Numéro de requête: C.05.0491.N
Benelux-Merkenbureau contre MAESSCHALCK Lieven
La Cour de Cassation – Première chambre
Benelux-Merkenbureau
contre
MAESSCHALCK Lieven
Prononcé: 03.03.2008
Numéro de requête: A.R. C.05.0491.N
CONCLUSIONS DU MINISTERE PUBLIC
1. L'arrêt déclare la demande du défendeur fondée et oblige le demandeur, le Bureau Benelux des Marques, à enregistrer le signe verbal "MOVE TO CURE", déposé par le défendeur comme marque pour les services dans les classes 41 et 42, en ce qui concerne la guérison par le mouvement.
Le demandeur avait refusé cet enregistrement en vertu de l'article 6bis,1 a), de la Loi Benelux sur les marques, le signe ne constituant pas une marque au sens de l'article 1er de cette loi, notamment pour défaut de caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies, sous B, 2, de la Convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle.
2. La première branche du moyen de cassation critique le motif que le signe ne peut pas être considéré comme descriptif et ne peut donc pas être refusé parce qu'il ne mentionne pas des caractéristiques "essentielles" ou "substantielles" des services concernés en sorte que, selon le demandeur, il ajoute une condition à ce motif de refus en raison de son caractère descriptif et du défaut de caractère distinctif. Ainsi qu'il ressort du développement, la branche s'appuie à cette fin sur l'arrêt du 12 février 2004 de la Cour de justice CE dans l'affaire C-363/99 (KPN Nederland contre Bureau Benelux des Marques) concernant la marque verbale "POSTKANTOOR", en particulier le point 102, aux termes duquel " Il est également indifférent que les caractéristiques des produits ou services qui sont susceptibles d'être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires".
La branche avance à cet effet la violation, entre autres,
- de l'art. 3, paragraphe 1, sous b et c, de la directive d'harmonisation n° 89/104/CE du 21 décembre 1988 du Conseil rapprochant les législations des Etats membres sur les marques;
- des articles 1 et 6bis, alinéa 1er, sous a, b et c, et 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM) dans les versions applicables,
- la prédite disposition de la Convention de Paris.
Elle allègue que ces dispositions ne font pas de distinction selon la nature ou l'importance de ces caractéristiques.
3. Il est effectivement exact que le juge doit interpréter la LBM dans le sens de la directive, telle qu'elle est interprétée par la Cour de justice CE.
Or je suis d'avis que la cour d'appel procède bien ainsi dans l'arrêt attaqué, puisqu'elle tient compte effectivement du service en tant que tel et de toutes les caractéristiques du service concerné et pas seulement des caractéristiques essentielles ou substantielles.
Elle décide en effet que la combinaison verbale "move to cure" possède un caractère distinctif parce qu'elle ne désigne le service dans aucun des Etats du Benelux et que le "mouvement" n'est pas d'actualité dans les services de nature médicale.
Même si cette branche était fondée en elle-même, elle ne peut entraîner la cassation en sorte qu'elle n'est pas recevable.
Du moins manque-t-elle en fait.
4. La seconde branche, qui allègue les mêmes violations, critique l'arrêt en ce qu'il soumet le motif de refus tiré du caractère descriptif du signe en relation avec la destination des services à la condition supplémentaire du lien de destination incontestable entre le signe et le service, alors qu'il suffit que le signe, au moment de la demande d'enregistrement, puisse être utilisé pour la description de l'affectation visée.
Dans le développement, le demandeur se réfère à cet égard aux arrêts de la Cour de justice:
- du 12 février 2004 dans l'affaire C-265/00, Campina Melkunie c./BBM (concernant la marque "BIOMILD"), point 38;
- l'arrêt déjà mentionné de la même date concernant le vocable POSTKANTOOR, point 97;
- du 23 octobre 2003 dans l'affaire C-191/01 (OHMI/Wrigley) concernant le vocable DOUBLEMINT, point 82.
Ce dernier concerne l'interprétation de l'article 7, paragraphe 1, sous c, du Règlement (CE) n° 40/94 sur la marque communautaire.
5. A la différence de l'arrêt "BABY-DRY" du 20 septembre 2001 (concernant le règlement n° 40/94), les arrêts "Postkantoor" (point 100) et "Biomild", point 41) disent principalement qu'une combinaison verbale peut constituer une marque verbale valable si elle prime la somme des éléments qui la constituent.
Il est effectivement dit également au préalable (Postkantoor, point 97 et Biomild, point 38) qu'il n'est pas nécessaire que les signes ou indications composant la marque soient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services ou de leurs caractéristiques, mais qu'il suffit qu'ils puissent être utilisés à de telles fins.
A mon sens, l'arrêt n'a toutefois pas méconnu les dispositions ainsi interprétées.
Certes, il énonce – dans le paragraphe critiqué numéro 20 – que rien de descriptif ne peut être déduit des mots "move to cure" au motif que "la détente, le sport et les services médicaux peuvent être envisagés à la lumière du ‘mouvement’ et de la ‘guérison’ ou de la ‘santé’ mais qu'on ne peut soutenir pour aucune des trois catégories qu’il y a un lien de destination incontestable".
Mais ce faisant l'arrêt apprécie ce lien entre ces services et ces trois notions évidemment dans la langue de l'arrêt (le néerlandais) et donc pas le lien entre la combinaison verbale anglaise et ces services.
En outre – et surtout – l'arrêt énonce au préalable, au paragraphe numéro 17 que "La combinaison verbale peut être et sera donc traduite par le consommateur Benelux visé en néerlandais, ce qui est du reste voulu." et, au paragraphe numéro 18, que l'on ne peut donc pas admettre que dans la perception du consommateur moyen visé, les mots `move to cure' évoquent les services eux-mêmes ou les caractéristiques essentielles de ceux-ci sur la base d’un réflexe linguistique spontané".
"D’abord, l’anglais n’apporte pas d’usage spécifique dans la sphère des services pour lesquels le défendeur a demandé l’enregistrement. D’autre part, le slogan dans son ensemble donne d’ailleurs un 'surplus' par rapport aux trois mots séparément.
"Ceci est inhérent à et le but d’un slogan".
De plus, il est dit expressément au paragraphe numéro 19 que l'ensemble n'évoque pas un service médical.
Ainsi, la branche s'appuie à mon sens sur une lecture incomplète de l'arrêt, en sorte qu'elle manque en fait. L'arrêt dit clairement que les mots 'move to cure' ne peuvent pas être spécifiés en rapport avec ces services.
Tout bien considéré, il me semble que la décision selon laquelle ce "slogan" ou le "surplus" des mots "move to cure", même en anglais, sont davantage que la somme des éléments descriptifs – ou même du syntagme – est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice (dans Postkantoor et Biomild) de sorte que la branche ne peut pas être admise.
Conclusion: rejet.
Bruxelles, le 3 mars 2008
L'avocat général,
G. DUBRULLE
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Numéro de requête C.05.0491.N
Date
Instance
CASS BE (concl. A-G) Marque
MOVE TO CURE Numéro de dépôt
Déposant
MAESSCHALCK Lieven Texte