Numéro de requête 2002/AR/2422

Date
Instance
REC BE
Marque
WIJ GAAN VOOR VERS
Numéro de dépôt
Déposant
SOCIÉTÉ LOUIS DELHAIZE FINANCIÈRE ET DE PARTICIPATION
Texte

après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant:

Recours de la sa Société Louis Delhaize dirigé contre la décision du Bureau Benelux des Marques de refus de l’enregistrement du dépôt de la marque ‘WIJ GAAN VOOR VERS’

EN CAUSE DE:


SOCIETE LOUIS DELHAIZE FINANCIERE ET DE PARTICIPATION, en abrégé DELFIPAR, société anonyme dont le siège social est établi à 6043 Ransart, rue René Delhaize, 142,

Requérante,

Représentée par Maître Emmanuel Cornu, avocat à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149/20,

CONTRE:

LE BUREAU BENELUX DES MARQUES (en abrégé BBM), service commun aux pays du Benelux dont le siège est établi à 2591 XR La Haye (Pays-Bas), Bordewijklaan, 25,

Partie adverse,

représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation et Maître Brigitte Dauwe, avocat, dont le cabinet est établi à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts, 47-51,

plaideurs : Maîtres L. De Gryse et Ch. Garrigues.

La procédure devant le BBM et la décision attaquée

1. La requérante a déposé le 31 août 2000 auprès du Bureau Benelux des Marques et sous le n° de dépôt 0972424 la marque verbale ‘WIJ GAAN VOOR VERS’ pour désigner des produits et des services des classes suivantes :

Classe 1 Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, à la photographie, ainsi qu’à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture (à l’exception des fongicides, des herbicides et des produits pour la destruction des animaux nuisibles) ; résines artificielles à l’état brut, matières plastiques à l’état brut ; engrais pour les terres ; compositions extinctrices ; préparations pour la trempe et la soudure des métaux ; produits chimiques destinés à conserver les aliments ; matières tannantes ; adhésifs (matières collantes) destinés à l’industrie.
Classe 2 Couleurs, vernis, laques ; préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois ; matières tinctoriales ; mordants ; résines naturelles à l’état brut ; métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes.
Classe 3 Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices.
Classe 4 Huiles et graisses industrielles ; lubrifiants ; produits pour absorber, arroser et lier la poussière ; combustibles (y compris les essences pour moteurs) et matières éclairantes ; bougies et mèches pour l’éclairage.
Classe 5 Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides.
Classe 8 Outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, fourchettes et cuillers ; armes blanches ; rasoirs.
Classe 9 Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques non compris dans d’autres classes, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; cassettes audiovisuelles ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs.
Classe 11 Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires ; ampoules non comprises dans d’autres classes.
Classe 16 Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes) ; cartes à jouer ; caractères d’imprimerie ; clichés.
Classe 21 Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; matériel de nettoyage ; paille de fer ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes.
Classe 22 Cordes, ficelles, filets, tentes, bâches, voiles, sacs (non compris dans d’autres classes) ; matières de rembourrage (à l’exception du caoutchouc ou des matières plastiques) ; matières textiles fibreuses brutes.
Classe 23 Fils à usage textile.
Classe 26 Dentelles et broderies, rubans et lacets ; boutons, crochets et œillets, épingles et aiguilles ; fleurs artificielles.
Classe 27 Tapis, paillassons, nattes, linoléum et autres revêtements de sols ; tentures murales non en matières textiles.
Classe 28 Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ; décorations pour arbres de Noël.
Classe 29 Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles.
Classe 30 Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir.
Classe 31 Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux, malt.
Classe 32 Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons.
Classe 33 Boissons alcooliques (à l’exception des bières).
Classe 34 Tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes.
Classe 35 Aide à la direction et à l’organisation des affaires, y compris conseils et informations s’y rapportant, également à l’intention des commerces de détail et de grands magasins ; informations et conseils d’ordre administratif, commercial et publicitaire permettant la gestion de commerces de vente au détail ; aide et conseils à l’organisation administrative et commerciale d’entreprises, également en rapport avec la vente en gros et au détail.

2. Le 31 juillet 2001, le Bureau Benelux des Marques notifia à la requérante un avis de refus provisoire d’enregistrement de la marque pour les produits et services mentionnés en classes 29, 30, 31, 32 et 35, pour le motif suivant :

<<Le signe WIJ GAAN VOOR VERS se compose uniquement de l’expression louangeuse néerlandaise susmentionnée (traduite librement : nous choisissions pour le frais ; le frais d’abord), est dépourvu de tout caractère distinctif pour la qualité des produits mentionnés en classe 29, 30, 31 et 32 pour autant qu’ils aient trait à des produits frais, ainsi que pour les services y relatifs, mentionnés en classe 35 (voir article 6bis, par.1er, sous a. de la Loi Uniforme Benelux sur les marques en annexe). Il y a lieu de supprimer les produits et services mentionnés en classes 29, 30, 31, 32 et 35>>.

3. La requérante contesta, par lettre du 16 janvier 2002 au BBM, l’avis de refus provisoire.

Elle indiqua d’abord que les raisons qui incitaient le BBM à considérer la marque WIJ GAAN VOOR VERS comme étant dénué de tout pouvoir distinctif n’étaient pas claires.

Elle fit valoir ensuite une série d’arguments pour tenter de démontrer que le signe présente le caractère distinctif requis pour constituer une marque dès lors qu’il ne pouvait être considéré comme ayant un caractère exclusivement descriptif.

Ces arguments furent réfutés comme suit par le BBM (lettre du 12 mars 2002) :

<<Il s’agit en l’espèce d’une phrase très normale et louangeuse comme en témoignent entre autres les résultats d’une brève recherche que nous avons effectuée sur internet. La question <<wij gaan voor>> a donné, dans l’espace linguistique néerlandais, (moyennant Google) environ 756 résultats. (…). Dans le langage courant néerlandais, il est usuel de faire suivre la phrase louangeuse WIJ GAAN VOOR…par un certain objectif visé. A cet égard, il est commercialement essentiel que les produits auxquels notre refus se rapporte soient frais. Si ce n’est pas le cas, ils ne seront pas vendus. Nous avons également conclu que le slogan n’est pas non plus distinctif pour les services aux moyens desquels ces produits sont mis sur le marché.

Dans ce cadre, nous souhaitons vous rappeler en outre la décision de la cour d’appel de Bruxelles en cause de l’art de la banque (22 décembre 1999(…)) : ‘Attendu que l’ensemble des mots qui forment les slogans, sans adjonction d’un quelconque signe verbal disparate, n’évoquent néanmoins rien de plus que la maîtrise d’un domaine déterminé, ce qui apparaît forcément banal et que les slogans ne sont dès lors pas aptes à distinguer un produit ou service de produits ou services similaires offerts par autrui ; qu’il ressort d’ailleurs des pièces produites que des membres de phrase qui évoquent ‘l’art’ d’une profession déterminée, en l’espèce la banque- sont utilisés de manière éparse pour des professions dans des secteurs très variés (entrepreneurs, gastronomie, service) et entre autres par différentes banquiers ; ‘Nous estimons par conséquent que ces mêmes considérations trouvent à s’ appliquer au slogan que vous avez déposé (…).

Vous indiquez que la phrase WIJ GAAN VOOR VERS ne serait pas grammaticalement correcte. WIJ GAAN VOOR… ne pourrait pas être suivi par un adjectif. Votre exposé ignore l’usage normal en néerlandais dans le cadre duquel il n’est nullement étrange qu’un adjectif soit employé comme substantif. Le public concerné, en l’espèce le client du supermarché et dès lors le grand public, ne sera pas du tout étonné de l’expression choisie et ne se demandera pas ce que le déposant entend communiquer. De la même manière que dans des phrases comme wij gaan voor nieuw, wij gaan voor modieus, wij gaan voor modern, wij gaan voor sterk, wij gaan voor flexibel, etc., la qualité des produits désignés dans le dépôt (et des services y afférents) faisant l’objet de notre refus est communiquée de manière claire et aussitôt compréhensible pour tout un chacun.

En outre, nous tenons à souligner que l’usage comme substantif de l’adjectif VERS est très fréquent dans le néerlandais courant. Nous évoquons l’existence de mots composés comme versleverancier, versproduct, versschap, versmarkt, verswinkel, versgroothandel, etc.

Nous sommes dès lors d’avis que notre refus provisoire est justifié. Comme expliqué de manière circonstanciée, il s’agit d’une phrase louangeuse construite de manière parfaitement courante qui est en outre descriptive d’une des principales qualités des produits faisant l’objet du refus et des services connexes ; Le signe indique immédiatement de manière claire et compréhensible pour tout un chacun ce à quoi se rapportent les produits et services du déposant.

D’autre part, vous soutenez que ‘frais’ ne serait pas une qualité souhaitable de tous les produits et services désignés dans le dépôt. Vous négligez toutefois d’indiquer pour quels produits ou services ce serait le cas. Nous faisons observer que dans le système légal des articles 6bis et 6ter de la LBM, il appartient au déposant ou à son mandataire de lever les objections du Bureau. Nous remarquons par ailleurs que nous estimons que le refus doit valoir pour tous les produits et services tels que désignés par vous dans les classes 29, 30, 31, 32 et 35. Nous notons au surplus que ‘frais’ est à nos yeux une qualité souhaitable pour tous les produits alimentaires
.

4. La décision de refus définitif a été notifiée le 23 août 2002. Elle vise non seulement les produits et services des classes 29, 30, 31, 32 et 35 mais également ceux des classes 33 et 34 qui n’étaient pas visés dans l’avis de refus provisoire.

L’objet du recours

5. Par requête déposée le 23 octobre 2002, la requérante a formé un recours contre cette décision qui a pour objet d’entendre ordonner le BBM de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 0972424 de la marque verbale <<WIJ GAAN VOOR VERS>> pour désigner des produits et des services des classes 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 35.

Sur le bien fondé du recours

Sur le(s) motif(s) de refus absolu retenu(s) par le BBM pour fonder sa décision de refus partiel

6. En vertu de l’article 6 bis, 1, de la LUBM, inséré par le Protocole du 2 décembre 1992 (approuvé par la loi du 11 mai 1995), << le Bureau Benelux des Marques refuse d’enregistrer un dépôt lorsqu’il considère que a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris ; (…)>> ;

Cette dispositon doit être interprétée à la lumière des dispositions de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres de l’Union Européénne sur les marques.

En Vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive, <<sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés :

a) les signes qui ne peuvent constituer une marque ;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce.>>


Il suffit que l’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque.

7. La Cour de Justice des Communautés européennes a indiqué que chacun des motifs absolus de refus d’enregistrement énumérés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire qui contient des dispositions identiques, est indépendant des autres et exige un examen séparé (arrêt du 21 octobre 2004 OHMI/Erpo Möbelwerk Gmbh (DAS PRINZIP DER BEQUEMLICHTKEIT), C-64/02 P point 39).

De même, l’inérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, points 45 et 46 ; arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C-329/02 P, point 25).

L’intérêt général qui sous tend l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE se confond avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service identifié par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance et que cet intérêt général vise la nécessité de ne pas restreindre indûment la disponibilité de signes d’une certaine catégorie pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C-329/02 P, points 26 et 27).

L’intérêt général sous-jacent à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE et à la disposition qui est identique à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, vise la nécessité de permettre que des signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, notamment, arrêt DOUBLEMINT du 23 octobre 2003, OHMI/ Wm.Wrigley, C-191/01 P, point 31 ; arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 25 ; arrêt du 8 avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, point 73).

8. Il résulte de ce qui précède qu’il importe de tenter de déterminer au titre de quelle disposition le BBM a opposé un refus et lors de l’examen de la légalité de la décision attaquée, d’éviter toute confusion des critères à l’aune desquels les différents obstacles à l’enregistrement doivent être appréciés.

9. La motivation succincte reprise dans l’avis de refus provisoire, qui se réfère à l’article 6 bis § 1er de la loi uniforme, ne permet pas de déterminer lequel des motifs absolus de refus a été opposé à l’enregistrement de la marque demandée. Il y est seulement indiqué que le signe consitue une expression louangeuse et qu’il est dépourvu de tout caractère distinctif <<pour la qualité des produits mentionnés en classe 29, 30, 31 et 32 pour autant qu’ils aient trait à des produits frais, ainsi que pour les services y relatifs>>.

C’est donc à juste titre que la requérante a indiqué, dans son courrier du 16 janvier 2002 qu’elle percevait difficilement les raisons qui incitaient le BBM à considérer que la marque <<WIJ GAAN VOOR VERS>> comme étant dénué de tout pouvoir distinctif au sens de l’article 6 bis, paragraphe 1, de la loi uniforme Benelux sur les marques.

En revanche, il semble pouvoir être déduit de la manière dont le BBM a réfuté les arguments développés par la requérante pour contester le refus provisoire, que le BBM a refusé l’enregistrement de la marque sur la base des motifs énoncés à l’article 3, paragraphe 1, sous b) et sous c), de la directive.

Il a d’une part considéré que les slogans ne pouvaient compter parmi les signes susceptibles de constituer une marque qui si le signe contenait un élément ‘disparate’, ce qui laisse supposer qu’il a refusé le signe au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive.

Il a d’autre part indiqué qu’il considérait que le marque demandée a un caractère, descriptif pour les produits frais, indiquant que la phrase <<WIJ GAAN VOOR VERS>> communiquait un message clair et compréhensible pour tous relatif à la qualité des produits visés, ce qui laisse supposer qu’il a opposé le motif absolu de refus énoncé sous c) de la même disposition.

Sur le motif absolu de refus visé par l’arcile 3, paragraphe 1, sous c) de la directive.

10. Le BBM a, à juste titre, estimé que dans la langue néerlandaise, l’élément << VERS>> (signifiant <<frais>>), consitue la désignation usuelle d’une caractéristique de la plupart des produits concernés caractéristique susceptible d’entrer en ligne de compte lors du choix opéré par le public pertinent.

Cette constatation ne peut cependant fonder le rejet du signe <<WIJ GAAN VOOR VERS>> sur la base du motif absolu de refus énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, à savoir le caractère descriptif de la marque qui de ce fait, serait dépourvue de pouvoir distinctif.

Le BBM reconnaît que pour tomber sous le coup de cette disposition, une marque doit être <<exclusivement>> composée de signes ou d’indications pouvant servir pour désigner une caractéristique des produits ou services en cause.

En ce qui concerne une marque composée de mots, il découle de cette exigence qu’un éventuel caractère descriptif doit être constaté pour chacun des termes pris séparément et pour l’ensemble
qu’ ils composent. En conséquence, une marque qui contiendrait des signes et des indications présentant un caractère descriptif ne peut être refusée à l’enregistrement pour le motif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive qu’ à condition qu’elle ne comporte pas d’autres signes ou d’autres indications (arrêt du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, (Baby-dry), C-383/99 P, point 39).

11. A supposer même que l’élément <<VERS>> (signifiant <<frais>>) désigne, à lui seul, une qualité des produits ou services concernés, le syntagme <<WIJ GAAN VOOR VERS>>, considéré sur la base de tous les éléments et lu dans son ensemble, ne saurait être considéré comme étant exclusivement composé de signes ou d’indications pouvant servir à désigner la qualité des produits concernés. En effet, comme le soutient la requérante, force est de constater que le signe dans son ensemble dépasse la référence à une caractéristique des produits concernés et ne se confond pas aux yeux du public visé, avec la caractéristique de fraîcheur des produits.

Le pronom personnel <<WIJ>> (signifiant <<nous>>) et la locution verbale <<GAAN VOOR>> qui, accompagnée d’un substantif, exprime l’action de poursuivre un objectif déterminé, sont dénués de tout caractère descriptif des produits et services en cause.

Il n’est pas démontré que ces éléments séparés étaient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives des produits et services en cause ou des caractéristiques de ceux-ci. Par ailleurs, il n’est pas établi que chacun de ces éléments séparés, en au moins une des significations potentielles, désigne une caractéristique des produits ou services concernés.

12. C’est en vain que le BBM rappelle qu’un signe doit être refusé à l’enregistrement au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, si le signe ne présente pas un écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles (arrêt du 20 septembre 2001, C-383/99 P, (Baby-dry), point 40).

Ce n’est en effet que lorsque chacun des termes composant l’ensemble est susceptible de faire partie d’expressions relevant du langage courant pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles, qu’il y a lieu de vérifier si leur juxtaposition présente un tel écart perceptible.

Le BBM utilise donc un critère qui n’est pas pertinent dans le cadre de l’article 3, paragraphe 1, sous c, de la directive lorsqu’il fait valoir que ce motif doit être retenu en raison du fait que le slogan << WIJ GAAN VOOR VERS>>, lu dans son ensemble, ne présente pas d’écart perceptible dans sa formulation par rapport à toute expression incitant à acheter les produits ou services visés par la marque, qu’il serait perçu globalement par le consommateur moyen comme n’ayant rien d’inhabituel pour désigner la qualité essentielle des produits frais et comme dépourvu de tout élément de fantaisie, notamment d’un point de vue grammatical, ou encore en raison du fait que les mots <<WIJ GAAN VOOR>> n’ajouteraient rien par rapport à l’élément <<VERS>> qui désigne une qualité essentielle des produits.

L’importance des éléments <<WIJ GAAN VOOR>> qui constituent trois des quatre éléments formant le signe n’est pas à ce point négligeable que leur présence dans le signe doive être ignorée comme n’ajoutant rien à l’élément descriptif <<VERS>>.

13. Dès lors que la marque demandée n’est pas composée exclusivement d’éléments descriptifs, l’intérêt général qui commande que des signes ou indications descriptives des catégories de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé restent disponibles en vue d’une utilisation par tous, ne saurait être invoqué pour fonder la décision de refus.

14. C’est donc à bon droit que la requérante reproche au BBM d’avoir opposé à l’enregistrement le caractère descriptif de la marque demandée.

Sur le motif absolu de refus visé par l’article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive.

15. Une marque qui ne se heurte pas au motif de refus énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, n’a pas nécessairement un pouvoir distinctif au sens de la même disposition sous b).

En effet, le caractère distinctif peut aussi faire défaut si le public pertinent ne peut percevoir dans ce signe une indication de l’origine commerciale des produits (arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus) T-360/00, point 30).

16. II convient, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’une marque composée de mots, comme celle qui fait l’objet du litige, de la considérer dans son ensemble.

Or, le BBM a essentiellement fondé son appréciation du caractère distinctiff de la marque <<WIJ GAAN VOOR VERS>> au moyen d’une analyse séparée des éléments qui la composent et examiné l’impression d’ensemble produite par la phrase que de manière subsidiaire.

Le BBM a d’abord considéré que le terme <<VERS>> désignait une qualité essentielle de la plupart des produits et services concernés.

Ce faisant, il a utlisé le critère en vertu duquel ne peuvent être enregistrés les marques qui sont susceptibles d’être communément utlisées dans le commerce pour désigner les produits ou les services concernés, qui n’est pas pertinent dans le cadre de l’article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive.

Il a ensuite relevé que les éléments <<WIJ GAAN VOOR>> accompagné d’un substantif ou d’un qualificatif, étaient communément utilisés dans les communications commerciales et notamment, publicitaires, pour inciter à acheter en vantant une qualité de produits ou de services.

Ce critère n’est pas non plus pertinent pour l’appréciation du pouvoir distinctif au sens de l’article 3, paragraphe, 1, sous b). Il est celui qui doit être utilisé pour vérifier l’existence du motif de refus figurant à la même disposition sous d), motif qui en l’espèce n’a pas été invoqué.

En outre, s’agissant de ce dernier motif, le BBM n’a pas démontré que ces mots <<WIJ GAAN VOOR>> sont communément utilisés dans les communications commerciales relatives aux produits et services visés par la marque. Il cite en page 20 de ses conclusions une série d’exemples d’utilisation de l’expression <<WIJ GAAN VOOR VERS>> qui à l’exception d’un seul, sont sans rapport avec le secteur concerné de la distribution des produits alimentaires, alors que le caractère usuel d’une marque, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la directive, ne peut être apprécié que par rapport aux produits ou aux services visés par la marque, même si la disposition en cause ne fait pas une référence explicite à ceux-ci (arrêt du 5 mars 2003, Alcon/OHMI, T-237/01, points 37-38).

17. S’agissant du signe <<WIJ GAAN VOOR VERS>> dans son ensemble, le BBM a considéré que sur le plan grammatical, la construction de la phrase ne s’écartait pas de manière perceptible des règles lexicales du néerlandais.

Il a ensuite relevé qu’il s’agissait d’un slogan banal exprimant un message clair, compréhensible de tous, évoquant simplement la fraîcheur en tant que qualité essentielle de la plupart des produits concernés et il a considéré que les slogans sont dépourvus de caractère distinctif s’ils ne présentent pas un élément disparate.

Ces considérations ne sont pas pertinentes.

Il n’y a en effet pas lieu d’appliquer aux slogans des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signes. Or, comme la requérante le relève, il résulte d’une jurisprudence constante que le défaut de caractère distinctif ne saurait résulter de la seule constatation de l’absence d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique.

18. Faisant référence à la jurisprudence de la Cour de Justice en ce qui concerne l’enregistrement de slogans, le BBM soutient que le signe <<WIJ GAAN VOOR VERS>> est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l’article 3, paragraphe, 1 sous b, de la directive en raison du fait qu’il ne possède pas d’éléments qui pourraient, au-delà de sa signification promotionnelle évidente, permettre au public pertinent de percevoir le signe en tant que marque distinctive pour les produits et services désignés (arrêt du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS) T-130/01, cf. point 28).

Lorsqu’un signe est considéré comme n’étant pas descriptif, l’absence de pouvoir distinctif ne saurait résulter de la seule constatation que le signe remplit plusieurs fonctions simultanées (arrêt du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI, T 36/01, point 24).

Ainsi, l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n’est pas exclu, en tant que tel, en raison d’une telle utlilisation (arrêt du 5 décembre 2002, Skykes Enterprises/OHMI (Real People, Reail Solutions) T-130/01, point 19).

Dans le cadre d’un examen a priori du caractère distinctif d’un signe, c’est l’aptitude du signe à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise qui est déterminant, Un refus d’enregistrement suppose donc la constatation qu’il apparaît raisonnablement exclu que le signe en cause puisse être apte à distinguer, aux yeux du public ciblé, les produits ou les services visés de ceux d’une autre provenance, lorsque le public sera appelé à arrêter son choix dans le commerce.

Un refus d’enregistrement ne peut en revanche reposer sur la constatation qu’il n’est pas démontré que le signe sera immédiatement perçu comme un signe identificateur du produit ou du service pour lequel il sera effectivement utilisé comme marque ou sur la constatation qu’il n’est pas démontré que la fonction promotionnelle que revêt le slogan n’est pas manifestement secondaire par rapport à sa fonction en tant que marque. Rapporter une telle preuve est en effet impossible et reviendrait à appliquer aux marques constituées par des slogans, des critères plus stricts que ceux qui sont utilisés pour des autres catégories de signes.

Or, en l’espèce, il n’existe a priori aucune raison de penser que le slogan litigieux, évocateur de la qualité de fraîcheur de la plupart des produits visés dans la demande et présentant dès lors un rapport avec ceux-ci, n’est pas à même de remplir la fonction essentielle de la marque pour les produits et pour les services qui s’y rapportent, en dépit du fait que sa fonction publicitaire est manifeste.

19. Le BBM insiste encore sur la nécessité de laisser à la libre disposition de tous les signes désignant le produit ou le service ou leurs caractéristiques.

Comme indique plus haut (point 8), l’impératif de disponibilité en vue d’une usage général n’est cependant pas l’objectif que poursuit l’article 3, paragraphe 1, b) de la directive, lequel empêche que des signes non distinctifs soient enregistrés comme marque (voir aussi les conclusions de l’avocat général M.F.C.Jacobs dans d’affaire C-329/02, précitées le 11 mars 2004, points 20-28).

Or, le BBM ne prétend pas qu’un slogan fait partie d’une catéogorie de signes réduite.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Vu l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matières judiciaire ;

Reçoit l’appel et le dit fondé.

Ordonne au Burerau Benelux des Marques de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 0972424 de la marque verbale <<WIJ GAAN VOOR VERS>> pour désigner des produits et des services de classes 29, 30, 31, 32, 33, 34 et 35.

Met les dépens à charge du Bureau Benelux des Marques, liquidés en appel en ce qui le concerne à 242,94 € et en ce qui concerne la requérante à 186 + 55,78+242,94 €.

Ainsi jugé et prononcé en audience civile publique de la neuvième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 21-06-2006

où étaient présentes ;

Christine SCHURMANS, Conseiller ff Président,
Els HERREGODTS, Conseiller,
Sylvie VANOMMESLAGHE, Conseiller suppléant,
Patricia DELGUSTE, Greffier,