Prononcé : 9 novembre 2000
No de la requête.: 00/373
LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,
a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :
JOHNSON SPARK VENTURES B.V.,
dont le siège est à Lage Zwaluwe, commune de Drimmelen,
requérante,
(dénommée ci-après : Johnson)
avoué : Me A.H. Westendorp,
contre
le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
(dénommée ci-après : le Bureau)
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen
La procédure
Par requête (avec trois annexes) reçue au greffe de la cour le 29 mai 2000, Johnson a demandé à la cour d'ordonner au Bureau de procéder à l'enregistrement du dépôt du signe VIRTUAL FRANCHISE, dépens comme de droit.Par mémoire en défense reçu au greffe de la cour le 12 juillet 2000, le Bureau a demandé à la cour de rejeter la requête, dépens comme de droit.
La procédure orale est intervenue le 9 octobre 2000. Les parties - le Bureau produisant six pièces - ont exposé leurs points de vue à l'aide de notes de plaidoirie, Johnson par Me E.J.L. Mulderink, avocat à Breda, et le Bureau par son avoué.
Examen de la requête
1. La requête a été introduite dans le délai.
2. Les pièces de la procédure font apparaître ce qui suit :
a. Le 2 février 1999, Johnson a déposé auprès du Bureau la marque verbale VIRTUAL FRANCHISE sous le numéro 931636. L'accusé de réception envoyé par le Bureau mentionne que le dépôt a été effectué pour les produits et services dans - entre autres - les classes 42 ('autres services'). Contrairement aux autres classes citées, cette classe ne figure cependant pas dans la copie du dépôt produite par le Bureau. Les parties s'en tenant (aussi) uniquement à l'énumération reprise dans cette copie, la cour présumera - apparemment tout comme les parties - que le dépôt a été effectué pour les produits et services dans les classes :
classe 35 : publicité, gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau; services commerciaux et de bureaux en rapport avec le commerce électronique et Internet;
classe 36 : télécommunications;
classe 39 : transport et entreposage;
classe 41 : éducation et divertissement.
b. Par lettre du 31 août 1999 au mandataire de Johnson, le Bureau a notifié le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt 931636.
Le Bureau a indiqué le(s) motif()s suivant(s) :
"Le signe VIRTUAL FRANCHISE est composé exclusivement de l'indication usuelle dans le secteur du marketing virtual franchise (traduction libre: franchise virtuelle) et est dépourvu de tout pouvoir distinctif pour les services mentionnés dans les classes 35, 38, 39 et 41 qui s'y rapportent (voir l'article 6bis, par. 1er, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques, (…))."
c. Johnson n'a pas fait opposition à ce refus provisoire.
d. Par lettre du 29 mars 2000 au mandataire de Johnson, le Bureau a notifié sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt 931636.
3. Sur pied de l'article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM) Johnson a demandé à la cour d'ordonner au Bureau de procéder à l'enregistrement du dépôt. Elle soutient à cet effet que le signe déposé par elle n'est pas exclusivement descriptif pour les services pour lesquels le dépôt a été effectué et possède un pouvoir distinctif suffisant.
4. Le Bureau conteste le point de vue de Johnson et a demandé de rejeter la requête.
5. Pour refuser d'enregistrer le dépôt, le Bureau s'est fondé sur la disposition de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM. Suivant cette disposition, l'enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er de la LBM, "notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris."
6. Ledit article, dans la mesure qui nous intéresse ici, est libellé comme suit :
"B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
1. (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;"
7. Le différend porte sur le point de savoir si la combinaison verbale VIRTUAL FRANCHISE est dépourvue de tout caractère distinctif au sens de la disposition conventionnelle précitée pour les services pour lesquels le dépôt a été effectué. La circonstance que Johnson n'a pas fait opposition au refus d'enregistrement du dépôt par le Bureau ne fait du reste pas obstacle à l'examen de cette question.
8. Johnson affirme à ce propos que la combinaison obtenue n'est pas usuelle et qu'elle a un caractère distinctif pour les services concernés eu égard à ce qu'elle appelle : ses activités dans le domaine des services internet, en particulier en relation avec ses activités médiatiques.
9. La cour fait les observations suivantes au sujet des éléments constitutifs de la combinaison.
L'élément 'franchise' est - entre autres - une dénomination bien connue, propre à un type déterminé de coopération entre les entreprises. En tant que tel, il est dépourvu de tout caractère distinctif.
Il en va de même pour l'élément 'virtual', emprunté à la langue anglaise, qui est usuel (dans le langage courant néerlandais) pour indiquer le lien avec le monde virtuel, imaginaire - du moins non tangible - de l'Internet, des services internet, des applications informatiques et autres. De plus, l'établissement de ce lien - ou d'une association comparable - ne doit pas être réservé au titulaire d'une marque déterminée par l'octroi d'un droit de marque.
Il faut dès lors considérer d'emblée que, les parties ne le contestant pas, les éléments VIRTUAL et FRANCHISE pris séparément sont dépourvus de tout caractère distinctif.
10. La cour rejette la thèse de Johnson que la combinaison de 'franchise' avec le qualificatif 'virtual' constitue un signe doté d'un quelconque caractère distinctif pour les services dans les classes 35 et 38. La combinaison se crée en complétant un terme générique par un autre, d'une manière usuelle (pour ce terme) dans le langage courant néerlandais. Le résultat ne peut pas être considéré comme original ou empreint de fantaisie et ne comporte rien d'extraordinaire qui ferait que la combinaison serait davantage que ses éléments constitutifs. Le public concerné dans le Benelux ne déduira pas du signe autre chose que le fait qu'il est apparemment question d'une certaine manière d'entreprendre avec un aspect 'virtuel'.
La thèse de Johnson - qui est réfutée par les pièces - que la combinaison n'est pas usuelle ne peut rien y changer, quand bien même elle serait fondée. L'usage d'un vocable anglais n'ajoute rien non plus par rapport à ses équivalents néerlandais, dès lors que ceux-ci sont permutables avec des mots tels que le mot litigieux. Il faut encore prendre en considération le fait que l'acceptation de VIRUTAL FRANCHISE comme marque empêcherait des tiers de désigner ainsi des services identiques ou similaires.
La cour est d'avis que le signe obtenu par la combinaison ne peut être qualifié que de descriptif pour les services concernés et qu'il est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM.
11. Il suit de ce qui précède que la requête de Johnson doit être rejetée, en tant qu'elle vise tous les services précités dans les classes 35, 38, 39 et 41 conjointement, et que Johnson sera condamnée aux dépens en tant que partie succombante.
Décision
La cour :
rejette la requête de Johnson;
condamne Johnson aux dépens de la présente procédure et fixe à f 3.875,- les dépens exposés jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le Bureau.
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Van Sandick et Kiers-Becking, et prononcée à l'audience publique du 9 novembre 2000 en présence du greffier.