Numéro de requête 2006/AR/190

Date
Instance
REC BE
Marque
PLUS motor oil
Numéro de dépôt
Déposant
ADDILUB B.V.B.A.
Texte

 

Numéro d’arrêt 2006/AR/190
Prononcé : 15.02.2008

ADDILUB S.P.R.L. contre L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE


La COUR D’APPEL DE BRUXELLES, 18e CHAMBRE

Après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant/

R.G. N° 2006/AR/190
Prononcé : 15.02.2008

DANS LA CAUSE DE :

ADDILUB S.P.R.L.,
dont le siège social est en Belgique, 9120 MELSELE, Nieuwlandstraat 6B,
inscrite sous le numéro BCE 0457.968.969,
Demanderesse,
Représentée par Me VERBEEK Joost,
avocat à 1000 BRUXELLES, rue du Congrès 37-41,

contre

L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE,
créé en vertu de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle,
doté de la personnalité juridique,
dont le siège est établi aux PAYS-BAS, 2509 LK La Haye, Bordewijklaan 15, Boîte postale 90404, représentée par le Directeur général de son Office.
Défenderesse,
Représentée par Me DE GRYSE Ludovic,
avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,


Quant à la procédure

01. Par l’acte introductif, la cour a été saisie en application de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), abrogée entre-temps, concernant une décision de refus d’enregistrement d’un dépôt , laquelle a été notifiée le 21 novembre 2005 par l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle.

Le fondement juridique de la compétence de la cour est fourni présentement par l’article 2.12 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle du 25 février 2005.


02. La requête a été déposée le 23 janvier 2006 dans le délai de deux mois prescrit à l’article 6ter de la LBM précédemment en vigueur et régulièrement en la forme au greffe de la cour.


03. Les avocats des parties ont été entendus à l’audience publique du 17 novembre 2007.


Les faits et l’objet de la demande

04. La Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle qui institue l’Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle et remplace la loi Benelux sur les marques est entrée en vigueur le 1er septembre 2006 après le dépôt de la requête introductive.

L’Organisation Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI) est l’ayant cause du Bureau Benelux des Marques (BBM).

La Convention est désignée ci-après ‘CBPI’ et l’Office ‘OBPI’.


05. La demanderesse a déposé le 29 novembre 2004 un signe complexe en vue de son enregistrement comme marque pour trois produits de la classe administrative 4.

Le signe est composé des mots stylisés ‘PLUS’ et ‘motor oil’ sur un fond, le tout en différentes couleurs avec le noir, des teintes de gris, le jaune et le rouge, de la manière suivante :


06. Le dépôt porte le numéro 1066752.

Les produits de la classe 4 pour lesquels la protection de la marque est demandée sont les ‘huiles et graisses industrielles, les lubrifiants’.


07. Par lettre du 11 mars 2005, le Bureau Benelux des Marques a informé le mandataire en marques de la demanderesse qu’il refusait provisoirement l’enregistrement du signe pour les motifs suivants :

‘Le signe PLUS motor oil (anglais pour PLUS huile moteur) est descriptif pour les produits mentionnés en classe 4. Aussi le signe est-il dépourvu de caractère distinctif (voyez l’article 6bis, alinéa 1er, sous b. et c., de la loi uniforme Benelux en annexe). L’adjonction de l’indication publicitaire très courante PLUS et la représentation graphique choisie ne remédient pas au défaut de caractère distinctif.’

Le renvoi à l’article 6bis, alinéa 1er, sous b et c, de la loi uniforme Benelux s’entend des dispositions de l’actuel article 2.11, b et c, de la CBPI.
Il s’agit des cas de défaut de caractère distinctif (2.11.1.b) et de la circonstance que la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci (2.11.1.c).


08. Le mandataire de la demanderesse a, par lettre du 1er septembre 2005 – et donc dans le délai imparti dans le règlement d’exécution de la loi Benelux sur les marques – présenté des objections circonstanciées contre le refus provisoire.

Elle a souligné que les mots ‘plus motor oil’ sont sans doute en soi descriptifs pour l’huile moteur, mais que le signe doit être considéré dans sa représentation graphique spécifique et dans la combinaison de couleurs indiquée.
Elle a ajouté que la combinaison de couleurs choisie n’est pas évidente dans le secteur et qu’aucune des couleurs n’évoque un produit ou une caractéristique de celui-ci.
Elle fait référence également à la pratique décisionnelle du BBM et a mentionné dix marques enregistrées qui sont structurées autour des éléments ‘plus’, ‘motor’ ou ‘oil’.
Elle a relevé encore la limitation de la liste des produits et le caractère très spécifique du marché.


09. Le 17 octobre 2006, le BBM a notifié que le contenu de la lettre ne contenait pas d’éléments de nature à revoir son opinion.

Elle a formulé sa motivation comme suit :

« La représentation graphique choisie du signe ne lève pas le défaut de caractère distinctif. Nous vous renvoyons à la décision du 11 mars dans laquelle nous le constations déjà. Votre seule affirmation qu’il en serait bien ainsi ne peut nous inciter à changer notre position.

A titre d’explication, nous faisons remarquer qu’il est très usuel dans le commerce de présenter des mots de manière attrayante. L’industrie graphique s’épuise à appliquer toutes sortes de polices de caractères, de couleurs et de combinaisons, de fonds etc. à des éléments verbaux pour les présenter de manière attrayante ou frappante. Le public y est également habitué et est confronté à maintes reprises chaque jour à des représentations graphiques spécifiques de tous les mots imaginables. La représentation graphique choisie du signe en cause n’y fait pas exception. Sans doute une partie du public estimera-t-il que le signe est « joliment représenté », ceci ne justifie pas encore la conclusion que la représentation graphique choisie aurait un caractère distinctif.

Si nous considérons le signe dans son ensemble, nous estimons aussi que le caractère distinctif est absent. Nous référant à ce qui précède, nous faisons remarquer que le message (descriptif) des éléments lexicaux est l’élément dominant du signe en cause et que ce caractère non distinctif n’est pas levé par le lay-out choisi du signe. Nous faisons référence aux décisions du TPI en cause BEST BUY (3/07/2003 T-122/01) et à la cour de La Haye en cause ICT (30/10/2003 R03/371). »


10. Le 21 novembre 2005, le BBM a notifié à la demanderesse qu’il refusait l’enregistrement du dépôt étant donné que ses objections n’avaient pas été levées dans le délai imparti.

Bien que l’acte introductif devant la cour désigne uniquement cette lettre du 21 novembre 2005 comme acte attaqué, il ne fait pourtant aucun doute que la décision contenue dans la lettre du 17 octobre 2005 est également visée.
En effet, la lettre du 21 novembre 2005 ne comporte aucune motivation et se réfère à ‘notre lettre du 11/03/2005 et à la correspondance ultérieure en la matière’.

Par contre, la lettre du 17 octobre 2005 mentionne que le Bureau ne voit aucune raison de revoir le refus et que celui-ci est maintenu.

Les lettres du 21 novembre 2005 et du 17 octobre 2005 forment dès lors un tout comme décision.


11. La demanderesse avance devant la cour une seule objection contre la décision de refus, à savoir que le signe déposé est qualifié à tort de descriptif et que ce faisant le signe est qualifié à tort de non distinctif pour ce motif.

Le grief s’appuie sur les considérations suivantes :

- le caractère distinctif est présent si la marque est apte à identifier les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant de son entreprise au regard des produits d’autres entreprises ;

- l’appréciation du caractère distinctif d’un signe composé doit s’appuyer sur la marque considérée dans son ensemble ; dans le cas présent, le BBM s’est borné à une appréciation des éléments qui composent le signe ;

- même si l’on admettait que les mots ‘plus motor oil’ renferment une description des produits définis dans la classe 4, il reste encore qu’ils ne constituent pas l’élément dominant de la marque ; l’élément figuratif, tant la forme que les couleurs, sont fortement présents ;

- du point de vue du public pertinent, le signe de marque ne correspond nullement à un signe qui est utilisé habituellement dans le commerce pour la présentation des produits ou services concernés.

Elle reproche encore au Bureau une pratique décisionnelle incohérente. Les signes suivants ont bien été enregistrés : OK MOTOR OIL, AIR PLUS, PLUS, PETRO PLUS, MEGA MOTOR OIL, PLUS MERK et INJECT+PLUS.


12. De ce fait, la requérante demande d’annuler la décision portant refus de l’enregistrement du signe composé ‘PLUS motor oil’ et d’ordonner à l’OBPI de procéder à l’enregistrement de son dépôt.


13. Le Bureau maintient son point de vue que l’enregistrement du dépôt doit être refusé sur la base des deux motifs de refus qu’il a soulevés.

Il conclut ce faisant au rejet de la demande.


14. Concernant le défaut de caractère distinctif, il soutient que lors de l’appréciation du caractère distinctif, le caractère composé d’un signe n’empêche pas l’examen du signe dans son ensemble ni que les différents éléments soient examinés successivement.

Le Bureau souligne que les trois mots du signe sont banals et usuels et que la combinaison ‘motor oil’ est une combinaison très usuelle en langue anglaise.
Même si le signe n’a pas été déposé pour ‘l’huile moteur’, ces produits font partie du terme générique ‘huiles industrielles’ et ce faisant le caractère descriptif d’un élément des produits de la classe a un impact qui affecte toute la classe.

Concernant l’aspect graphique et l’élément des couleurs dans le signe, le Bureau fait valoir que les couleurs jaune, rouge et noir de même qu’une combinaison de celles-ci sont très usuelles dans le secteur des huiles industrielles et des huiles moteur.
La raison en est que les couleurs jaune et rouge sont souvent associées à l’énergie.

Il argumente ensuite, se référant à la jurisprudence du Tribunal de première instance CE, que lorsqu’une marque est constituée d’un élément verbal et d’un élément figuratif, le mot doit être, en principe, jugé plus distinctif que l’image étant donné que le consommateur moyen évoque plus facilement les produits en désignant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif.
Aucun des éléments qui forment la composante figurative, la combinaison de couleurs, la police de caractères ascendants en oblique et la flèche ascendante en oblique – ne produit à ses yeux un élément dominant.

Le Bureau déduit de l’ensemble de ces éléments qu’en raison de l’élément dominant dans la marque composée, l’ajout de l’élément graphique n’est pas de nature à compenser l’absence de caractère distinctif pour l’ensemble.


15. Concernant le motif de refus visé à l’article 2.11.1.c CBPI, le caractère descriptif du signe déposé, le Bureau fait valoir que ‘PLUS motor oil’ peut (hachuré par la cour) à désigner l’espèce, la qualité et la destination des produits concernés.

Le Bureau relève que les mots ‘motor oil’ sont en soi descriptifs pour ‘l’huile moteur’ et que le mot ‘PLUS’ tend à exprimer une qualité positive.
Il s’agit de signes ou d’indications qui, selon le Bureau, doivent être préservés afin de pouvoir être utilisés par chacun. Dans ce contexte, il faut tenir compte du reste du fait que ce motif de refus s’étend aussi aux signes qui peuvent être utilisés à l’avenir par les entreprises concernées comme désignation de l’espèce.


Appréciation


16. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice CE (arrêt en cause Koninklijke PTT Nederland ‘Postkantoor’ du 12 février 2004, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73, et arrêt en cause MT & C ‘The Kitchen Company’ du 15 février 2007, C-236/05, points 31 à 38), les principes suivants sont applicables en résumé, lorsqu’une autorité de marques procède à l’examen de l’enregistrement d’une marque.


L’examen du caractère distinctif ne saurait être effectué in abstracto mais doit prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents de la demande d’enregistrement.
L’appréciation de ces faits et circonstances pertinents doit s’effectuer au moment où une décision définitive est prise sur la demande.

La vérification doit se faire pour chacun des produits ou services et l’autorité compétente peut, le cas échéant, aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés.

La conclusion doit être mentionnée pour chacun des produits et services indiqués dans la demande d’enregistrement, mais lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale.

La juridiction saisie d’un recours contre la décision de l’autorité compétente doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l’exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.


17. La décision de l’OBPI doit être examinée en ayant à l’esprit que l’exécution de sa mission a pour objet de préserver l’intérêt général qui sous-tend chacun des motifs de refus (CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 77 ; CJCE 08 mai 2001 en cause Libertel, C-104/01, point 51 ; CJCE 12 février 2004 en cause Koninklijke KPN, C-363/99, point 55 ; CJCE 16 septembre 2004 en cause SAT1, point 25 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, point 74).

Un signe peut, le cas échéant, devoir dès lors rester disponible si son attribution à un titulaire de marque causerait une entrave disproportionnée au détriment de nouveaux opérateurs économiques, précisément du fait que le signe compote des éléments distinctifs qui doivent rester à la libre disposition de chacun.

La primauté de la concurrence libre et correcte limite dans cette mesure l’attribution à un titulaire potentiel de droits de marques sur un signe qui seraient exclusifs et indéfiniment renouvelables.


18. Le motif de refus visé à l’article 2.11.1b CBPI qui concerne l’absence de caractère distinctif correspond à celui qui est institué par l’article 3.1. b) de la directive CE du 21 décembre 1988 (89/104/CE) rapprochant les législations des états membres sur les marques.
Le motif de refus absolu mentionné à l’article 2.11.1 c CBPI qui concerne les signes ou dénominations descriptifs correspond à celui qui est institué par l’article 3, 1.c) de la directive précitée.

Ils doivent donc être compris dans le sens qui leur est donné en droit communautaire par la Cour de justice.


19. L’examen du caractère distinctif du signe pour lequel la protection de la marque est demandée doit prendre en considération le signe tel qu’il est déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Ceci implique qu’il doit être apprécié en tant que tel dans son ensemble, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels qui peuvent y être identifiés ne peuvent pas constituer en soi un élément d’appréciation (CJCE 30 juin 2005 en cause Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, point 82).

S’agissant d’un signe descriptif au sens de l’article 3.1. c) de la directive, il y a lieu en outre de vérifier leur signification dans le langage courant à la lumière de la désignation même des produits et services ou de leurs caractéristiques.


20. Selon la jurisprudence constante de la cour, la notion de ‘caractère distinctif’ doit être comprise en ce sens qu’une marque doit être apte à identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d’autres entreprises (CJCE 04 mai 1999 en cause de Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49 ; CJCE 20 juin 1999 en cause Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-242/97, point 22 ; CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 35 ; CJCE 08 avril 2003 en cause Linde & Winward, C-53/01 & C-55/01, point 40 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, C-238/06, point 79).


21. Pour déterminer si un signe est susceptible d’être enregistré comme marque, il convient de se baser sur la perception par le public pertinent.

Si les produits ou services sont destinés à tous les consommateurs, il faut admettre que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE 06 mai 2003 en cause Libertel, C-104/01, point 46 ; CJCE 16 septembre 2004, en cause SAT1 SatellitenFernsehen, point 24).


22. Les signes ou indications pouvant servir habituellement, dans le commerce, à désigner les caractéristiques des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé ne peuvent pas être enregistrés en raison de l’intérêt général. Celui-ci requiert que ces signes ou indications puissent être librement utilisés par tous (CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley (Doublemint), C-191/01 P, point 31 ; CJCE 12 janvier 2005 en cause Deutsche SiSi-Werke, C-173/04, point 62 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-276/05, point 75).

Ainsi, ne sont pas admis à l’enregistrement comme marque les signes ou indications visés à l’article 3.1 c) de la directive marques qui peuvent servir dans le langage courant, du point de vue du consommateur, à désigner l’une des caractéristiques d’un produit ou service tel que celui pour lequel l’enregistrement est demandé (CJCE 12 février 2004 en cause Postkantoor C-363/99, point 57 ; CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley, C-191/01 P, point 32).

Même le développement futur prévisible est pertinent à ce niveau (CJCE 4 mai 1999 en cause Windsurfing Chiemsee, points 31 et 37).


23. Les signes ou indications peuvent toutefois dépasser le caractère descriptif ainsi compris s’ils sont présentés ou agencés de manière telle que l’ensemble s’écarte de manière perceptible des modes habituels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques.

Si la présentation d’un signe composé s’écarte de manière perceptible du mode courant de désignation des produits ou services et que l’écart concerne un aspect significatif du signe déposé, cet écart apporte un élément additionnel qui permet à l’ensemble de se distinguer de ce qui est courant (CJCE 19 septembre 2002 en cause Deutsche Krankenversicherung (Companyline), C-104/00 P, points 21 et 23 ; CJCE 12 février 2004 en cause Campina Melkunie (Biomild), C-265/00, point 41).


24. Lorsqu’une marque est constituée d’une combinaison d’éléments, il ne suffit pas que chacun des éléments soit descriptif, mais il faut constater ce caractère pour l’ensemble avant de pouvoir la qualifier comme telle.

Si chacun des éléments est en soi descriptif, la combinaison de ceux-ci l’est aussi en règle générale, mais il n’est pas à exclure que l’impression produite par la combinaison s’écarte de l’impression qui se dégage de la simple réunion des éléments qui la composent. Dans ce cas, la combinaison n’est pas descriptive au sens de l’article 3.1 c) de la directive. Si la marque est composée de différents mots ou d’un mot recomposé, l’examen du caractère descriptif ne peut pas rester limité à celui des éléments constitutifs, mais l’ensemble doit être pris en considération (CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, points 77, 78 et 79).


25. En résumé, on peut ainsi dire que pour déterminer si le signe déposé par la demanderesse est susceptible d’enregistrement en fonction des motifs de refus absolus prévus à l’article 2.11. b et c, qui sont avancés par l’OBPI, le signe doit pouvoir résister à l’examen suivant :

(a) le signe doit être apprécié en fonction des produits ou services indiqués, considérés du point de vue du consommateur visé par les produits et services ;


(b) il convient d’examiner s’il existe aux yeux de ce public un lien direct suffisant entre le signe et les produits ou services pour lesquels le déposant souhaite l’utiliser en sorte que le signe permet à ce public d’identifier les produits ou services comme provenant de l’entreprise au regard de produits et service d’une autre origine ;

(c) pour apprécier le caractère distinctif, il convient de considérer le signe déposé dans son impression globale mais il peut être utile d’examiner séparément les éléments constitutifs ;

(d) l’impression globale doit être de nature telle qu’elle s’écarte de manière significative de la norme ou de ce qui est courant dans le secteur concerné ;

(e) au cas où le signe verbal comporte plusieurs mots ou des mots composés, il convient de déterminer également si les éléments constitutifs, s’ils sont chacun dépourvus de caractère distinctif, priment comme ensemble la simple somme des éléments ;

(f) dans le cas d’un signe verbal composé, la somme des éléments produit plus comme ensemble uniquement si la différence entre les éléments combinés et la formulation dans le langage courant est perceptible et la perceptibilité n’existe que si elle se rapporte à des éléments importants de la forme ou de la signification du signe ;

(g) s’agissant d’un signe verbal ou d’une dénomination, il faut considérer, en vue de l’examen de son caractère descriptif, la signification au regard de l’usage générique, habituel ou généralement courant du mot pour déterminer s’il peut être perçu, dans le langage courant, comme un mode normal ou potentiel de désignation des produits ou services ou de présentation de leurs caractéristiques.


26. Dans sa décision de refus provisoire, le BBM a mentionné en passant deux motifs de refus absolus mais affirme en substance qu’il y a défaut de caractère distinctif en raison des signes exclusivement descriptifs dans la marque, tandis que la représentation graphique choisie n’y change rien.

L’examen des faits se doit cependant d’être différent en fonction des deux motifs de refus mentionnés.
Le signe qui est composé exclusivement de signes ou dénominations descriptifs au sens de l’article 2.11.1 c n’est de toute manière pas susceptible d’enregistrement, indépendamment de la question du caractère distinctif.
A l’inverse, l’absence de caractère distinctif ne doit pas nécessairement se déduire uniquement du fait qu’une marque est constituée exclusivement de signes ou dénominations descriptifs.
L’examen peut donc conduire à un lien entre les deux motifs de refus.

Ce faisant, la décision attaquée, qui, dans sa motivation, s’abstient de préciser en fonction duquel des deux motifs présentés dans la décision provisoire de refus la motivation doit être lue et l’enregistrement est refusé, n’est pas légalement motivée.


27. Dans le cas d’espèce, la demanderesse a déposé la marque reproduite sous le n° 06 pour deux produits de la classe administrative 4 : ‘huiles et graisses industrielles’ ainsi que les ‘lubrifiants’.

Le signe comporte, outre les trois mots ‘PLUS’ ‘motor’ et ‘oil’, un élément figuratif constitué par une présentation graphique oblique ascendante des trois mots dans une police de caractères différente, les trois couleurs étant utilisées sur un fond gris dans des teintes légèrement différentes.

Il s’agit donc d’un signe composé dont le caractère distinctif doit être apprécié sur la base de l’impression globale créée pour les produits ‘huiles et graisses industrielles’ et ‘lubrifiants’.

Les produits pour lesquels la protection de la marque est voulue s’avèrent destinés aussi bien à des clients professionnels qui vendent, réparent ou entretiennent des véhicules, qu’à des conducteurs et motocyclistes moyens.
Le public pertinent qui doit percevoir la marque doit donc être pris au sens le plus large et se compose de toutes les personnes qui possède un véhicule à moteur et de ceux qui le réparent ou l’entretiennent.


28. La marque déposée est un signe composé qui se compose de trois mots dans une présentation graphique stylisée et colorée qui est frappante.

La présentation des trois mots, et en particulier celle du mot ‘PLUS’ occupe une place dominante dans l’ensemble, tant en ampleur qu’en ce qui concerne l’aspect ‘accroche’. L’élément des couleurs joue ici un rôle qui saute aux yeux. Les mots ‘motor oil’ ne jouent manifestement qu’un rôle secondaire.
L’impression globale est ainsi créée au moins dans une mesure aussi importante par la présentation du mot PLUS sur un fond gris que par le mot lui-même.

Pris dans son ensemble, le signe possède un degré manifeste d’identification des produits pour lesquels il est déposé.
Le public auquel il s’adresse peut attribuer les produits à l’entreprise de la demanderesse en raison de la possibilité de désigner les produits par le mot ‘plus’ ou les mots ‘plus motor oil’ en corrélation avec la combinaison nettement définissable des couleurs.
Aucun des signes figuratifs utilisés, ni la combinaison de couleurs utilisée ne sont en soi inappropriés pour permettre l’identification des produits au regard de l’entreprise.


29. La motivation critique qui est fournie à ce propos dans la décision attaquée concernant le fait que ‘la présentation attrayante est habituelle et que l’industrie graphique s’épuise à présenter de manière attrayante ou frappante toutes sortes de polices de caractères, de couleurs et de combinaisons (…)’ n’est nullement pertinente pour réfuter le caractère distinctif du signe. Au contraire, cette présentation apporte précisément un élément d’identification qui fait en sorte que les produits mis en circulation sous une telle présentation frappante seront identifiés comme provenant d’une entreprise déterminée.

Il en irait autrement si la présentation graphique choisie tout comme la combinaison de couleurs étaient habituelles pour identifier la nature des produits concernés ou leurs caractéristiques.
Aucune preuve n’est néanmoins apportée à cet égard.

Si les couleurs rouge, jaune et noire ont sans doute déjà été utilisées antérieurement, combinées ou non, pour des produits de la classe administrative 4 et peuvent évoquer en général le pétrole (noir) et l’énergie (jaune et rouge), la manière et l’intensité de l’incorporation de cet élément au signe contribuent de manière significative à son caractère distinctif.


30. La conclusion générale est que le signe de la demanderesse n’est pas déficient en termes de caractère distinctif et est, par conséquent, susceptible d’enregistrement de ce point de vue.

Le motif de refus prévu à l’article 2.11.1 b CBPI n’est pas présent.


31. Les trois mots dans le signe figuratif, qui constituent ensemble l’élément dominant de la marque, ont chacun une signification qui est connue sur le territoire du Benelux.

Le mot ‘plus’ appartient au langage courant aussi bien en français qu’en néerlandais et, outre sa fonction arithmétique (comme préfixe), a une signification comme substantif. Il exprime une évaluation positive : quelque chose comporte un ‘surplus’, un élément ‘additionnel’ ou un élément ‘de plus grande valeur’ ou de ‘supérieur’.
Dans le cas d’espèce, le mot est utilisé dans cette dernière acception.

D’autre part, la langue anglaise a pénétré suffisamment sur le territoire du Benelux pour que le public auquel le signe déposé s’adresse comprenne les mots ‘motor oil’ comme ‘huile moteur’.

La combinaison verbale sera dès lors comprise par le public pertinent néerlandophone dans sa signification néerlandaise comme ‘huile moteur’ ‘avec un élément de valeur supérieure’.


32. Il est clair que chacun de ces mots, qui appartiennent au langage courant, ont un caractère descriptif et peuvent servir, dans le commerce, à désigner l’espèce et la caractéristique des produits pour lesquels il est déposé.

Tel est manifestement le cas en particulier pour le produit ‘huile moteur’ qui appartient au groupe générique des ‘huiles industrielles’.

Ces signes verbaux ne sont pas non plus utilisés ensemble d’une manière telle qu’ils forment globalement un ensemble qui peut être jugé différent de leur simple combinaison. Cette combinaison ne prime dès lors pas, en tant que telle, le caractère descriptif.


33. Toutefois, la marque contestée n’est, à l’évidence, pas composée uniquement des trois signes descriptifs mentionnés.

Il a été constaté plus haut que la présentation graphique des mots et la combinaison de couleurs qui a donné forme à l’ensemble constituent un facteur au moins aussi important que les mots en eux-mêmes en vue de l’identification.

On ne peut donc pas affirmer que la présentation du signe dans son ensemble n’enlève rien au caractère exclusivement descriptif des signes verbaux qui peuvent servir à désigner l’espèce et une caractéristique des produits pour lesquels il est déposé.


34. Par conséquent, le motif de refus absolu prévu à l’article 2.11.1. c CBPI ne s’oppose pas non plus à l’enregistrement du signe.

L’enregistrement ne procure du reste à la demanderesse que des droits exclusifs sur le signe complexe dans son ensemble, mais nullement d’emblée à tous les éléments constitutifs de celui-ci, pris séparément.


35. En l’absence d’un motif de refus pertinent, l’enregistrement du dépôt ne pouvait dès lors être refusé.

Il convient, par conséquent, d’accueillir la demande de la demanderesse.


36. Les parties ont déclaré à l’audience publique qu’elles optaient pour l’application de la réglementation en matière de fixation des frais telle qu’elle était en vigueur au moment où l’affaire a été prise en délibéré.


PAR CES MOTIFS


LA COUR,

Eu égard à l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,

Statuant contradictoirement,

Reçoit la demande et la déclare fondée,

Annule la décision attaquée par laquelle l’enregistrement de la marque déposée par la demanderesse est refusé

Ordonne à l’OBPI d’enregistrer la marque déposée sous le numéro 1066752 dans le registre des marques Benelux pour les produits de la classe 4 mentionnés dans le dépôt,

Condamne la défenderesse OBPI au paiement des frais de procédure qui sont fixés à 671,87 euros (186 + 485,87) pour la demanderesse et à 485,87 pour elle-même.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de la dix-huitième chambre civile de la cour d’appel de Bruxelles, le 15 FEVRIER 2008

Où étaient présents et siégeaient :

Paul BLONDEEL Président
Christine SCHURMANS Conseiller
Koenraad MOENS Conseiller
Jan VAN DEN BOSSCHE Greffier adjoint

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