Numéro de requête 9099 (R97/164HR)

Date
Instance
CASS NL
Marque
CHIEN PU WAN
Numéro de dépôt
Déposant
International Sales Promotors B.V.
Texte

30 mars 2001
Première Chambre
No de la requête : 9099 (R97/164HR)

Ordonnance

dans la cause de :

INTERNATIONAL SALES PROMOTORS B.V.,
agissant sous le nom Bae Shian Nederland B.V.,
ainsi que sous le nom Chien Pu Wan B.V.,
dont le siège est à Oisterwijk,

REQUERANTE en cassation,
Avocat : Me A.H. Vermeulen,

contre

la personne morale de droit international
LE BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,

DEFENDEUR en cassation,
Avocat : Me C.J.J.C. van Nispen.

1. Le déroulement de l'instance

Pour le déroulement de la procédure jusqu'à ce jour, le Hoge Raad se réfère à son ordonnance interlocutoire du 6 novembre 1998. Par cette ordonnance interlocutoire, le Hoge Raad a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice Benelux se soit prononcée dans l'affaire de Campina Melkunie B.V. contre le Bureau Benelux des Marques. La Cour de Justice Benelux a rendu le 26 juin 2000, n° A 98/2 (NJ 2000, 551) son arrêt en cause de Campina Melkunie B.V. contre le Bureau Benelux des Marques. 

2. L'instance après la suspension

Monsieur l'avocat général F.B. Bakels a conclu au rejet du pourvoi, la décision sur les dépens devant être réservée. 

L'avocat du Bureau Benelux des Marques a réagi à ces conclusions par lettre du 10 janvier 2001. 

3. Appréciation du moyen

3.1 Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit en cassation : 

(i) Fin 1983 ISP a été la première à commercialiser aux Pays-Bas des pilules portant l'indication « CHIEN PU WAN ». 

(ii) ISP est par convention la représentante exclusive en Europe pour la vente de ces pilules. 

(iii) CHIEN PU WAN est un produit chinois à base d'épices que l'on peut obtenir aux Pays-Bas en guise de complément nutritif et sans ordonnance auprès d'une pharmacie, d'une droguerie et d'un magasin diététique. 

(iv) BSP a déposé le 6 février 1985, le 8 novembre 1994 et le 23 novembre 1994 auprès du BBM une marque figurative représentant un conditionnement portant les mots CHIEN PU WAN, une marque verbale CHIEN PU WAN et une marque figurative de couleur noire. Ces dépôts ont été enregistrés sous les numéros 408392, 836873 et 558001, et ce pour des produits en classe 5. 

(v) Depuis l'été de 1994, la « Stichting 3-Maste Products Promotion » (ci-après 3-Maste) commercialise dans le Benelux des pilules sous le nom de CHIEN PU WAN. Ces pilules sont fabriquées par la société taiwanaise Nan-Found Pharmaceutical Co. Ltd. 

(vi) BSP et ISP ont intenté contre 3-Maste une action en référé devant le président du tribunal de Breda. Le défaut a été prononcé contre BSP et ISP. Par jugement du 28 octobre 1994, le président a déchargé 3-Maste de l'instance. 

(vii) BSP et ISP ont ensuite engagé une action quant au fond contre 3-Maste devant le tribunal de Breda. Elles y ont demandé entre autres de condamner 3-Maste à cesser avec effet immédiat, à compter de la signification du jugement, de mettre sur le marché, de détenir, de vendre et de livrer des pilules sous le nom de CHIEN PU WAN. 3-Maste s'est défendue contre cette demande et a formé une demande reconventionnelle. 

(viii) Par jugement du 25 avril 1995, le tribunal a déclaré l'action d'ISP non recevable en vertu de l'article 12 de la LBM au motif qu'elle n'était pas celle qui avait déposé les marques précitées. 

Le tribunal a rejeté les demandes au principal. Sur l'action reconventionnelle, le tribunal a dit pour droit que les dépôts effectués par BSP auprès du BBM de la marque verbale CHIEN PU WAN en date du 8 novembre 1994 sous le numéro 836873 et de la marque figurative noire en date du 23 novembre 1994 sous le numéro 558001 étaient nuls et il a ordonné la radiation de l'enregistrement des dépôts. A cet effet, le tribunal a considéré, en résumé, que la marque verbale CHIEN PU WAN était devenue une dénomination générique à l'époque du dépôt et que la marque figurative noire déposée était dépourvue de caractère distinctif à l'égard du produit considéré. 

(ix) Ce jugement n'a pas été frappé d'appel. Dès qu'il est passé en force de chose jugée, le BBM a radié la marque verbale CHIEN PU WAN. 

(x) Le 11 mars 1996, ISP a déposé auprès du BBM la marque verbale CHIEN PU WAN pour des produits dans les classes 5 et 16 ainsi que pour des services en classe 35. 

(xi) Par lettre du 1er juillet 1996, le BBM a communiqué à ISP qu'il refusait provisoirement l'enregistrement du dépôt. A cet effet, le BBM – se référant au jugement du tribunal de Breda mentionné sous (viii) ci-dessus – a indiqué comme motif que le signe CHIEN PU WAN était exclusivement descriptif pour les produits et services mentionnés dans les classes 5, 16 et 35 dans la mesure où ils se rapportent au produit chinois à base d'épices chien pu wan et qu'il était dépourvu de caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM. 

(xii) ISP s'est opposée à ce refus provisoire auprès du BBM. Par lettre du 4 février 1997, le BBM a fait savoir à ISP qu'il refusait définitivement l'enregistrement. 

3.2 En vertu de l'article 6ter de la LBM, ISP a fait appel de ce refus définitif devant la cour d'appel de La Haye. Elle a demandé à la cour d'ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement du dépôt de la marque verbale CHIEN PU WAN. 

La cour a rejeté cette demande par ordonnance du 18 septembre 1997. A cet effet, la cour a considéré en résumé ce qui suit sous les points 6 et 7 des motifs de son ordonnance. Dans le cas d'espèce, il est à retenir que le juge a décidé qu'une marque verbale déterminée s'est transformée en dénomination générique et que, par une décision passée en force de chose jugée, il a donné l'injonction de radier cette marque verbale, le BBM ayant obtempéré à cette injonction. Selon la cour, ce que réclame ISP revient en fait à ce que le BBM, lorsqu'il est ensuite appelé à prendre une décision en vertu de l'article 6bis de la LBM dans le cadre de l'examen d'un « dépôt identique », doit examiner si le juge a décidé à bon droit qu'il y avait transformation en dénomination générique. La cour estime qu'une telle révision d'une décision judiciaire n'est pas compatible avec la délimitation des tâches et compétences respectives du BBM et du juge. C'est pourquoi, dit la cour, le BBM s'est basé à juste titre sur le bien-fondé de la décision judiciaire. La cour ajoute au point 8 des motifs qu'elle peut s'abstenir de déterminer si le BBM aurait pu décider autrement dans l'hypothèse où ISP aurait pu établir que la marque verbale considérée avait acquis (de nouveau) dans l'intervalle un caractère distinctif dès lors que ISP ne l'a pas allégué. 

Le moyen est dirigé contre la décision de la cour et les motifs sur lesquels elle repose. 

3.3.1 Avant d'examiner le moyen, il convient de relever que l'instance dans la présente procédure sur requête intervient entre d'autres parties – ISP et le BBM – que les parties à la cause qui a conduit au jugement du tribunal de Breda du 25 avril 1995. 

3.3.2 Pour examiner le moyen, il faut par ailleurs relever que le juge qui décide que le dépôt d'une marque est nul prononce d'office la radiation de l'enregistrement du dépôt annulé en vertu de l'article 14 D de la LBM. Ceci implique que la décision prononçant la nullité d'un dépôt a, dans cette mesure, un effet erga omnes. Voyez également dans les conclusions de l'avocat général Bakels, sous le n° 2.7, le passage cité du Commentaire commun de l'article 14 de la LBM. On ne saurait néanmoins en déduire que les motifs qui ont amené le juge à prononcer la radiation doivent nécessairement être tenus pour valables dans une autre instance. En vertu de l'article 67 du code de procédure civile, il en sera ainsi dans une nouvelle instance entre les mêmes parties que les parties à la cause dans laquelle le juge a ordonné la radiation de la marque. Ces motifs ne pourront être tenus pour valables à l'égard de celui qui n'était pas partie à la cause ayant donné lieu à cette décision pour la simple raison qu'ils font partie des considérations d'une décision antérieure ordonnant la radiation de la marque. Ils ne pourront pas davantage, pour la même raison, être tenus pour valables dans une instance qui oppose une personne qui était partie à cette instance à une autre partie adverse. 

Cela veut dire que lorsqu'une marque, dont la radiation avait été ordonnée antérieurement par décision judiciaire, est à nouveau déposée, le BBM devra examiner de manière autonome si le dépôt doit ou non être refusé. Certes, ainsi qu'il suit des considérations précédente, le BBM ne peut pas refuser le dépôt de la marque au seul motif que le juge a ordonné antérieurement la radiation de la marque, mais il peut en revanche faire siens les motifs qui ont conduit le juge à cette injonction et refuser le dépôt pour ces motifs. Il faut noter à cet égard que le BBM devra examiner également si, après la décision de radiation, des circonstances se sont produites qui ont permis à la marque d'acquérir à nouveau un caractère distinctif et justifient dès lors l'acceptation du dépôt. 

Si le BBM refuse le dépôt de la marque pour les motifs mentionnés dans la décision qui en ordonnait la radiation, la cour d'appel de La Haye devra, en vertu de l'article 6ter de la LBM examiner si ces motifs justifient le refus du dépôt. 

3.3.3 Il suit des considérations énoncées sous 3.3.2 ci-dessus que la cour a témoigné d'une conception erronée du droit dans les motifs de son ordonnance rappelés sous 3.2 ci-dessus. Le moyen est dès lors fondé en ce qu'il comporte des griefs contre ceux-ci. 

3.4 Le Hoge Raad réservera la décision sur les dépens de l'instance en cassation jusqu'à ce que la Cour de Justice Benelux aura statué sur ce point dans l'affaire KPN contre le BBM relative à l'enregistrement de la marque Postkantoor. 

4. Décision

Le Hoge Raad :

Casse l'ordonnance de la cour d'appel de La Haye du 18 septembre 1997; 

Renvoie la cause à cette cour aux fins d'en poursuivre l'examen; 

Réserve à statuer sur les dépens de l'instance en cassation ainsi qu'il est mentionné sous le point 3.4 ci-dessus. 

La présente ordonnance a été rendue par le vice-président Mijnssen, en qualité de président et par les conseillers R. Herrmann, H.A.M. Aaftink, A. Hammerstein et E.J. Numann, et prononcée à l'audience publique du 30 mars 2001 par le conseiller W.H. Heemskerk.