Numéro de requête R05/281

Date
Instance
REC NL
Marque
SUPER CHAMPION
Numéro de dépôt
Déposant
Aristocrat Technologies Australia PTY. Ltd.
Texte

 

Numéro de requête: R05/281

 

ARISTOCRAT TECHNOLOGIES AUSTRALIA PTY LIMITED contre BBM

AU NOM DE LA REINE

 

Prononcé : 22 septembre 2005

Numéro de requête: R05/281

 

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre MC-5,

 

a rendu l’ordonnance suivante à la requête de:

 

la personne morale de droit étranger

ARISTOCRAT TECHNOLOGIES AUSTRALIA PTY LIMITED,

dont le siège est à Lane Cove, Australie,

requérante,

dénommée ci-après : Aristocrat,

avoué : Me L.L. Huisman

 

contre

 

le BUREAU BENELUX des MARQUES,

dont le siège est à La Haye,

défendeur,

mandataires : C.J.P. Janssen et P. Veeze.

 

La procédure

 

Par requête parvenue au greffe de la cour le 2 mars 2005, Aristocrat a demandé à la cour d’ordonner au Bureau Benelux des Marques de procéder à l’enregistrement de son dépôt portant le numéro 1 048 771 dans le registre des marques et de condamner le Bureau Benelux des Marques aux dépens de l’instance.

Le Bureau Benelux des Marques a demandé, par mémoire en défense parvenu au greffe de la cour le 4 mai 2005, de rejeter la requête d’Aristocrat, dépens comme de droit.

La requête a été instruite oralement le 29 août 2005. Les parties ont fait exposer leurs points de vue par leurs avocats à l’aide de notes de plaidoiries, Aristocrat par Me L.L. Huisman, avocat à La Haye, et le Bureau Benelux des Marques par son mandataire, C.J.P. Janssen.

 

Appréciation de la requête

 

1. La requête a été introduite dans le délai.

 

2. Les pièces de la procédure et les déclarations des parties ont fait apparaître ce qui suit :

a. Aristocrat déposé le 29 janvier 2004, sous le numéro 1 048 771, le signe SUPER CHAMPION auprès du Bureau Benelux des Marques comme marque verbale pour les produits suivants :

`CI 9 appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques; systèmes de connexion de machines à sous ou poker, pièces pour machines à sous électroniques comprises dans cette classe, y compris les modules et composants de logiciels et les mémoires effaçables programmables en lecture seule (EPROM), les circuits électroniques et le logiciel pour les jeux de hasard ou les jeux mixtes de hasard et de pseudo adresse ; équipement pour le traitement de l’information, matériel d’ordinateurs, logiciel et périphériques compris dans cette classe, destinés à tous les produits précités ; machines à sous, en ce compris les machines de poker, les modules de logiciels et les composants dont les symboles de jeu, les mathématiques, les effets sonores et les autres éléments réglables incorporés aux mémoires effaçables programmables en lecture seule (EPROM-), les circuits électroniques ou médias similaires, pièces comprises dans cette classe, destinées aux produits précités.

CI 28 Machines à sous, dont les machines de poker, comportant des jeux de hasard ou des jeux mixtes de hasard et d’adresse et les jeux de pseudo adresse ;pièces comprises dans cette classe, destinées aux produits précités.'

 

b. Par lettre du 1er mars le Bureau Benelux des Marques a fait savoir qu’il refusait provisoirement l’enregistrement du dépôt. Le Bureau Benelux des Marques a indiqué comme motifs :

`Le signe SUPER CHAMPION est composé exclusivement de la qualité SUPER et du nom générique CHAMPION (anglais pour champion) et peut servir à désigner l’espèce, la qualité ou la destination des produits mentionnés dans les classes 09 et 28. C’est pourquoi le signe est dépourvu de tout caractère distinctif (art. 6bis, alinéa 1er, sous b et c, de la loi uniforme Benelux sur les marques, en annexe)).'

 

c. Par lettre du 11 août 2004, le mandataire d’Aristocrat a demandé de revoir le refus provisoire du signe déposé et d’enregistrer le signe en alléguant que le signe n’est pas exclusivement descriptif et possède ab initio un caractère distinctif.

 

d. Le Bureau Benelux des Marques n’a pas vu, dans les objections avancées au nom d’Aristocrat un motif de revoir son refus provisoire (lettre du Bureau Benelux des Marques du 4 octobre 2004).

 

e. Le Bureau Benelux des Marques a, par lettre du 3 janvier 2005 au mandataire d’Aristocrat, communiqué sa décision portant refus de l’enregistrement du dépôt litigieux.

 

3. Aristocrat demande à la cour d’ordonner au Bureau Benelux des Marques, en vertu de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après loi Benelux sur les marques ou LBM), de procéder à l’enregistrement du signe SUPER CHAMPION pour – brièvement dit – des machines à sous (électroniques) et de condamner le Bureau Benelux des Marques aux dépens.

Le Bureau Benelux a demandé de rejeter la demande, dépens come de droit.

 

4. Aristocrat fonde sa requête sur le fait que le signe SUPER CHAMPION possède un caractère distinctif pour les produits concernés. Elle allègue en ce sens que le signe n’est pas composé de mots qui peuvent être une indication des caractéristiques spécifiques des produits concernés. Elle allègue par ailleurs que le signe n’est pas dépourvu de tout caractère distinctif étant donné qu’il possède un ‘double fond’ (au sens sémantique). Le Bureau Benelux des Marques a contesté les allégations d’Aristocrat de manière motivée.

 

5. Le refus du Bureau Benelux des Marques d’enregistrer le dépôt est fondé sur l’article 6bis de la LBM. Ladite disposition a été introduite a été introduite afin d’adapter la législation néerlandaise à la directive européenne 89/104/CE (première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, JOCE 1989, L 40). Depuis l’entrée en vigueur au 1er janvier 2004 du Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (Trb. 2002, 37), l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM est libellé comme suit :

« Le Bureau Benelux refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère que :

(…)

b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;

c. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou d’autres caractéristiques de celui-ci ;

(…) »

 

6. La question est de savoir si le signe est dépourvu de caractère distinctif au sens des dispositions citées ci-dessus. Le caractère distinctif du signe devra être apprécié, d’une part, en relation avec les produits concernés. Il convient de se baser sur la perception du signe par le public concerné qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits dans les pays du Benelux, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (cf. CJCE 12 février 2004, affaire C-104/01 en cause 'Postkantoor', IER 2004, 22, point 34).

 

7. Le signe déposé comme marque verbale est composé du mot 'super', suivi du mot `champion'. La signification de ces mots est importante pour la perception du signe dans sa globalité.

'Super' signifie sur, au dessus, très (Van Dale Groot woordenboek der Nederlandse taal, 13e édition). C’est une qualification abondamment utilisée, analogue à 'geweldig', 'top', 'eerste-klas', etc.

`Champion' est le mot anglais et français pour kampioen. Une signification courante de ce mot est le meilleur ou le gagnant. Le signe acquiert ainsi la signification littérale de champion de première classe et donne l’impression d’une superposition de superlatifs. Dans le cas d’un usage en rapport avec des produits, dont les produits pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé, le public concerné percevra SUPER CHAMPION comme un message uniquement laudatif et non distinctif : le meilleur.

 

8. Contrairement à ce qu’affirme Aristocrat, le public Benelux ne verra rien de plus dans le signe. Le signe est composé suivant les règles lexicales normales. Le Bureau Benelux a démontré en outre, en produisant des pièces, que la combinaison des mots super et champion est fréquente. La cour ne suit pas Aristocrat dans son argument de l’existence d’un double fond sémantique. Il n’est pas plausible que, comme elle l’affirme, le signe sera compris par le public sous différents rapports, par exemple comme l’évocation d’un ‘superchampion parmi les machines à sous’ et de celui-ci qui se sert – avec succès – de la machine.

 

SUPER CHAMPION est dès lors, selon la cour, dépourvu (ab initio) de caractère distinctif au sens de l’article 6bis alinéa 1er, sous b, dès lors qu’il n’a pas la capacité de distinguer les produits concernés selon leur provenance. Cette décision n’est pas infirmée par le fait, allégué par Aristocrat, que le signe n’évoque pas des caractéristiques spécifiques du produit concerné.

 

9. Aristocrat ne peut pas non plus se prévaloir du fait que, comme elle l’affirme, il existe des marques enregistrées avec l’élément champion. Le caractère distinctif du signe litigieux doit être apprécié suivant ses mérites. D’autres enregistrements n’ajoutent ni n’enlèvent rien au caractère distinctif. Pour le même motif, Aristocrat invoque vainement une décision de la cour d’Arnhem concernant le caractère distinctif du mot 'champion' (pour des vêtements).

 

10. Le refus de l’enregistrement du signe est aussi conforme à l’intérêt général qui sous-tend l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM et qui consiste à éviter que le langage courant ne soit pas indûment monopolisé au détriment des autres opérateurs sur le marché (cf. CJCE 16 septembre 2004, affaire C-329/02, en cause 'SAT.2' point 26).

 

11. La conclusion est que le Bureau Benelux des Marques a refusé à bon droit l’enregistrement du dépôt. La requête d’Aristocrat sera dès lors rejetée. Etant partie succombante, elle sera condamnée aux dépens dans la mesure où ils ont été exposés par le Bureau Benelux des Marques. La cour fixera ces dépens en équité comme précisé ci-après, prenant en considération le fait que le Bureau Benelux des Marques s’est fait représenter dans la présente instance conformément à l’article 6ter, alinéa 2, de la LBM.

 

Décision

 

La cour,

 

Rejette la requête d’Aristocrat;

 

Condamne Aristocrat aux frais de la procédure et fixe ceux-ci à € 1.275,- pour le Bureau Benelux des Marques jusqu’à ce prononcé.

 

La présente ordonnance a été prononcée par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers-Becking en Verduyn, et a été prononcée à l’audience publique du 22 septembre 2005, en présence du greffier.

 

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