Numéro de requête C.00.0472.N

Date
Instance
CJB (concl. A-G)
Marque
LANGS VLAAMSE WEGEN
Numéro de dépôt
Déposant
Vlaamse Toeristenbond Vlaamse Automobilistenbond VZW (VTB-VAB)
Texte

COUR DE CASSATION de Belgique

arrêt

No. C.00.0472.N

BUREAU BENELUX DES MARQUES, administration commune aux pays du Benelux, institué en vertu de la Convention Benelux en matière de marques produits, ayant la personnalité juridique, dont le siège est à La Haye, Pays-Bas, Bordewijklaan 15, 

demandeur, 

représenté par Me Ludovic De Gryse, avocat près la Cour de cassation, ayant son cabinet à 1060 Saint-Gilles, rue Henri Wafelaerts 47-51, où il est fait élection de domicile,

CONTRE :

VLAAMSE TOERISTENBOND, association sans but lucratif, dont le siège social est à 2000 Anvers, Sint-Jacobsmarkt 45-47, 

défenderesse. 

* * *

I. Décision attaquée 

Le pourvoi en cassation est dirigé contre un arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles le 16 mai 2000.

II. Procédure devant la Cour 

Le président Ivan Verougstraete a fait rapport. 

L'avocat général Guy Dubrulle a pris des conclusions. 

III. Les faits 

L'arrêt et les pièces auxquelles la Cour peut avoir égard font apparaître les faits suivants : 

Le 13 mars 1997, la défenderesse a présenté à l'enregistrement au Bureau Benelux des Marques (ci-après: BBM) un signe verbal pour les classes 16, 39 et 41. Il s'agit du syntagme "Langs Vlaamse Wegen". 

Le BBM a refusé l'enregistrement parce que le signe est exclusivement descriptif et qu'il n'y a aucune preuve de la consécration par l'usage comme marque (signification 20 mars 1998). 

La défenderesse a introduit sa requête contre ce refus dans le délai de deux mois et a contesté entre autres que le signe serait exclusivement descriptif et soutenu en ordre subsidiaire qu'il était déjà consacré par l'usage. 

IV. Moyen 

Le demandeur soulève un moyen dans sa requête.

Dispositions légales violées 

- l'article 149 de la Constitution coordonnée; 

- les articles 774, alinéa 1er, 807, 1042, 1068, 1138, 2°, et 1138, 4°, du Code judiciaire; 

- les articles 1, 6bis, plus particulièrement 6bis.1.a et 6.bis.2, 6ter et 39 de la loi uniforme Benelux sur les marques (figurant en annexe à la Convention Benelux du 19 mars 1962 en matière de marques de produits, approuvée par la loi du 30 juin 1969), telle que dernièrement modifiée par le Protocole du 2 décembre 1992 portant modification de la loi uniforme Benelux sur les marques, approuvé par la loi du 11 mai 1995, les articles 6bis et 6ter tels qu'insérés par l'article I, F, dudit Protocole, l'article 39 de ladite loi Benelux ajouté par le Protocole du 10 novembre 1983 portant modification de la loi uniforme sur les marques de produits, approuvé par la loi du 8 août 1986; 

- les articles 10 (ex article 5) et 249 (ex article 189) du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, approuvé par la loi du 2 décembre 1957, tel que modifié par le Traité instituant l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, approuvé par la loi du 26 novembre 1992 et dernièrement par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, approuvé par la loi du 10 août 1998; 

- l'article 3.1.c. de la première directive n° 89/104/CE du Conseil des Communautés européennes rapprochant les législations des Etats membres sur les marques; 

- le principe général du droit du nécessaire respect du droit de la défense ainsi que le principe dispositif (le principe de l'autonomie des parties au procès). 

Décisions attaquées 

L'arrêt attaqué "reçoit" la demande et la juge "partiellement fondée"; il fait injonction au Bureau Benelux des Marques (le demandeur) "d'enregistrer le dépôt n° 889719 pour les produits et services des classes 16 et 41, mais à l'exclusion : des brochures de voyage, des atlas, des cartes de pays, des cartes routières, de la détente, des instructions de conduite, de l'enseignement du sport, de la promotion et de l'organisation d'activités culturelles, éducatives, sportives et délassantes et du développement, des services de camps de vacances, de l'information culturelle". 

L'arrêt fonde cette "exclusion" sur le "caractère descriptif" du syntagme "Langs Vlaamse Wegen" alors que pareil "aspect descriptif" n'est pas jugé présent par l'arrêt pour d'autres produits et services (comme en classe 16 p.ex. : livres, périodiques, journaux, matériel d'instruction ou d'enseignement; en classe 41: organisation de formations, cours et séminaires, publication, distribution et prêt de livres et périodiques, services d'édition, enseignement des langues) (arrêt, p. 8 n° 13). 

L'arrêt attaqué juge le refus de l'enregistrement du syntagme "Langs Vlaamse Wegen" fondé à l'égard des produits et services de la classe 39 parce qu'il "peut incontestablement être perçu par le public concerné comme une information sur la qualité ou la destination des produits et services de cette classe" (arrêt p. 7, n° 11); il rejette la demande sur ce point. 

L'arrêt attaqué décide d'office pour quels produits et services le syntagme déposé peut être enregistré comme marque au motif "que lors du contrôle préventif du dépôt, ce dernier ne doit pas uniquement être considéré pour les classes indiquées dans leur ensemble, mais pour chacun des produits ou services qui y sont énumérés; que l'article 6bis 2 énonce en effet que le refus de l'enregistrement peut se limiter à un ou plusieurs des produits auxquels la marque est destinée; (…) pour le dépôt des classes 16 et 41, l'enregistrement ne doit dès lors être refusé qu'en raison de son caractère descriptif pour les produits et services cités ci-après" (arrêt p. 8, n° 14). 

Griefs 

1. Première branche 

Dans ses conclusions en appel, le demandeur a fait valoir (p. 21 et 22) que "dès lors que les déposants - comme en l'espèce - se limitent lors du dépôt à une indication générale de "classes" de plus de quarante produits et services indiqués en général, pour lesquels la marque est déposée, on ne peut pas attendre du BBM qu'il examine "produit par produit" ou "service par service" si la marque pourrait être suffisamment "distinctive"; le BBM (demandeur) ne peut apprécier que de manière générale, c'est-à-dire en tenant compte des classes de produits et services indiquées et de la nature des activités du déposant, s'il faut invoquer un motif de refus "hic et nunc", c'est-à-dire au moment où le Bureau doit décider sur la base des pièces remises au Bureau à ce moment-là. Dans le cas présent, le BBM a estimé que tel était le cas dès lors que le "signe" apparaissait comme exclusivement descriptif de la qualité et de la destination des produits et services concernés, plus particulièrement en ce qui concerne les randonnées à pied et à vélo "Langs Vlaamse Wegen"; il appartenait, le cas échéant, au déposant de démontrer en quoi pour certains produits ou services il serait quand même satisfait aux conditions de base légales, à savoir en l'espèce en quoi les mots litigieux pourraient être jugés "individualisants" et "distinctifs" d'un produit ou service spécifique; (la défenderesse) ne l'a cependant jamais fait valoir devant le BBM - et ne pouvait pas non plus le faire - mais les éléments communiqués par elle en personne confirment précisément la juste conception du BBM suivant laquelle les mots litigieux ne seront effectivement pas perçus autrement par le public concerné que comme descriptifs pour les des randonnées à pied et à vélo "Langs Vlaamse Wegen"; "la considération tardive que (la défenderesse) consacre présentement (…) à certaines 'classes' ou certains produits/services de ces 'classes' n'est pas pertinente et n'infirme nullement le caractère exclusivement descriptif des mots invoqués". 

L'arrêt attaqué qui décide que le syntagme déposé doit être enregistré pour certains produits et services indiqués par la juridiction d'appel elle-même ne répond pas au moyen susmentionné invoqué dans les conclusions du demandeur (conclusions en appel, p. 21-22), suivant lequel, dès lors que la défenderesse a négligé de démontrer en quoi le signe déposé par elle attestait quand même pour certains produits ou services du caractère distinctif requis dont l'absence avait été constatée en général par le demandeur, il n'y avait aucune raison d'admettre présentement que le syntagme déposé devait quand même être enregistré pour certains produits/services. A défaut de réponse à ce moyen tiré des conclusions du demandeur, l'arrêt attaqué n'est pas légalement motivé, ce qui implique dès lors une violation de l'article 149 de la Constitution. 

2. Deuxième branche 

Pendant l'examen devant le Bureau Benelux des Marques, la défenderesse, comme le constate l'arrêt attaqué (p. 9, n° 18) "n'a pas fait savoir (…) qu'elle était disposée à se satisfaire d'un enregistrement partiel limité" de sorte que le demandeur - le BBM - "ne peut se voir reprocher de ne pas l'avoir fait". La défenderesse demandait dans ses conclusions en appel (p. 11), "en ordre subsidiaire", uniquement "d'ordonner l'enregistrement de la marque déposée "Langs Vlaamse Wegen" (…) pour les produits et services à déterminer par la cour". Devant la cour d'appel, la défenderesse s'est bornée à demander - en ordre subsidiaire - un enregistrement partiel sans la moindre indication des produits ou services spécifiques pour lesquels l'enregistrement serait justifié, a fortiori sans la moindre indication des raisons pour lesquelles, pour certains produits ou services faisant partie des classes 16, 39 et 41 mentionnées lors du dépôt, le syntagme ne tomberait pas sous le motif de refus retenu par le demandeur, à savoir le défaut de tout caractère distinctif parce que le signe Langs Vlaamse Wegen "est exclusivement descriptif pour la destination et la qualité le long des routes flamandes des produits et services concernés". 

En vertu de la compétence particulière qui lui a été attribuée entre autres par le législateur Benelux - article 6ter de la LBM inséré par l'article I, F, du Protocole du 2 décembre 1992 -, la cour d'appel de Bruxelles censure la décision du Bureau Benelux des Marques (BBM) portant refus de l'enregistrement d'un dépôt et ordonne, le cas échéant, à ce bureau de procéder à l'enregistrement. Cette appréciation et cet ordre éventuel se limitent cependant au dépôt tel qu'il a été soumis au BBM et apprécié par ce dernier; le cas échéant, le BBM peut entrer en discussion avec le déposant dans le cadre de la procédure spécifique définie à l'article 6bis de la LBM qui, conformément à l'article 6bis 2 de la LBM, peut même conduire à un refus d'enregistrement limité à un ou plusieurs des produits ou services mentionnés lors du dépôt. 

La cour d'appel ne peut cependant rien faire d'autre qu'examiner si la décision de refus, telle qu'elle a été prise par le BBM, était fondée et, en cas de réponse négative à cette question, imposer l'enregistrement du dépôt pour les produits et services pris en considération par le BBM. Si le BBM n'a pas prononcé de refus partiel, il n'appartient pas à la cour d'appel, statuant en vertu de l'article 6ter de la LBM, de limiter le refus et d'ordonner l'enregistrement pour certains produits ou services. Pareille attitude méconnaît et ignore la phase essentielle de l'examen devant le BBM, telle qu'elle est réglée de manière circonstanciée à l'article 6bis de la LBM. 

Il s'en suit qu'en donnant dans l'arrêt attaqué lui-même un ordre d'enregistrement partiel pour certains produits et services "à l'exclusion d'autres", alors que la décision du BBM ne comportait pas pareille restriction, ce que le BBM, au demeurant, "ne peut se voir reprocher" aux termes même de l'arrêt (point 18), la cour d'appel méconnaît sa compétence, telle qu'elle résulte de l'article 6ter de la LBM, règle qui touche à l'ordre public, ainsi que la compétence du BBM (article 6bis de la LBM et en particulier l'article 6bis 2 de la LBM qui donne au BBM le pouvoir de limiter le refus à certains produits/services), et viole dès lors ces dispositions légales ainsi que l'article 39 de la LBM en vertu duquel les dispositions précitées s'appliquent aussi aux signes servant à distinguer les services; dans la mesure où la juridiction d'appel aurait implicitement estimé pouvoir faire reposer la "compétence" critiquée sur les règles concernant l'effet dévolutif de "l'appel" au sens de l'article 1068 du Code judiciaire ou sur celle concernant l'extension éventuelle ou la modification de la demande (articles 807 et 1042 du Code judiciaire), l'arrêt attaqué viole également ces règles car elles ne sont pas applicables au régime "sui generis" des articles 6bis et 6ter de la LBM. 

3. Troisième branche 

Aucune des parties n'ayant fait valoir en quoi, pour des produits ou services spécifiques des classes 16 et 41, il serait satisfait à la condition de base requise du caractère distinctif, il n'appartenait pas à la juridiction d'appel d'établir d'office une distinction entre les différents produits/services auxquels le signe déposé se rapportait et d'établir elle-même la liste des produits/services pour lesquels le signe déposé (ne) pouvait (pas) être enregistré. 

En procédant d'office à une analyse des différents produits et services mentionnés dans les classes 16 et 41 et en apportant une différenciation sur la base de cette analyse sans mettre les parties - plus particulièrement le demandeur - en mesure de faire connaître leurs moyens à l'égard de pareille distinction introduite entre les produits et services concernés, l'arrêt a violé de manière flagrante les droits de la défense (violation du principe général de droit du droit de la défense). L'arrêt a également violé cette disposition légale pour n'avoir pas réouvert les débats sur ce point afin de permettre aux parties d'exposer leurs moyens à l'égard d'une distinction d'examen envisagée selon les produits/services spécifiques, conformément à la possibilité offerte par l'article 774, alinéa premier, du Code judiciaire. De plus, l'arrêt a violé le principe dispositif ou le principe de l'autonomie des parties au procès en décidant dans ces circonstances à l'égard de produits/services spécifiques déterminés d'office qu'ils étaient ou non éligibles à l'enregistrement d'un dépôt y relatif sans conclusions des parties sur ce point. L'arrêt viole aussi l'article 1138, 2°, du Code judiciaire qui consacre ce principe car, en vertu de ce principe et de cette disposition légale, le juge en matière civile ne peut pas accorder d'office une chose qui n'a pas été demandée et les parties n'avaient pas allégué dans le cas d'espèce que et pourquoi des produits/services spécifiques étaient ou non éligibles à l'enregistrement du dépôt du signe litigieux. 

4. Quatrième branche 

L'examen de la conformité des dépôts soumis aux fins d'enregistrement avec les conditions de base de l'enregistrement, telles que réglées aux articles 6bis et 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques, telle que dernièrement modifiée par le Protocole du 2 décembre 1992, n'implique pas que le Bureau Benelux des Marques (article 6bis) ou la cour d'appel (article 6ter) soient autorisés ou tenus de vérifier si le signe déposé est susceptible d'enregistrement pour chacun des produits ou services mentionnés lors du dépôt sans que le déposant fasse valoir à cette fin une argumentation particulière pour des produits ou services spécifiques et indique plus particulièrement pour quelle raison le motif de refus général invoqué par le BBM ne serait pas valable pour des produits ou services spécifiques. La faculté donnée par l'article 6bis 2 de la LBM au BBM de limiter le refus d'enregistrement à "un ou plusieurs des produits auxquels la marque est destinée" n'implique pas que le BBM ou la juridiction d'appel puissent ou doivent procéder à pareille limitation lorsque le déposant n'a exposé en aucune façon pourquoi pareille limitation du refus général d'enregistrer serait justifiée pour des produits ou services spécifiques. 

Dans la mesure où il admet que le BBM et la juridiction d'appel, dans l'exercice de "l'examen préventif du dépôt" respectivement du contrôle de cet examen préventif devraient inclure dans l'examen chacun des produits ou services pris séparément dans les classes mentionnées lors du dépôt et devraient, le cas échéant, limiter le refus d'enregistrement à certains produits/services, même si le déposant néglige de démontrer pourquoi pareille limitation est justifiée pour certains produits et services et dans la mesure où il exclut d'office, par conséquent, certains produits et services du refus d'enregistrement, l'arrêt attaqué implique la violation des articles 6bis et 6ter de la LBM (telle que modifiée par le Protocole du 2 décembre 1992) et de l'article 39 de la LBM (portant application analogique aux signes servant à distinguer les services); dans la mesure où il met en avant (p. 8, n° 14, 2e alinéa) que lors du contrôle préventif du dépôt, ce dépôt ne doit pas seulement être considéré pour les classes indiquées dans leur ensemble, mais pour chacun des produits/services qui y sont énumérés, et entend par là que le BBM doit démontrer en tout cas, quelle que soit l'attitude du déposant, pour chacun des produits et services pour lesquels le signe est déposé, en quoi il considère que l'enregistrement du dépôt doit être refusé, l'arrêt viole les deux dispositions susmentionnées - ainsi que l'article 39 de la LBM - de la loi Benelux sur les marques pour les raisons indiquées ci-dessus et contredit au demeurant la considération énoncée dans l'arrêt (p. 9, n° 18) suivant laquelle, dès lors que le déposant (la défenderesse) n'a pas fait savoir pendant l'examen devant le BBM qu'elle était disposée à se satisfaire d'un enregistrement partiel limité, le demandeur (BBM) "ne peut se voir reprocher de ne pas l'avoir fait". Cette contradiction, indépendamment de l'illégalité dénoncée ci-dessus, entache également la régularité de la motivation (violation de l'article 149 de la Constitution). 

5. Cinquième branche 

Dans l'appréciation d'office des produits en classe 16 et des services en classe 41 mentionnés lors du dépôt, l'arrêt attaqué décide que "pour certains de ces produits et services (…), l'aspect descriptif est (…) inexistant dans le syntagme" (point 13 de l'arrêt); l'arrêt se limite cependant à citer certains produits et services ("comme par exemple en classe 16: livres, périodiques, quotidiens, matériel d'instruction ou d'enseignement; en classe 41: organisation de formations, cours et séminaires, publication, édition, distribution et prêt de livres et périodiques, services d'édition, enseignement des langues"); l'arrêt impose pourtant aussi l'enregistrement pour les produits et services énumérés ci-après qui étaient mentionnés par la défenderesse sous lesdites classes 16 et 41 dans le formulaire de dépôt n° 889719 auquel l'arrêt fait référence, sans justifier pour quelle raison la décision de refus prise par le demandeur ne serait pas justifiée; l'arrêt ne constate pas en particulier que le signe déposé a un caractère distinctif suffisant pour les "produits de l'imprimerie" et les "photographies" (produits de la classe 16 mentionnés sur le formulaire de dépôt) ou pour "l'éducation" et "l'organisation de salons et expositions à des fins culturelles et éducatives" (services de la classe 41 mentionnés sur le formulaire de dépôt). 

A défaut d'une quelconque constatation quant au caractère distinctif requis à l'égard de ces produits ou services, l'arrêt attaqué ne pouvait légalement les inclure dans l'ordre d'enregistrement mais aurait dû les exclure de l'enregistrement ordonné. Pour ce motif, l'arrêt n'a pas fait une application légale de la compétence attribuée à la cour d'appel de Bruxelles en vertu de l'article 6ter de la loi Benelux sur les marques, inséré par le Protocole du 2 décembre 1992, compétence qui lui permet, en application des critères énoncés aux articles 1 et 6bis.1.a. et 6.bis.2 de la LBM, d'ordonner au Bureau Benelux des Marques l'enregistrement de la marque refusée. L'arrêt a dès lors violé ces articles ainsi que l'article 39 de la LBM portant application aux "marques de service". Faute de préciser pourquoi il juge que le signe litigieux doit être enregistré comme marque pour "les produits de l'imprimerie", "les photographies", "l'éducation", "l'organisation de salons et expositions à des fins culturelles et éducatives", l'arrêt attaqué ne donne pas du moins à la Cour la possibilité d'exercer son contrôle de légalité et n'est donc pas légalement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution). 

6. Sixième branche 

L'arrêt attaqué (p. 8, n° 13 in fine) impose l'enregistrement du dépôt litigieux pour certains produits et services des classes 16 et 41 au seul motif que "l'aspect descriptif est (…) inexistant dans le syntagme". 

En vertu de l'article 3.1.c de la directive européenne d'harmonisation en matière de marques du 21 décembre 1988, sont refusées à l'enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications "pouvant servir" pour désigner entre autres "la qualité ou la destination" des produits ou services concernés. 

L'arrêt attaqué applique lui-même à bon droit ce dernier critère - conformément à la directive d'harmonisation - à l'égard des produits et services de la classe 39 (point 11 de l'arrêt) en constatant que le syntagme "Langs Vlaamse Wegen" "peut (…) informer l'utilisateur potentiel des produits ou services sur la qualité et la destination de ceux-ci et est dès lors descriptif". 

Le motif de refus au sens de l'article 6bis 1 a. de la LBM (tel qu'inséré par le Protocole du 2 décembre 1992), plus particulièrement le défaut de caractère distinctif, doit être interprété conformément à ladite directive d'harmonisation en matière de marques n° 89/104/CE, plus particulièrement l'article 3.1.c. de cette directive; cette obligation d'interprétation conforme résulte de la nature de la directive qui, conformément à l'article 249 (ex article 189) du Traité d'Union, lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre. Les Etats membres, y compris toutes les autorités des Etats membres qui sont investies de la puissance publique, de même que par conséquent, dans les limites de leurs attributions, les autorités judiciaires de ces Etats, doivent prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de la directive en vertu de l'article 10 (ex article 5) du Traité d'Union. 

La cour d'appel devait dès lors interpréter le motif de refus visé à l'article 6bis 1.a. de la LBM au sens de l'article 3.1 de la directive d'harmonisation - invoqué en conclusions - et ne pouvait dès lors juger le syntagme litigieux susceptible d'enregistrement dès l'instant où il "pouvait servir" à désigner entre autres la qualité ou la destination des produits ou services concernés. 

L'arrêt attaqué, qui impose l'enregistrement à l'égard des produits et services mentionnés spécifiquement dans les classes 16 et 41 (arrêt p. 8, n° 13, deuxième alinéa) sur le fondement de la seule considération que "l'aspect descriptif est (…) inexistant dans le syntagme" pour ces produits et services déterminés sans constater que, au mépris de la thèse défendue par le demandeur dans ses conclusions en appel - le syntagme litigieux ne "pouvait servir" même à désigner entre autres la qualité ou la destination des produits ou services visés, implique la violation des articles 6bis 1.a. et 6ter de la LBM ainsi que des articles 10 (ex art. 5) et 249 (ex art. 189) du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, approuvé par la loi du 2 décembre 1957, tel que modifié par le Traité de Maastricht du 7 février 1992 et par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, et de l'article 3.1.c. de la première directive n° 89/104/CE du Conseil des Communautés européennes rapprochant les législations des Etats membres sur les marques. 

7. Septième branche 

L'arrêt attaqué est entaché par la contradiction de ses motifs et dispositions en ce que, d'une part, il exclut le syntagme litigieux de l'enregistrement pour défaut de caractère distinctif, d'une part, soit au motif qu'il peut informer l'utilisateur potentiel des produits et services concernés sur la qualité et la destination de ceux-ci, dans la mesure où ces mots ont été déposés pour "le divertissement, les auto-écoles, les cours de sport, l'évaluation et l'organisation d'activités culturelles, éducatives, sportives et délassantes et le développement, les services de camps de vacances, l'information culturelle (services en classe 41: arrêt, p. 10 dispositif; p. 8, n° 13) et en ce que, d'autre part, il impose l'enregistrement et admet dès lors la présence d'un "caractère distinctif" suffisant dans le chef du même signe dans la mesure où il est déposé pour "des livres, périodiques, matériel d'instruction ou d'enseignement, produits de l'imprimerie, photographies (arrêt p. 8 n° 13, p. 10 dispositif avec référence aux produits de la classe 16) ainsi que pour "l'éducation, l'organisation de formation, cours, séminaires, publication, édition, distribution et prêt de livres et périodiques" (arrêt p. 8, n° 13; p. 10 avec référence aux services de la classe 41). 

Dès lors, l'arrêt attaqué juge le refus d'enregistrement aussi bien fondé que non fondé à l'égard des mêmes "services", à savoir "éducation", "activités éducatives et développement"; l'arrêt juge le refus d'enregistrement du signe litigieux également fondé (suite p. 8) à l'égard de certains services comme "divertissement, auto-écoles, cours de sport, promotion et organisation d'activités culturelles, éducatives, sportives et délassantes et développement, services de camps de vacances, information culturelle" alors qu'il impose au contraire l'enregistrement pour des produits tels que "livres, périodiques, produits de l'imprimerie, photographies, matériel d'instruction ou d'enseignement" qui font nécessairement partie des "services" susmentionnés pour lesquels le refus d'enregistrement est précisément jugé fondé ou sont du moins étroitement liés à ces services. 

Cette contradiction entache la régularité des motifs (violation de l'article 149 de la Constitution), d'une part, et, s'agissant d'une contradiction entre les dispositions, comporte en outre une violation de l'article 1138, quatrième alinéa, du Code judiciaire; elle implique, d'autre part, que la décision n'est pas légalement justifiée dès lors que l'enregistrement d'un signe déposé n'est pas imposé et ne peut pas être refusé pour les mêmes produits ou services. Pareille décision, prise sur la base des articles 6bis 1.a et 6ter de la LBM, qui conduit à une situation impossible en sorte qu'elle est impraticable, emporte la violation des articles précités ainsi que de l'article 39 de la LBM par lequel les dispositions de la LBM sont déclarées applicables aux signes servant à distinguer des services. Une même conclusion s'impose à l'égard de la situation dénoncée plus haut où l'enregistrement est imposé pour certains produits alors que le refus d'enregistrement est jugé fondé pour des services auxquels ces produits sont nécessairement affectés. 

V. Décision de la Cour 

Attendu que le pourvoi est uniquement dirigé contre la décision ordonnant l'enregistrement de la marque "Langs Vlaamse Wegen" pour certains produits et services des classes 16 et 41 ; 

1. Première branche 

Attendu que le demandeur a soutenu devant les juges d'appel qu'il incombait au déposant de démontrer devant le Bureau Benelux des Marques (dénommé ci-après: BBM) en quoi il serait satisfait aux conditions de base légales pour certains produits ou services et que la considération tardive que la défenderesse a consacrée devant la cour d'appel à certaines classes ou à certains produits/services de ces classes n'était pas "pertinente" et n'enlevait rien au caractère descriptif des mots incriminés ; 

Que l'arrêt rejette cette défense et répond avec les motifs que "lors du contrôle préventif du dépôt, ce dernier ne doit pas seulement être considéré pour les classes mentionnées dans leur ensemble mais pour chacun des produits ou services qui y sont indiqués, que l'article 6 bis.2 énonce en effet que le refus d'enregistrer peut se limiter à un ou plusieurs des produits auxquels la marque est destinée; (…) que pour le dépôt des classes 16 et 41, l'enregistrement ne doit dès lors être refusé qu'en raison de son caractère descriptif pour les produits ou services cités ci-après"; 

Que la branche manque en fait; 

2. Deuxième branche 

Attendu que la branche soutient en substance que, en vertu de la compétence particulière qui lui a été attribuée, la cour d'appel de Bruxelles apprécie la décision du BBM portant refus de l'enregistrement d'un dépôt et ordonne, le cas échéant, au Bureau de procéder à l'enregistrement, et que cette appréciation et cet ordre sont limités au dépôt, tel qu'il a été soumis au BBM et apprécié par lui; que, d'après la thèse du demandeur, la cour d'appel ne pouvait pas, en vertu de l'article 6ter de la LBM, ordonner l'enregistrement partiel d'un dépôt de marque pour certains produits ou services si la décision de refus du BBM fondée sur l'article 6bis de la LBM n'avait pas trait à ces produits ou services spécifiques mais concernait en général une classe complète de produits ou services ; 

Attendu que l'article 6bis de la LBM est libellé comme sui t: 

1. Le Bureau Benelux des Marques refuse d’enregistrer un dépôt lorsqu’il considère que : 

a. le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment par défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris; 
b. le dépôt se rapporte à une marque visée à l’article 4, sous 1 et 2. 

2. Le refus d’enregistrer doit concerner le signe constitutif de la marque en son intégralité. Il peut se limiter à un ou à plusieurs des produits auxquels la marque est destinée. 

3. Le Bureau Benelux informe le déposant sans délai et par écrit de son intention de refuser l’enregistrement en tout ou en partie, lui en indique les motifs et lui donne la faculté d’y répondre dans un délai à fixer par règlement d’exécution. 

4. Si les objections du Bureau Benelux contre l’enregistrement n’ont pas été levées dans le délai imparti, l’enregistrement du dépôt est refusé en tout ou en partie. Le Bureau Benelux informe le déposant sans délai et par écrit en indiquant les motifs du refus et en mentionnant la voie de recours contre la décision visée à l’article 6ter. 

Attendu qu'en vertu de l'article 6ter de la LBM, le déposant peut, dans les deux mois qui suivent la communication visée à l’article 6bis, quatrième alinéa, introduire devant la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg une requête tendant à obtenir un ordre d’enregistrement du dépôt; 

Attendu que les procédures prévues à l'article 6bis et à l'article 6ter de la LBM portent sur un examen quant au fond du signe déposé au regard des critères mentionnés à l'article 6bis, alinéa premier, de la LBM; 

Qu'il y a lieu de s'interroger sur l'étendue de cet examen et en particulier sur le point de savoir si le juge compétent est autorisé à ordonner l'enregistrement pour des produits ou services déterminés d'une classe à l'exclusion d'autres de la même classe dans une situation où le déposant n'a pas envisagé la possibilité d'un enregistrement partiel devant le BBM et où le BBM a refusé l'enregistrement demandé pour une classe complète sans la moindre exception; 

Que la solution de cette difficulté nécessite l'interprétation des articles 6bis et 6ter de la LBM; 

Que la Cour de Justice Benelux est compétente pour répondre à la question énoncée au dispositif, sous 1 ; que la Cour est tenue en règle de poser une question préjudicielle en vertu de l'article 6 du Traité du 31 mars 1965 ; 

3. Troisième branche 

Attendu que dans ses conclusions prises devant la cour d'appel de Bruxelles, la défenderesse a, en ordre subsidiaire, demandé sans autre précision que cette cour ordonne l'enregistrement de la marque déposée par la défenderesse "pour les produits et services à déterminer par la Cour" ; 

Que, sur le fondement de cette demande subsidiaire, la décision attaquée ordonne au BBM l'enregistrement du dépôt pour les produits des classes 16 et 41 tout en excluant néanmoins certains produits ou services de ces classes ; 

Attendu que la branche revient à dire qu'en vertu des règles nationales de procédure applicables en Belgique, la cour d'appel de Bruxelles ne pouvait établir d'office une distinction entre les différents produits ou services auxquels le signe déposé se rapportait et ne pouvait pas établir elle-même la liste des produits ou services pour lesquels le signe déposé ne pouvait pas être enregistré ; 

Attendu que cette branche fait surgir la question de savoir si les règles nationales de procédure doivent être prises en considération pour déterminer le pouvoir d'appréciation du juge national ; 

Que cette question est posée dans le cadre des dispositions du droit national de la procédure qui imposent, avant de faire droit à la demande d'une partie sur la base de motifs donnés d'office, de donner à la partie adverse la possibilité de se défendre contre cette demande ; 

Qu'en l'espèce, il ne ressort en particulier d'aucune pièce à laquelle la Cour peut avoir égard qu'il y a eu entre les parties un débat quelconque ni devant le BBM ni devant la cour d'appel de Bruxelles sur des produits et services spécifiques des classes 16 et 41 pour lesquels la marque contestée aurait eu un caractère distinctif suffisant ; qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué de la cour d'appel que la cour d'appel a posé une quelconque question aux parties à ce sujet ; 

Attendu que la Cour de Justice Benelux est compétente pour répondre à la question énoncée au dispositif, sous 2 ; qu'en vertu de l'article 6 du Traité du 31 mars 1965, la Cour est tenue en règle de poser une question préjudicielle ; 

4. Quatrième branche 

Attendu que contrairement à ce qu'avance le moyen, l'arrêt ne décide pas que le BBM ou la cour d'appel de Bruxelles doivent examiner le caractère distinctif du signe pour chacun des produits et services des classes mentionnées lors d'un dépôt lorsque le déposant ne fait pas lui-même de distinction entre les produits et les services d'une classe déterminée ; 

Qu'il s'ensuit que la contradiction alléguée entre la décision suivant laquelle le BBM doit inclure chacun des produits dans son appréciation et la décision suivant laquelle le demandeur "ne peut se voir reprocher de ne pas l'avoir fait" n'existe pas; 

Que la branche manque en fait ; 

5. Cinquième, sixième et septième branches 

Attendu que la réponse à ces branches est étroitement liée à la possibilité qui est offerte à la cour d'appel de Bruxelles de censurer la décision du BBM ; 

Que la réponse à ces questions est tenue en suspens ; 

PAR CES MOTIFS, 

LA COUR, 

Réserve à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice Benelux se sera prononcée sur les questions suivantes : 

1. Les articles 6bis et 6ter de la LBM doivent-ils être interprétés en ce sens que la cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye et la cour d'appel de Luxembourg ne peuvent donner un ordre d'enregistrer une marque pour des produits ou services déterminés d'une classe que dans la mesure où le BBM, après l'examen défini à l'article 6bis, a pris lui aussi une décision en rapport avec ces produits ou services et n'a pas seulement pris une décision qui intéressait la même classe dans son entièreté? 

2. Si la réponse à cette question est négative et que la cour d'appel, sans égard aux moyens présentés devant le BBM, peut examiner intégralement le signe déposé au regard des critères mentionnés à l'article 6bis, l'article 6ter de la LBM doit-il être interprété en ce sens que les autorités judiciaires visées dans le première question doivent ou peuvent suivre les règles du droit national de la procédure civile dans l'exécution de leur mission, en particulier pour déterminer l'étendue de leur droit de contrôle, pour déterminer leur pouvoir de diriger le procès et pour concrétiser le droit de la défense des parties? 

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, par Monsieur le président Ivan Verougstraete, les conseillers Ernest Waûters, Greta Bourgeois, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du vingt-sept juin deux mille deux par Monsieur le président Ivan Verougstraete, en présence de Monsieur l'avocat générale Guy Dubrulle, avec l'assistance de Monsieur le greffier Philippe Van Geem 

Signé: Verougstraete, Waûters, Bourgeois, Dirix, Stassijns, Van Geem. 

Vu pour copie conforme, 

Le greffier