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Prononcé : 1 avril 1999
No de la requête.: 98/655
LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,
a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :
Knapper Produkties B.V.,
dont le siège est à Amsterdam,
requérante,
avoué : Me H.C. Grootveld
contre
le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen
La procédure
Par requête reçue au greffe de la cour le 5 octobre 1998, la requérante (dénommée ci-après Knapper) a demandé à la cour d'ordonner, par voie de mesure provisoire, au défendeur (dénommé ci-après le Bureau), de procéder à l'enregistrement du dépôt du signe FIESTA GITANA et de condamner le Bureau aux dépens de l’instance.
La procédure orale sur la requête est intervenue le 1er mars 1999. Les parties, le Bureau produisant à cette occasion une pièce, ont exposé leurs points de vue à l'aide de notes de plaidoirie, Knapper par Me P. Katz, avocat à Amsterdam, et le Bureau par son avoué.
Examen de la requête
1. Il est considéré à titre d’hypothèse que la requête a été introduite dans le délai.
2. La requête, les pièces versées au dossier et les débats à l’audience font apparaître les éléments pertinents suivants :
a. Le 17 avril 1998, Knapper a déposé auprès du Bureau le signe FIESTA GITANA sous le numéro 914309 pour les services en classe 41.
b. Par lettre du 29 mai 1998, le Bureau a notifié le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt.
Le Bureau a indiqué le(s) motif(s) suivant(s) :
"Le signe FIESTA GITANA, composé de la dénomination générique fiesta (espagnol pour fête) et de l’adjectif gitana (espagnol pour gitane) est dépourvu de tout pouvoir distinctif visé à l’article 6bis, par. 1er, sous a., de la Loi Uniforme Benelux sur les marques (...) pour les services mentionnés en classe 41 pour autant qu’ils aient trait à l’exécution de fêtes consacrées au folklore gitan.”
c. Le conseil de Knapper a fait opposition à cette décision par lettre du 5 juin 1998.
d. Le Bureau n'y a pas vu motif à revoir sa décision et a rappelé que le délai pour faire valoir des objections additionnelles contre le refus provisoire prenait fin le 29 novembre 1998 (lettre du 17 juin 1998).
e. Par lettre du 25 juin 1998, le conseil de Knapper a informé le Bureau que Knapper maintenait sans restriction ses objections contre le refus provisoire et que Knapper renonçait à la faculté de (pouvoir) compléter sa réclamation jusqu’à la date du 29 novembre 1998 tout en priant le Bureau de prendre le plus rapidement possible une décision définitive quant au refus définitif ou non de l’enregistrement.
f. Par lettre du 15 juillet 1998, le Bureau a entre autres indiqué au conseil que le délai visé à l’article 4 du Règlement d’exécution était prolongé d’office jusqu’au 29 novembre 1998, que sous réserve d’une circonstance au sens de l’article 6bis, alinéa 4, de la LBM (loi uniforme Benelux sur les marques), la législation ne prévoyait pas la possibilité de renoncer audit délai et que, à défaut de recevoir une réclamation additionnelle pertinente avant le 29 novembre 1998, il serait procédé au refus définitif du signe.
g. Le Bureau a définitivement refusé l’enregistrement du signe déposé le 21 janvier 1999.
3. Sur pied de l’article 6ter de la LBM, Knapper a demandé à la cour d'ordonner, par voie de mesure provisoire, au Bureau Benelux des Marques de procéder à l'enregistrement du dépôt.
Lors de la procédure orale, Knapper a complété sa demande en ce sens que la demande est également dirigée contre le refus définitif de l’enregistrement décidé par le Bureau le 21 janvier 1999.
4. Le Bureau a demandé de rejeter la requête de Knapper et s’est opposé à cette “augmentation de la demande”.
5. La cour rejettera l’ampliation de la requête. Cette ampliation (orale) constitue en fait une voie de recours nouvelle contre une autre décision, à savoir le refus définitif de l’enregistrement par le Bureau, lequel, comme il sera exposé ci-après, est soumis à l’article 6ter de la LBM, disposition qui impose le dépôt d’une requête. De plus, le Bureau se trouve en outre entravé de manière déraisonnable dans sa défense en raison du caractère tardif de l’ampliation.
6. S’agissant de sa demande, Knapper a soutenu, en invoquant l’article 6ter de la LBM et une interprétation raisonnable des articles 289 et suivants du code de procédure civile, que la cour est “compétente pour statuer au provisoire, en attendant le refus définitif en appel au titre de l’article 6ter de la LBM, en ce qui concerne le refus d’enregistrement par le Bureau Benelux des Marques.”
7. La cour estime que la demande ne saurait être accueillie pour les motifs suivants:
(i) L’article 6ter, première phrase, de la LBM est libellé comme suit:
“Le déposant peut, dans les deux mois qui suivent la communication visée à l’article 6bis, quatrième alinéa, introduire devant la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg une requête tendant à obtenir un ordre d’enregistrement du dépôt.”
Le Commentaire commun des gouvernements mentionne que cet article prévoit “une procédure par requête (...) pour permettre au juge de censurer les décisions du BBM refusant l’enregistrement d’une marque. Le demandeur doit introduire à cette fin une demande d’ordonner l’enregistrement du dépôt. Pour limiter le nombre d’instance, ce ne sont pas les tribunaux qui ont été désignés, mais seulement les trois Cours d’appel à Bruxelles, à La Haye et à Luxembourg”.
La cour fait remarquer que l’article 4, alinéa 1er, du Règlement d’exécution de la LBM parle du “refus provisoire” mais que les termes “definitieve weigering” ou “refus définitif” ne figurent pas comme tels dans la LBM et le Règlement d’exécution de la LBM. D’après les pièces produites, les termes “refus provisoire” et “refus définitif” sont utilisés par le Bureau pour indiquer respectivement son intention de refuser en tout ou en partie l’enregistrement au sens de l’article 6bis, alinéa 3, de la LBM et son refus tel que visé à l’article 6bis, alinéa 4, de la LBM, ce qui est également compris dans ce sens par Knapper.
La cour estime que l’article 6ter de la LBM, qui, s’agissant du début du délai d’introduction de la requête, renvoie à la communication visée à l’article 6bis, quatrième alinéa, de la LBM - laquelle s’entend de la notification du refus de l’enregistrement du dépôt - ne se prête dès lors, vu ce qui précède, qu’à une seule lecture, à savoir que cet article prévoit la faculté de demander une mesure, non contre l’intention de refuser l’enregistrement au sens de l’article 6bis, alinéa 3 (le refus provisoire), mais contre le refus du Bureau d’enregistrer un dépôt au sens de l’article 6bis, alinéa 4, de la LBM, c’est-à-dire le refus définitif.
La LBM ne comporte au demeurant aucune disposition qui prévoit la possibilité de demander une mesure (provisoire) contre un refus provisoire. Le Commentaire commun ne fait pas non plus état de pareille mesure. En outre, il ne serait pas compatible avec le système de la LBM et du Règlement d’exécution qu’un déposant puisse, pendant la période située entre la notification de l’intention du Bureau de refuser l’enregistrement (le refus provisoire) et la date du refus définitif, requérir une mesure (provisoire) au juge.
En effet, l’article 6bis, troisième et quatrième alinéas, de la LBM prévoit une procédure (de réclamation) suivant laquelle le Bureau notifie sans délai et par écrit au déposant son intention de refuser en tout ou en partie l’enregistrement et lui donne la faculté d’y répondre dans un délai à fixer par règlement d’exécution, et, en outre, que si les objections du Bureau ne sont pas levées dans le délai imparti, l’enregistrement est refusé en tout ou en partie. Ce n’est que dans la phase postérieure à la notification du refus provisoire qu’un débat de fond s’engage habituellement entre le déposant et le BBM; une intervention judiciaire ne saurait donc s’y intercaler.
Aussi la LBM n’offre-t-elle pas de fondement pour demander une mesure (provisoire) contre un refus provisoire de l’enregistrement.
(ii) Considérant à titre d’hypothèse que dans une affaire comme la présente où la procédure est introduite par une requête ex article 6ter de la LBM, une mesure provisoire peut être obtenue en application des articles 289 et suivants du code de procédure civile, il n’est nullement possible de solliciter de la cour une mesure provisoire en sens au seul motif déjà qu’une convention de prorogation fait défaut, à supposer déjà que le litige soit susceptible d’une prorogation de juridiction.
(iii) Aux termes de l’objet de la demande sous 3, il est demandé “s’agissant du dépôt précité, d’ordonner, à titre de mesure provisoire, au Bureau Benelux des Marques (...) de procéder à l’enregistrement du dépôt”.
Dans la mesure où cette demande entend obtenir un ordre d’enregistrement du signe déposé, elle ne saurait être admise dans le cadre d’une mesure provisoire car l’enregistrement d’un dépôt revêt un caractère déclaratoire. Dans la mesure où l’objet de la demande précitée vise à obtenir un enregistrement provisoire, la cour fait remarquer que ni la LBM ni le Règlement d’exécution ne prévoient un “enregistrement provisoire”, tandis que cette figure juridique ne figure pas davantage dans la première directive du Conseil des CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques 89/104 (JOCE 1989, L 40).
(iv) Selon la communication non contredite faite au nom de Knapper lors de la procédure orale, la demande a en fait pour objet d’obtenir une décision judiciaire sur le refus provisoire de l’enregistrement du dépôt et de se servir de cette décision dans une procédure au fond opposant Salido et Knapper (dans un délai abrégé) devant le tribunal d’Amsterdam, procédure qui prendrait fin en juin/juillet 1999.
Au nom de Knapper, il n’a pas été contesté lors de la procédure orale que les parties dans la présente procédure s’accordent sur le fond à dire que le signe FIESTA GITANA n’est pas susceptible de donner lieu à un enregistrement comme marque. Cela signifie qu’il n’y a en réalité aucun litige entre les parties de sorte que, pour ce seul motif, Knapper n’a pas d’intérêt à la mesure qu’elle demande.
Comme il a été mentionné plus haut, l’enregistrement du dépôt a été définitivement refusé par le Bureau le 21 janvier 1999, de sorte que Knapper peut à présent déposer une requête sur pied de l’article 6ter de la LBM. Dès lors que Knapper n’a pas pu démontrer pourquoi elle estimait qu’il n’était pas possible d’obtenir une décision de la cour sur une telle demande avant juin/juillet 1999, elle n’a pas justifié suffisamment de son intérêt à une décision dans la présente procédure.
8. Il suit de ce qui précède que Knapper doit être déclarée non recevable en sa demande et être condamnée à ce titre aux dépens de la procédure.
Décision
La cour :
déclare non recevable la requête de Knapper;
condamne Knapper aux dépens de la présente procédure et fixe ceux-ci à f 3.840,- les dépens jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le Bureau.
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Brinkhof, Fasseur-van Santen et Van Sandick, et prononcée à l'audience publique du 1er avril 1999 en présence du greffier.