Prononcé : 13 avril 2000
No de la requête.: 98/443
LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,
a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :
Robert Gerard DUGOUR,
domicilié à Almere,
requérant,
avoué : Me W.B. Teunis
contre
le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen
La procédure
Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 8 juillet 1998, le requérant (dénommé ci-après Dugour) a demandé à la cour d'ordonner au défendeur (dénommé ci-après le BBM), de procéder à l'enregistrement du dépôt 891490 (ESASYTAP).Par mémoire en défense (avec annexes) reçu le 24 décembre 1999, le BBM a demandé à la cour de rejeter la requête et de condamner Dugour aux dépens.
La procédure orale sur la requête est intervenue le 27 mars 2000. Les parties ont exposé leurs points de vue à l'aide de notes de plaidoirie, Dugour par Me M.J.I. Koomen, avocate à Alkmaar, et le Bureau par son avoué.
Examen de la requête
1. La requête a été introduite dans le délai.
2. Les pièces de la procédure font apparaître ce qui suit :
a. Le 10 avril 1997, Dugour a déposé auprès du BBM le signe EASYTAP sous le numéro 891 490 comme marque verbale pour les produits dans les classes suivantes :
classe 9 : distributeurs automatiques, distributeurs automatiques de boissons
b. Par lettre du 4 septembre 1997, le BBM a notifié à Dugour le refus provisoire de l'enregistrement du signe déposé.
Le BBM a indiqué les motifs suivants :
"Le signe EASYTAP est composé de la qualité easy (facile en anglais) et de la forme verbale tap et est exclusivement descriptif pour la qualité des produits mentionnés en classe 9 en ce qui concerne la facilité de débit. C'est pourquoi le signe est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l'article 6bis, par. 1er, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques(...)."
c. Le conseil de Dugrour a fait opposition à ce refus provisoire par lettre du 2 mars 1998.
d. Le BBM n'y a pas vu motif à revoir son refus provisoire (lettre du 1er avril 1998).
e. Par lettre du 8 mai 1998, le BBM a notifié au conseil de Dugour sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt.
3. Sur pied de l'article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), Dugour a demandé à la cour d'ordonner au BBM de procéder à l'enregistrement du dépôt.
Dugour a demandé subsidiairement en plaidoiries d'ordonner l'enregistrement du dépôt pour les distributeurs automatiques et plus subsidiairement pour les distributeurs automatiques, non compris les distributeurs de boissons.
Dugour soutient que le signe possède un caractère distinctif suffisant en rapport avec les produits pour lesquels le dépôt a été effectué (du moins une partie d'entre eux).
4. Le BBM, qui a basé ses décisions sur l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM conteste le point de vue de Dugour et a demandé de rejeter la requête.
5. En vertu de l'article 6bis, alinéa 1er, début et sous a, de la LBM, l'enregistrement d'un dépôt doit être refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.
Cette disposition est libellée comme suit :
"Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants :
1. (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;"
6. La question est à présent de savoir si la combinaison verbale EASYTAP possède un caractère distinctif pour les produits en classe 9 pour lesquels le dépôt a été effectué (ou pour une partie d'entre eux).
7. La cour répond négativement à cette question pour les raisons suivantes.
Le signe est composé des mots "easy" et "tap". Pour déterminer si le signe a un caractère distinctif, la cour analysera d'abord les éléments constitutifs du signe.
Le terme "easy"" veut dire "facile" en langue anglaise et est connu à ce titre dans le Benelux (une partie de celui-ci). Dugour n'a pas non plus contredit que ce terme a un caractère descriptif.
Dugour soutient que le vocable (verbe) anglais "tap" a différentes significations comme débiter, taper, toquer. D'après Dugour, il est aussi original parce que le mot est employé de manière inhabituelle dans la combinaison verbale, en tant qu'il est employé en rapport avec des distributeurs automatiques de produits non liquides (comme les friandises et les cigarettes).
L'appréciation doit toujours envisager le signe en corrélation avec les produits pour lesquels le dépôt a été effectué.
La circonstance que le vocable (verbe) anglais "(to) tap" a différentes significations n'implique pas pour autant que la combinaison verbale possède de ce fait un caractère distinctif. De plus, "tappen" est en néerlandais une indication courante pour le fait de débiter la bière d'un fût alors que le mot "tappen" est aussi utilisé pour le fait de retirer de l'argent d'un distributeur de billets ("flappen tappen").
La combinaison verbale peut certes être réputée ne pas (encore) appartenir au langage courant dans le (une partie du) Benelux, mais vu l'évolution progressive de la langue - phénomène généralement connu - qui ne saurait être monopolisée dans le secteur commercial concerné, elle constitue une combinaison de mots à ce point évidente qu'elle est à considérer comme exclusivement descriptive. Le public (concerné) dans le Benelux ou une partie de celui-ci ne saurait donc comprendre la combinaison verbale que comme l'indication d'une qualité des produits (distributeurs automatiques et distributeurs de boissons), à savoir comme l'évocation de distributeurs (de boissons) dont on peut facilement retirer soi-même des produits.
Le signe qui n'a pour le reste rien de spécial est dès lors exclusivement descriptif pour les produits visés en classe 9 pour lesquels le dépôt a été effectué et est dépourvu de tout caractère distinctif pour ces produits au sens de la Convention de Paris.
La considération qui précède n'est pas infirmée par le fait que, comme le fait remarquer Dugour, EASYTAP ne peut être assimilé aux exemples cités sous l'article 13 § 4 des directives (concernant les critères de refus des marques pour des motifs de nullité absolus), qui consistent tous en des dénominations génériques. En effet ces exemples ne visent nullement à donner une liste exhaustive des combinaisons verbales dépourvues de caractère distinctif.
8. Il suit de ce qui précède que la requête de Dugour à titre principal, subsidiaire et très subsidiaire doit être rejetée et qu'il doit être condamné aux dépens en tant que partie succombante.
Décision
La cour :
rejette la requête de Dugour formée à titre principal, subsidiaire et très subsidiaire;
condamne Dugour aux dépens de la présente procédure et fixe ceux-ci à f 3.875,- les dépens jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le BBM.
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Van Sandick et Kiers-Becking, et prononcée à l'audience publique du 13 avril 2000 en présence du greffier.