Numéro de requête R03/371

Date
Instance
REC NL
Marque
ICT
Numéro de dépôt
Déposant
ICT AUTOMATISERING N.V.
Texte
Numéro de requête: R 03/371
 
ICT AUTOMATISERING N.V. contre BUREAU BENELUX DES MARQUES
 
Prononcé: 30 octobre 2003
Numéro de requête: R 03/371
 
La cour d’appel de La Haye, chambre MC-5,
 
a rendu l’ordonnance suivante à la requête de:
 
ICT AUTOMATISERING N.V. dont le siège est à Barendrecht, requérante,
avoué: me H.C. Grootveld, avocat me G.J. van de Kamp,
 
contre
 
le BUREAU BENELUX DES MARQUES, dont le siège est à La Haye, défendeur,
(dénommé ci-après: le BBM) avoué: me C.J.J.C. van Nispen.
 
La procédure
Par requête (avec annexes) parvenue au greffe de la cour le 13 mai 2003, la requérante a demandé à la cour d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement dans le registre des marques Benelux de son dépôt du signe ICT, effectué sous le numéro 0993509, et de condamner le BBM aux dépens de l’instance. Par lettre du 11 août 2003, la requérante a versé au dossier deux pages manquantes des annexes jointes à sa requête. 
 
Par mémoire déposé le 2 septembre 2003 au greffe de la cour, le BBM a demandé de rejeter la requête de la requérante, dépens comme de droit.
 
La procédure orale a eu lieu le 8 septembre 2003. Les parties ont fait exposer leurs points de vue à l’aide de notes de plaidoirie, la requérante par son avocat et le BBM par son avoué. A cette occasion, la requérante et le BBM ont produit de nouvelles pièces.
 
Examen de la requête
1.         La requête a été introduite dans le délai.
 
2.         Les pièces de la procédure et les allégations des parties font apparaître ce qui suit:
 
a. Le 13 juillet 2001, la requérante a déposé le signe ICT en lettres capitales grasses sans empattement comme marque (figurative) Benelux sous le numéro 0993509 pour les produits et services suivants dans les classes suivantes:
 
Classe 9: Logiciels, matériel et périphériques d’ordinateur, logiciel d’ordinateur utilisé en combinaison avec le matériel d’ordinateur, dont le logiciel d’exploitation, les progiciels, dont les programmes d’ordinateurs pour les systèmes dits “SCADA- (Supervisory Control and Data Acquisition); appareils audio et vidé; photocopieuses; cartes à puces et “smartcards”.
 
Classe 38: Télécommunications; envoi d’images, de son et de données par voie de télécommunication, au profit ou non des services d’information et internet; transfert Électronique de données; fourniture de la possibilité d’appels sur des réseaux électroniques (câblés) comme Internet, services dans le domaine du courrier électronique (courriel); transfert, émission ou réception de données par voie de câbles, par voie radio-électrique ou au moyen de systèmes optiques ou électromagnétiques, entre autres pour les besoins de fournir aux utilisateurs d’ordinateurs l’accès à des réseaux internationaux de télécommunication et, via de tels réseaux internationaux, à d’autres réseaux et aux services disponibles sur ces réseaux.
 
Classe 42: Services informatiques, conseils en matière informatique; développement, maintenance et controle de logiciel; programmation, développement et ingénierie d’ordinateurs, gestion de projets informatiques; conseils en matière de technologie de l’information et de la communication; mise en oeuvre de logiciel; services de spécialistes des ordinateurs, à savoir programmation d’ordinateurs; conseils professionnels dans le domaine des logiciels résidents; conseils professionnels en matière de smartcards, systèmes de communication mobile, systèmes de circulation, de mesure et d’action, systèmes de radar et de défense, systèmes de réponse vocale; développements de systèmes informatisés de production, tous les services précités à fournir aussi par Internet.
 
b. Par lettre du 2 avril 2002 (annexe B à la requête), le BBM a annoncé le refus provisoire de l’enregistrement du dépôt. Comme motif(s), le BBM a indiqué: "Le signe ICT est composé exclusivement de l’abréviation ICT (pour technologie de l’information et de la communication) habituelle dans la branche de l’informatique) et est exclusivement descriptif pour les produits mentionnés dans les classes 9, 38 et 42 en rapport avec l’ICT. C’est pourquoi le signe est dépourvu de tout caractère distinctif (cf. article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (..)) ."
 
c. Par réclamation du 18 juillet 2002 (annexe C à la requête), la requérante s’est opposée au refus provisoire de l’enregistrement.
 
d. Après un échange de correspondance entre l’avocat de la requérante et le BBM, le BBM a, par lettre du 17 mars 2003, notifié à la requérante sa décision portant refus définitif de l’enregistrement du dépôt (annexe D à la requête).
 
3.         La requérante estime que le signe déposé par elle n’est pas exclusivement descriptif et que ce signe est en outre consacré par l’usage.
 
4.         Le refus du BBM d’enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l’article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après : LBM). Cet article a été introduit pour adapter la législation néerlandaise à la directive européenne 89/104/CE (Première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des états membres sur les marques, JOCE 1989 L 40). L’alinéa de l’article dispose que l’enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er de la LBM, 'notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris’.'
 
5.         L’article précité de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (ci-après: Convention d’Union) est libellé comme suit, dans ses passages pertinents en l’espèce:
 
"B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
1.            (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée, (.) "
 
6.         La combinaison de lettres ICT est aujourd’hui et était à l’époque du dépôt l’indication ordinaire et usuelle de la technologie de l’information et de la communication et dès lors des (caractéristiques essentielles) des produits et services pour lesquels le signe est déposé. La combinaison de lettres ICT ne possède donc aucun caractère distinctif pour les produits et services pour lesquels le signe en cause est déposé. La requérante ne le conteste pas non plus de manière motivée. Elle affirme cependant que la marque figurative déposée par elle possède un caractère distinctif en raison de la graphie spéciale caractéristique en lettres capitales grasses sans empattement. La cour ne peut pas suivre la requérante. Il n’est pas contesté et les pièces produites montrent que l’indication ICT est quasi toujours écrite en majuscules dans l’usage normal, de sorte que l’on ne peut pas dire que l’usage des majuscules constitue un mode de présentation qui se distingue entièrement des modes habituels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles. Par l’usage de majuscules, la combinaison de lettres ICT n’acquiert aucun caractère distinctif. Ce qui précède vaut aussi pour la police de caractères utilisée en l’espèce – en caractères gras. La cour fait remarquer qu’il est de notoriété publique que l’usage d’un caractère sans empattement comme en l’espèce est très habituel et que dans diverses polices de caractères, les lettres agrandies passent automatiquement en caractères gras. L’usage de la présente police de caractères – en gras – n’ajoute pas un élément figuratif ou autre permettant de distinguer l’indication ICT du signe verbal ICT. On ne peut pas admettre que l’indication ICT, par sa présentation en lettres capitales grasses sans empattement, est apte à être perçue comme signe de provenance par le public concerné. Ceci vaut aussi si l’on devait considérer que le public concerné – comme le soutient la requérante, mais ce que conteste le BBM – est constitué uniquement de clients commerciaux ou professionnels, ce qui ne se déduit d’ailleurs pas des produits et services – largement décrits – pour lesquels le signe est déposé.
Il suit de ce qui précède que le signe est dépourvu dès le départ de tout caractère distinctif.
 
La cour relève encore qu’elle n’est pas liée par les décisions du président du tribunal d’Utrecht du 6 juillet 2000 et du 22 mai 2001, dont la requérante se prévaut. Dans ces affaires, la demande était basée sur une indication ICT de couleur verte déposée comme marque. La requérante a confirmé à l’audience que ce dépôt a été enregistré.
 
7.         A titre subsidiaire, la requérante invoque la consécration par l’usage. Elle affirme que le signe était consacré par l’usage à l’époque du dépôt et se prévaut à cette fin de l’usage très intensif qui aurait été fait de la « dénomination ICT » depuis 1978. Pour déterminer le caractère distinctif par l’usage, il faut tenir compte de tous les facteurs permettant d’attester que le signe est devenu apte à distinguer les produits ou services de ceux d’autres entreprises. Pour étayer la consécration par l’usage alléguée, la requérante a produit des pièces. Les pièces postérieures à la date de dépôt doivent être écartées, dès lors que le moment du dépôt est le moment de l’appréciation. La requérante n’a pas contesté de manière motivée la thèse du BBM que les documents produits révèlent uniquement un usage de l’indication ICT comme nom commercial (et donc pas en même temps comme marque). 
A supposer même un usage quelconque comme marque, l’usage intensif et de longue durée (comme marque) du signe déposé n’est pas avéré. Comme la requérante utilisait un autre caractère avant 1996 et s’est servie de caractères sans cesse différents dans les publications de tiers, l’indication ICT n’est reproduite avec les lettres capitales grasses sans empattement déposées que dans un faible nombre de pièces. Du fait que seules des copies ont été produites, on ne peut pas non plus dire dans ces cas si c’était un usage en lettres vertes. Dans les citations pour les référés en question qu’elle produit, la requérante affirmait:
"ICT utilise (en outre) la dénomination "ICT" déjà depuis le début des années 80 dans une couleur verte dans le Benelux. Par suite de cet usage long et logique de la couleur verte par ICT, cette couleur est devenue très connue pour les services prestés par ICT et donc spécialement distinctive." Dans sa lettre au BBM du 30 septembre 2002, la requérante reconnaît que l’usage d’ICT fait appel à d’autres éléments (figuratifs).
 
Vu ce qui précède, on ne peut pas admettre que le signe déposé est devenu apte en lui-même à distinguer les services et produits de ceux d’autres entreprises.
 
La cour relève au surplus qu’elle passe outre à l’offre de preuves de la requérante qui n’est pas pertinente et insuffisamment concrétisée eu égard à ce qui précède.
 
Il suit de ce qui précède que l’invocation de la consécration par l’usage est rejetée.
 
8.         La requête sera dès lors rejetée et la requérante condamnée aux dépens de l’instance.
 
Décision
 
La cour:
 
Rejette la requête;
 
Condamne la requérante aux dépens de l’instance et les fixe jusqu’à ce prononcé pour le Bureau Benelux des Marques à € 1.787,--.
 
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers-Becking et Verduyn, elle a été prononcée en audience publique du 30 octobre 2003, en présence du greffier.
 
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