Numéro de requête 2002/AR/2902

Date
Instance
REC BE
Marque
L'ACHAT QUI RAPPORTE
Numéro de dépôt
Déposant
LOUIS DELHAIZE FINANCIËLE EN PARTICIPATIEMAATSCHAPPIJ
Texte

Numéro d'arrêt: 2002/AR/2902

SOCIETE LOUIS DELHAIZE FINANCIERE ET DE PARTICIPATION contre LE BUREAU BENELUX DES MARQUES
 
Prononcé: 21 juin 2006
Numéro du requête: 2002/AR/2902
 
La cour d’appel de Bruxelles, 9ème chambre,

après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant:

Recours de la sa Société Louis Delhaize Financière et Participation dirigé contre la décision du Bureau Benelux des Marques de refus de l’enregistrement du dépôt de la marque ‘L’ACHAT QUI RAPPORTE’

en cause de:

SOCIETE LOUIS DELHAIZE FINANCIERE ET DE PARTICIPATION,
en abrégé DELFIPAR, société anonyme
dont le siège social est établi à 6043 Ransart, rue René Delhaize, 142,
Requérante,
Représentée par Maître Emmanuel Cornu, avocat à 1050 Bruxelles, avenue Louis, 149/20,

contre:

LE BUREAU BENELUX DES MARQUES
(en abrégé BBM), service commun aux pays du Benelux
dont le siège est établi à 2591 XR La Haye (Pays-Bas), Bordewijklaan, 15,
Partie adverse,
représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation et Maître Brigitte Dauwe, avocat, dont le cabinet est établi à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts, 47-51,
plaideurs: Maîtres L. De Gryse et Ch. Garrigues.
 
La procédure devant le BBM et la décision attaquée

1.         La requérante a déposé le 24 juillet 2001 auprès du Bureau Benelux des Marques et sous le n° de dépôt 0994124 la marque verbale ‘L’ACHAT QUI RAPPORTE’ pour désigner des services des classes suivantes:

Classe 35: Services de vente au détail de toutes les catégories de produits présentés dans les hypermarchés; publicité et services de promotion pour des produits de tiers; gestion des affaires commerciales; administration commerciale.

Classe 36: Finances, services de financement, émission de bons d’achat.

2.         Le 25 janvier 2002, le Bureau Benelux des Marques notifia à la requérante un avis de refus provisoire d’enregistrement de la marque demandée, motivé comme suit:

 
«Le signe L’ACHAT QUI RAPPORTE se compose uniquement d’une phrase banale du langage courant sans aucun caractère individuel et est dépourvu de tout caractère distinctif pour les services mentionnés en classes 35 et 36 (voir article 6bis, par.1er, sous a. de la Loi Uniforme Benelux sur les marques en annexe) ».
 
3.                   La requérante contesta l’avis de refus provisoire par lettre du 13 mars 2002 en faisant valoir, en substance, que les critères utilisés par le BBM étaient sans pertinence pour l’appréciation du pouvoir distinctif.

Ces arguments furent réfutés par le BBM par courrier du 12 avril 2002.

Le BBM a d’abord indiqué que le signe ‘L’ACHAT QUI RAPPORTE’ était un slogan présentant à l’égard des services concernés un caractère ‘très général et louangeur’.

Indiquant qu’il y avait lieu de procéder à l’analyse du signe litigieux à la lumière des critères énoncés par la Cour de Justice dans l’arrêt du 20 septembre 2001 (‘Baby-dry’), le BBM a ensuite fait savoir qu’il estimait que le signe ‘L’ACHAT QUI RAPPORTE’ devait être analysé comme:
- un slogan signifiant que ‘certains achats peuvent être avantageux parce qu’ils donnent droit, par exemple, à des points d’épargne’;

- un slogan ‘banal’, sans élément ‘disparate’ ne pouvant être regardé comme une invention lexicale;
 
- une ‘expression connue’ ne constituant pas en ‘une juxtaposition inhabituelle dans sa structure’;

Sur la base de ces constatations, le BBM a tiré deux conclusions:

- la première, selon laquelle le signe ne revêt qu’une fonction promotionnelle de manière telle qu’il ne sera pas perçu comme une indication de provenance des services concernés;

- la seconde, selon laquelle il s’agirait d’une indication ‘complètement descriptive’.

S’agissant de cette seconde conclusion, le BBM a indiqué que selon lui, le signe fait partie des ‘signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine des produits ou l’époque de production (article 6quinquies B, sous 2 de la Convention de Paris)’et qu’en conséquence, le signe devait rester à la libre utilisation de tous, conformément à l’enseignement de la Cour de Justice au point 25 de l’arrêt Chiemsee du 4 mai 1999 (C-108/97 et C-109/97), enseignement qui porte sur l’article 3, paragraphe 1, sous c) de la première directive 89/104/CEE.

4.                   La requérante a répliqué par courrier du 25 juillet 2002. Elle a contesté que le slogan puisse être qualifié de descriptif dès lors qu’il ne présente pas de lien direct et immédiat avec les services en cause et ne constitue pas une manière normale de les désigner.

Elle a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un jeu de mots, susceptible de frapper immédiatement l’attention du consommateur.

Par courrier du 16 août 2002, le BBM a confirmé son raisonnement tout en insistant sur la nécessité de prendre en compte l’intérêt général qui sous-tend chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 3 de la directive; ‘selon l’avis du Bureau, attribuer une marque pour une simple phrase louangeuse pour les produits et services concernés revient à donner un avantage concurrentiel injustifié à son titulaire au détriment des concurrens. Cela va à l’econtre de l’intérêt général’.

La décision de refus définitif a été notifiée à la requérante le 25 octobre 2002.

L’objet du recours

5.         Par requête déposée le 23 décembre 2002, la requérante a formé un recours contre cette décision qui a pour objet d’entendre ordonner le BBM de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 0994124 de la marque verbale <<L’ACHAT QUI RAPPORTE>> pour désigner des services des classes 35 et 36.

Sur le bien fondé du recours
-           Sur le(s) motif(s) de refus absolu retenu(s) par le BBM pour fonder sa décision de refus partiel.

6.         En vertu de l’article 6 bis, 1, de la LUBM, inséré par le Protocole du 2 décembre 1992 (approuvé par la loi du 11 mai 1995), «le Bureau Benelux des Marques refuse d’enregistrer un dépôt lorsqu’il considère que a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris; (…)»;

Cette disposition doit être interprétée à la lumière des dispositions de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres de l’Union Européenne sur les marques.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive, «
sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés:

a)                  les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b)                 les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c)                  les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;
d)                  les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce».

Il suffit que l’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque.

7.          La Cour de Justice des Communautés européennes a indiqué que chacun des motifs absolus de refus d’enregistrement énumérés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive, et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire qui contient des dispostions identiques, est indépendant des autres et exige un examen séparé (arrêt du 21 octobre 2004 OHMI/ Erpo Möbelwerk Gmbh (DAS PRINZIP DER BEQUEMLICHTKEIT), C-64/02 P point 39).

De même, l’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, points 45 et 46; arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C-329/02 P, point 25).

L’intérêt général qui sous tend l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE se confond avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service identifié par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance et que cet intérêt général vise la nécessité de ne pas restreindre indûment la disponibilité de signes d’une certaine catégorie pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C-329/02 P, points 26 et 27)

L’intérêt général sous-jacent à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE et à la disposition qui est identique à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, vise la nécessité de permettre que des signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, notamment, arrêt DOUBLEMINT du 23 octobre 2003, OHMI/ Wm.Wrigley, C-191/01 P, point 31; arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 25; arrêt du 8 avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, point 73).

8.          Il résulte de ce qui précède qu’il importe de tenter de déterminer au titre de quelle disposition le BBM a opposé un refus et lors de l’examen de la légalité de la décision attaquée, déviter toute confusion des critères à l’aune desquels les différents obstacles à l’enregistrement doivent être appréciés.

9.          Il peut être déduit de la motivation succincte reprise dans l’avis de refus provisoire, qui se réfère à l’article 6 bis § 1er sous a) de la loi uniforme, que le motif retenu est celui énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive. La considération qu’il s’agit d’une phrase banale du langage courant sans aucun caractère individuel ne laisse nullement entendre que le BBM a estimé alors que le signe présentait un caractère descriptif des services pour lesquels la marque était demandée.

En revanche, il ressort clairement de la motivation reprise dans les courriers des 12 avril 2002 et 16 août 2002 que le BBM a refusé l’enregistrement non seulement sur la base du motif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, mais aussi sur la base du motif énoncé à la même disposition, sous c).

-            Sur le motif absolu de refus visé par l’article 3, paragraphe 1, sous c) de la directive

10.        Le BBM soutient que le slogan «L’ACHAT QUI RAPPORTE» se confond avec «la désignation évidente de la qualité essentielle des services proposés; le public concerné comprend immédiatement qu’il est amené, par les achats qu’il effectue, à réaliser une bonne affaire» (conclusions, page 15, point 1.3).

Il ajoute que l’expression litigieuse ne présente aucun écart perceptible dans sa formulation par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernés pour désigner cette caractéristique essentielle des services en cause.

11.        La circonstance que le signe puisse être perçu comme un message comprenant une incitation à acheter en ce que celui-ci suggère que le consommateur tire profit de l’acquisition des services en cause, ne peut cependant pas fonder la constatation que le signe est descriptif au ses de l’article 3, paragraphe 1, sous c) de la directive.

le BBM reconnaît que pour tomber sous le coup de cette disposition, une marque doit être
«exclusivement»
composée de signes ou d’indications pouvant servir pour désigner une caratéristique des produits ou services en cause.

En ce qui concerne une marque composée de mots, il découle de cette exigence qu’un éventuel caractère descriptif doit être constaté pour chacun des termes pris séparément et pour l’ensemble qu’ils composent. En conséquence, une marque qui contiendrait des signes et des indications présentant un caractère descriptif ne peut être refusée à l’enregistrement pour le motif énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive qu’à condition qu’elle ne comporte pas d’autres signes ou d’autres indications (arrêt du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, (Baby-dry), C-383/99 P, point 39).

12.        Il importe de souligner que la marque demandée ne se rapporte pas à des produits ni directement, à l’acte d’acquisition de produits, mais bien à des services, notamment ceux fournis dans le cadre du commerce de détail.

De tels services, qui comprennent les diverses prestations qui visent à amener le consommateur à conclure l’acte de vente avec l’entreprise en cause plutôt qu’avec un concurrent, sont susceptibles d’être protégés par une marque comme la Cour de Justice l’a indiqué dans son arrêt du 7 juillet 2005 Praktiker Märkter (C-418/02).

13.        A supposer même que l’élément «ACHAT» désigne, à lui seul, le but auquel tendent les services en cause, le slogan «L’ACHAT QUI RAPPORTE», considéré sur la base de tous les éléments et lu dans son ensemble, ne saurait être considéré comme étant exclusivement composé de signes ou d’indications pouvant servir à désigner une qualité essentielle des catégories des services concernés.

Il n’est pas démontré que les éléments séparés étaient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de tels services ou des caractéristiques de ceux-ci. Par ailleurs, il n’est pas établi que chacun de ces éléments séparés, en au moins une des significations potentielles, désigne une caractéristique des services concernés.

Le signe, considéré sur la base de tous les éléments et lu dans son ensemble, ne saurait dès lors être considéré comme étant exclusivement composé de signes ou d’indications pouvant servir à désigner la qualité des produits concernés.

Le slogan ne se réfère d’ailleurs pas à une caractéristique objective des services en cause, susceptible d’entrer en ligne de compte lors du choix opéré par le public pertinent. Il fait appel à l’imagination du public en l’invitant à considérer que les services offerts sous la marque «L’ACHAT QUI RAPPORTE» lui permettent de retirer de l’acquisition d’un produit dont la vente est liée aux dits services des avantages qui dépassent de loin ceux qu’il attend du produit lui-même. Contrairement à ce que soutient le BBM, le slogan ne sera nullement immédiatement perçu comme désignant un avantage d’ordre financier que les prestations relevant de la notion de «services»
peuvent lui procurer, le slogan laissant la nature de l’avantage offert indéterminée.

14.        C’est en vain que le BBM rappelle qu’un signe doit être refusé à l’enregistrement au titre de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, si le signe ne présente pas un écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles (arrêt du 20 septembre 2001, C-383/99 P, (Baby-dry), point 40).

Ce n’est en effet que lorsque chacun des termes composant l’ensemble est susceptible de faire partie d’expressions relevant du langage courant pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles, qu’il y a lieu de vérifier si leur juxtaposition présente un tel écart perceptible.

Le BBM utilise donc un critère qui n’est pas pertinent dans le cadre de l’article 3, paragraphe 1, sous c, de la directive lorsqu’il fait valoir que ce motif doit être retenu en raison du fait que le slogan
«L’ACHAT QUI RAPPORTE»
, lu dans son ensemble, ne présente pas d’écart perceptible dans sa formulation par rapport à toute expression incitant à acheter les services visés par la marque, qu’il serait perçu globalement par le consommateur moyen comme n’ayant rien d’inhabituel pour désigner la qualité essentielle de ceux-ci et comme dépourvu de tout élément de fantaisie.

Par ailleurs. la signification du slogan n’est pas à ce point négligeable qu’elle doive être ignorée comme n’ajoutant rien à l’élément descriptif «ACHAT».
 
15.        Dès lors que la marque demandée n’est pas composée exclusivement d’éléments descriptifs, l’intérêt général qui commande que des signes ou indications descriptives des catégories de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé restent disponibles en vue d’une utlisation par tous, ne saurait être invoqué pour fonder la décision de refus.

16.        C’est donc à bon droit que la requérante reproche au BBM d’avoir opposé à l’enregistrement le caractère descriptif de la marque demandée.

-            Sur le motif absolu de refus visé par l’article 3, paragraphe 1, sous b) de la directive

17.        Une marque qui ne se heurte pas au motif de refus énoncé à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive, n’a pas nécessairement un pouvoir distinctif au sens de la même disposition sous b).

En effet, le caractère distinctif peut aussi faire défaut si le public pertinent ne peut percevoir dans ce signe une indication de l’origine commerciale des produits (arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus) T-360/00, point 30).

18.        Il convient, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque composée de mots, comme celle qui fait l’objet du litige, de la considérer dans son ensemble.

Le BBM a estimé que le signe
«L’ACHAT QUI RAPPORTE»
dans son ensemble, ne s’écartait pas sur le plan grammatical des règles lexicales du français.

Il a ensuite relevé qu’il s’agissait d’un slogan banal exprimant un message clair, compréhensible de tous, et estimé que les slogans sont dépourvus de caractère distinctif s’ils ne présentent pas un élément disparate.

Ces considérations ne sont pas pertinentes.

Il n’y a en effet pas lieu d’appliquer aux slogans des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signes. Or, comme la requérante le relève, il résulte d’une jurisprudence constante que le défaut de caractère distinctif ne saurait résulter de la seule constatation de l’absence d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique.

En outre, comme l’indique la requérante, le signe n’est pas dépourvu d’inventivité dès lors qu’il concilie en trois mots très simples deux phénomènes opposés (la dépense et le gain) en laissant libre cours à l’imagination.

19.        Faisant référence à la jurisprudence de la Cour de Justice en ce qui concerne l’enregistrement de slogans, le BBM soutient que le signe «L’ACHAT QUI RAPPORTE» est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b, de la directive en raison du fait qu’il ne possède pas d’éléments qui pourraient, au-delà de sa signification promotionnelle évidenté, permettre au public pertinent de percevoir le signe en tant que marque distinctive pour les produits et services désignés (arrêt du 6 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS) T-130/01, cf. point 28).

Lorsqu’un signe est considéré comme n’étant pas descriptif, l’absence de pouvoir distinctif ne saurait résulter de la seule constatation que le signe remplit plusieurs fonctions simultanées (arrêt du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI, T 36/01, point 24).

Ainsi,l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n’est pas exclu, en tant que tel, en raison d’une telle utilisation (arrêt du 5 décembre 2002, Skykes, Enterprises/OHMI (Real People, Real Solutions) T-130/01, point 19).

Dans le cadre d’un examen a priori du caractère distinctif d’un signe, c’est l’aptitude du signe à distinguer les produits ou les services d’une enteprise de ceux d’une autre entreprise qui est déterminant. Un refus d’enregistrement suppose donc la constatation qu’il apparaît raisonnablement exclu que le signe en cause puisse être apte à distinguer, aux yeux du public ciblé, les produits ou les services visés de ceux d’une autre provenance, lorsque le public sera appelé à arrêter son choix dans le commerce.

Un refus d’enregistrement ne peut en revanche reposer sur la constatation qu’il n’est pas démontré que le signe sera immédiatement perçu comme un signe identificateur du produit ou du service pour lequel il sera effectivement utilisé comme marque ou sur la constatation qu’il n’est pas démontré que la fonction promotionnelle que revêt le slogan n’est pas manifestement secondaire par rapport à sa fonction en tant que marque. Rapporter une telle preuve est en effet impossible et reviendrait à appliquer aux marques constituées par des slogans, des critères plus stricts que ceux qui sont utilisés pour des autres catégories de signes.

Or, en l’espèce, il n’existe a priori aucune raison de penser que le slogan litigieux, qui évoque du point de vue du consommateur la qualité des services offerts sous la marque, et qui présentent dès lors un rapport avec ceux-ci, n’est pas à même de remplir la fonction essentielle de la marque pour les services visés dans la demande d’enregistrement, en dépit du fait que sa fonction publicitaire est manifeste.

20.               Le BBM insiste encore sur la nécessité de laisser à la libre disposition de tous les signes désignant le produit ou le service ou leurs caractéristiques.

Comme indiqué plus haut (point 8), l’impératif de disponibilité en vue d’un usage général n’est cependant pas l’objectif que poursuit l’article 3, paragraphe 1, b) de la directive, lequel empêche que des signes non distinctifs soient enregistrés comme marque (voir aussi les conclusions de l’avocat général M.F.C. Jacobs dans l’affaire C-329/02, précitée, présentées le 11 mars 2004, points 20-28).

Or, le BBM ne prétend pas qu’un slogan fait partie d’une catégorie de signes réduite.
 
 
PAR CES MOTIFS,

LA COUR,
 
Statuant contradictoirement,
 
Vu l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire;
Reçoit l’appel et le dit fondé.
 
Ordonne au Bureau Benelux des Marques de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 0994124 de la marque verbale <<L’ACHAT QUI RAPPORTE>> pour désigner des services des classes 35 et 36.
 
Met les dépens à charge du Bureau Benelux des Marques, liquidés en appel en ce qui le concerne à 242,94 € et en ce qui concerne la requérante à 186 + 55,78 + 242,94 €.

Ainsi jugé et prononcé en audience civile publique de la neuvième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le

où étaient présentes:

Christine SCHURMANS, Conseiller ff Président,
Els HERREGODTS, Conseiller,
Sylvie VANOMMESLAGHE, Conseiller suppléant,
Patricia DELGUSTE, Greffier,
 
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