.
La cour conclut de ce qui précède que le signe déposé est constitué exclusivement par la forme qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

Caractère distinctif
9. L’Office a allégué par ailleurs que la forme déposée par Cederroth est dépourvue de caractère distinctif pour le produit pour lequel elle est déposée. A cet égard, la cour considère ce qui suit.

10. Une marque possède un caractère distinctif si elle est apte à identifier le produit pour lequel est demandé l’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. Il s'ensuit qu'une simple divergence de la norme ou des habitudes du secteur n'est pas suffisante afin d'écarter le motif de refus figurant à l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive. En revanche, une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, remplit sa fonction essentielle d'origine n'est pas dépourvue de caractère distinctif (cf. Cour de justice CE, 12 février 2004, affaire C-218/01, Henkel).

11. L'identification par les milieux intéressés du produit comme provenant d'une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l'usage de la marque en tant que marque et, donc, grâce à la nature et à l'effet de celle-ci, qui la rendent propre à distinguer le produit concerné de ceux d'autres entreprises (voyez Cour de justice CE, 18 juin 2002, affaire C-299/99, Philips/Remington, NJ 2003, 481). Il résulte des déclarations faites par Cederroth en plaidoiries concernant les acquéreurs du produit qu’il ne s’agit pas exclusivement d’acquéreurs professionnels mais aussi du consommateur. Il s’agit à cet égard de la perception (présumée) d’un consommateur moyen de la catégorie de produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. La cour fait observer au surplus que l’identification par le consommateur (le grand public) doit aussi pouvoir s’effectuer en dehors de la présence de l’acquéreur professionnel (cf. HR 11 mai 2001, IER 2001/34, Vredestein).

12. L’article 2 de la directive marques n’impose pas de critères plus sévères concernant le caractère distinctif pour l’appréciation d’une marque tridimensionnelle. En tout état de cause, la perception du consommateur moyen n'est pas nécessairement la même dans le cas d'une marque tridimensionnelle, constituée par l'emballage d'un produit, que dans le cas d'une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l'aspect des produits qu'elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n'ont pas pour habitude de présumer l'origine des produits en se basant sur la forme de leur emballage, en l'absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s'avérer plus difficile d'établir le caractère distinctif s'agissant d'une telle marque tridimensionnelle que s'agissant d'une marque verbale ou figurative (cf. Cour de justice CE dans l’affaire précitée C-218/01). Ceci est valable – si ce n’est dans une moindre mesure – pour l’acquéreur professionnel.

13. Compte tenu des considérations qui précèdent, la cour estime que le signe déposé par Cederroth ne possède pas de caractère distinctif. Il n’y a pas d’écart significatif au regard de la “norme multiple” existante pour les emballages rechargeables de pansements. En effet, il existe des formes différentes de recharges pour les pansements, comme les formes longilignes, les boîtes, les sachets, les rouleaux, les formes rondes, les rectangles et les triangles. La forme en éventail de l’emballage rechargeable déposé par Cederroth peut s’ajouter à cette multiplicité de formes. Le public concerné ne pourra pas déduire la provenance du signe de la forme.

14. La forme déposée par Cederroth ne possède pas, aux yeux de la cour, une autre caractéristique distinctive quelconque qui permettrait de distinguer le produit pour lequel elle est déposée de produits similaires. La forme déposée est dès lors dépourvue de tout caractère distinctif pour les produits pour lesquels elle est déposée.

15. La cour relève au surplus que d’après l’arrêt de la Cour de Justice Benelux du 29 juin 2006 (Cour de Justice Benelux, affaire A 2005/3, BIE 2006, 72), le juge, appelé à apprécier le bien-fondé du refus de l’enregistrement d’un dépôt par l’Office, doit tenir compte d’un nouveau motif de refus avancé pour la première fois par l’Office dans cette procédure judiciaire, parce que, à défaut, le juge pourrait être amené à ordonner l’enregistrement d’un signe qui ne répond pas aux critères énoncés à l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM (actuellement article 2.11 CBPI). Il ne fait donc aucun doute que l’Office est autorisé à invoquer un nouveau motif de refus pendant la procédure d’examen. La limitation de la liste des produits demandée par Cederroth – à l’audience – pour lesquels le signe est déposé, n’est pas possible. Cette procédure ne laisse aucune place à la présentation de nouvelles allégations en fait qui visent à obtenir un ordre d’enregistrement partiel ou un enregistrement à des conditions restrictives (cf. Cour de justice CE, 12 févreri 2004, affaire C-363/99, Postkantoor, BIE 2005, 106, IER 2002, 44 et Cour de Justice Benelux, 29 juin 2006, A 2005/1, Europolis, IER 2006, 72).

16. En ce qui concerne l’enregistrement allégué d’une marque identique en Allemagne et en Suède, la cour estime que chaque demande doit être appréciée suivant ses mérites propres (cf. Cour de justice CE dans l’affaire susvisée C-363/99).

17. En conclusion, il y a lieu de rejeter la requête de Cederroth. Cederroth sera condamnée aux dépens en tant que partie succombante, dans la mesure où des frais ont été exposés par l’Office. La cour déterminera ces frais en équité comme indiqué ci-après, prenant en compte le fait que l’Office s’est fait représenter dans la présente instance en application de l’article 2.12. alinéa 2, CBPI.

3. Décision

La cour:

- rejette la requête de Cederroth;

- condamne Cederroth aux dépens et fixe ceux-ci jusqu’à ce prononcé pour l’Office à € 904, -.

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers J.C. van Fasseur-van Santen, A.D. Kiers-Becking et J.J. Dijk, et prononcée à l’audience publique du 21 février 2008 en présence du greffier.

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