Numéro de requête 29796

Date
Instance
REC LU
Marque
BABYCENTER
Numéro de dépôt
Déposant
La société à responsabilité limitée BEFFORT-BANDERMANN s.à.r.l.
Texte
Numéro 29796 du rôle
 
La société à responsabilité limitée BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. contre L’OFFICE BENELUX POUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE
 
Prononcé: 31 mai 2007
Numéro 29796 du rôle
 
Arrêt rendu le vingt-trois mai deux mille sept par la Cour d’appel de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant conformément à l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques du 19 mars 1962 telle que modifiée par les Protocoles des 10 novembre 1983 et 2 décembre 1992
 
Numéro 29796 du rôle
 
La Cour d’appel de Luxembourg, quatrième chambre,
 
a rendu l’arrêt suivant:
 
A la requêto de:
 
la société à responsabilité limitée BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l.,
établie et ayant son siège social à L-2453 Luxembourg, 13, rue Eugène Ruppert,
immatriculée auprès du Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° B 18528, représentée par son gérant actuellement en fonctions,
demanderesse aux termes d’une requête du 17 février 2005 en application de l’article 6ter de la loi Uniforme Benelux sur les marques,
comparant par Maître Katia MANHAEVE, avocat à Luxembourg;
 
contre
 
L’OFFICE BENELUX POUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE,
anciennement le BUREAU BENELUX DES MARQUES, établi à NL-2591 XR La Haye, Bordewijklaan, 15, représenté par son directeur actuellement en fonctions,
défendeur aux fins de la prédite requête,
comparant par Maître Nicolas DECKER, avocat à Luxembourg.
 
LA COUR D’APPEL:
 
Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 février 2005, la société à responsabilité limitée BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. a exposé avoir déposé auprès du BUREAU BENELUX DES MARQUES (numéro de dépôt: 1044688) la marque verbale << BABYCENTER >> pour les produits et services des classes 12, 24, 25 et 35.
 
Le 3 mars 2004, le BUREAU BENELUX DES MARQUES (ci-après: le BUREAU) a notifié à BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. une décision provisoire de refus de l’enregistrement au motif suivant:
 
<< Le signe BABYCENTER, composé exclusivement des dénominations génériques <<BABY>> (anglais pour: bébé) et <<CENTER>> (anglais pour: centre) est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services mentionnés en classes 12, 24, 25 et 35 qui peuvent y avoir trait (article 6bis, paragraphe 1er, sous b) et c) de la Loi Uniforme Benelux sur les marques >>.
 
La société BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. s’est opposée à ce refus par lettre du 2 août 2004.
 
Elle a fait grief au BUREAU d’avoir dit que le signe << BABYCENTER >> est dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 6 bis, paragraphe 1er, sous b) de la Loi Uniforme Benelux sur les marques.
 
Elle a ajouté qu’en tout état de cause le signe << BABYCENTER >> serait devenu distinctif par l’usage qui en a été fait au Grand-Duché de Luxembourg et dans le Luxembourg belge.
 
Le BUREAU a informé BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. le 23 août 2004 du maintien de sa décision de refus.
 
Pour décider ainsi, le BUREAU a, en substance, dit que comme le signe BABYCENTER peut servir à désigner la qualité, la destination et d’autres caractèristiques des produits et services et, autrement dit, le décrit, il est dépourvu de tout caractère distinctif.
 
Le BUREAU a cité la jurisprudence << bureau de poste >>) pour dire qu’il ne voit pas en quoi la combinaison des deux mots BABY et CENTER est éloignée de l’impression produite par la simple réunion desdits éléments (au niveau auditif ni visuel); que les deux mots sont simplement accolés sans qu’une modification inhabituelle, notamment d’ordre syntaxique ou sémantique, y est apportée.
 
Quant à l’affirmation que le signe << BABYCENTER >> serait devenu distinctif par l’usage, le BUREAU répond qu’il ressort des éléments lui soumis que les activités de BEFFORT-BANDERMANN se concentrent sur le marché luxembourgeois >>; qu’un enregistrement du nom de domaine (sous <<.lu) ne suffit pas pour prouver que BEFFORT-BANDERMANN utilise le signe sur le territoire Benelux; que, de surcroît, les autres documents ne fournissent pas d’informations telles que l’ampleur et l’itensité de l’utilisation, le degré de connaissance auprès du public concerné etc.
 
Le 27 août 2004, BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. a fait parvenir un courrier supplémentaire au BUREAU, critiquant plus particulièrement la référence du BUREAU à la concentration des activités du déposant sur le marché luxembourgeois, alors que tout droit nouveau de marque aurait vocation à s’étendre à l’ensemble du territoire du BENELUX au moyen d’un seul dépôt etqu’une marque ayant obtenu un caractère distinctif par l’usage sur le territoire d’un Etat membre devrait également être considérée valable dans les autres Etats.
 
Par courrier du 31 août 2004, le BUREAU a maintenu sa décision de refus en concluant que le signe verbal BABYCENTER en tant que tel est dépourvu de caractère distinctif et n’est pas devenu distinctif par l’usage dans l’ensemble du territoire.
 
Un retus définitif fut notifié à BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. en date du 20 décembre 2004.
 
Actuellement, BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. conclut à voir:
 
-           déclarer recevable sa requête du 17 février 2005, introduite en conformité de l’article 6ter de la Loi Uniforme Benelux sur les marques et de l’article 2 de la loi du 11 août 2003 portant approbation du Protocole portant modification de la Loi Uniforme Benelux sur les marques, signé à Bruxelles le 11 décembre 2001;
 
-            ordonner au BUREAU de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux no 1044688 pour les produits et services relevant des classes 12, 24, 25 et 35;
 
-            subsidiairement, ordonner au BUREAU de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux no 1044688 pour les services relevant de la classe 35;
 
-            condamner le BUREAU à tous les frais et dépens de l’instance;
 
-            condamner le BUREAU au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 € sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.
 
Les conclusions de BEFFORD-BANDERMANN s.à r.l. sont axées sur la démonstration que le signe << BABYCENTER >> a, en toutes hypothèses, acquis un caractère distinctif par l’usage qu’en a fait son titulaire.
 
BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. soutient - en substance – qu’il est actuellement acquis au niveau Benelux et au niveau communautaire qu’un signe dépourvu à l’orgine de caractère distinctif peut acquérir ce caractère par l’usage qui en a été fait (<< inburgering >>); quepour dire si une marque a obtenu un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu d’apprécier globalement tous les éléments permettant d’induire une telle consécration; que la marque Babycenter a acquis une forte notoriété sur le territoire luxembourgeois ainsi qu’au Luxembourg belge; qu’elle est ainsi apte à identifier les produits et services qu’elle couvre comme provenant d’une entreprise déterminée.
 
Elle critique la position du BUREAU qui considère que seuls les signes qui ont un caractère distinctif par usage sur l’ensemble du territoire peuvent être considérés comme marques et que la renommée de la marque Babycenter au Grand-Duché de Luxembourg ne suffit pas pour accorder à ce vocable la possibilité d’être enregistré en tant que marque Benelux.
 
Le BUREAU estime – en ordre principal – avoir, à juste titre, refusé l’enregistrement du signe << BABYCENTER >> à titre de marque, le signe en question, dépourvu de tout caractère distinctif, ne serait à considérer que comme signe descriptif au sens de l’article 6 bis 1.c. de la Loi Uniforme Benelux sur les marques.
 
En ordre subsidiaire, le BUREAU ne conteste pas que le signe << BABYCENTER >> a acquis au Grand-Duché de Luxembourg un caractère distinctif par l’usage, mais estime – pour qu’il y ait consécration par l’usage – que l’usage du signe s’étende sur tout le territoire du Benelux; que la consécration du signe par l’usage en Belgique et aux Pays-Bas ne serait cependant pas établie en l’espèce.
 
Le BUREAU conclut dès lors à la confirmation de la décision du 20 décembre 2004.
 
Il sollicite, en outre, l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 € sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.
 
Discussion
 
Si les conclusions de BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. visent à démontrer que la marque BABYCENTER a en toutes hypothéses acquis un caractère distinctif par l’usage qui en fut fait par son titulaire, l’appelante n’a pas pour autant renoncé à ses arguments invoqués antérieurement à l’égard du BBM relatifs au caractère distinctif intrinsèque de la marque BABYCENTER (cf: requête du 17 février 2005, page 2).
 
La Cour analysera dès lors, en premier lieu, la question de savoir si le signe << BABYCENTER >> a été – dès l’origine – suffisamment distinctif pour pouvoir être déposé en tant que marque.
 
L’article 6 bis de la Loi Uniforme Benelux sur les marques prévoit dans son article 1.b. et c. que:
 
<< (…)
 
1.            Le Bureau Benelux refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère que:
 
b. la marque est dépourvue de caractère distinctif;
 
c. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit, ou d’autres caractéristiques de celui-ci; (…) >>.
 
La marque est un signe qui sert à distinguer les produits les produits d’une entreprise, ce qui implique que le signe soit apte à être perçu et reconnu comme tel par le public.
 
Le caractère distinctif de la marque s’apprécie donc, et par rapport aux produits et services pour lesquels la marque est déposée, et par rapport à la perception qu’en a le public concerné, constitué du consommateur moyen des produits ou services en question, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
 
Il suffit qu’une marque soit composée exclusivement d’un signe pouvant servir de désigner une caractéristique quelconque du produit ou du service pour qu’elle soit jugée non dstinctive.
 
Dans ses conclusions notifiées le 21 juin 2005, le BUREAU fait valoir que les éléments << BABY >> et << CENTER >> du signe incriminé sont des mots génériques; que ces mots indiquent de manière évidente la nature et la destination du produit ou du service; que ces termes pris individuellement sont descriptifs des produits et services visés ou de leurs caractéristiques; que le fait d’accoler ces deux termes sans autres modification ne confère pas à ce signe, examiné dans son ensemble, un caractère distinctif.
 
Le BUREAU fait plus particulièrement référence à l’arrêt de la Cour d’appel de la Haye du 8 janvier 1997, rendu dans l’affaire << GEBOORTECENTRUM >>.
 
Le Bureau explique que dans cette affaire la Cour a considéré que le signe, composé des mots << Geboorte >> (naissance) et << centrum >> (centre) et dont l’enregistrement a été demandé pour les services des classes 41 (consultance en matière de grossesse, de naissance et de parenté) et 42 (services de gynécologues, d’obstétriciens et infirmières accoucheuses) était dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits et services pour lesquels il était déposé.
 
Cet arrêt ne saurait cependant être transposé à l’affaire actuellement en litige.
 
Le signe << BABYCENTER >> a été déposé pour les classes suivantes:
 
Classe 12: véhicules; voitures d’enfants; poussettes et buggys; …..
 
Classe 24: tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit, draps et housses, …..;
 
Classe 25: vêtements, chaussures, chapellerie; vêtements pour les bébés et les enfants, …..;
 
Classe 35: publicité, gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau; services d’aide à la commercialisation; services de ventes au détail des véhicules, voitures d’enfants, poussettes, buggys, ……
 
Le signe << BABYCENTER >> se compose de la combinaison du mot << CENTER >> et du mot << BABY >>.
 
Le mot << CENTER >> désigne, communément, l’endroit où des services sont prestés.
 
Le mot << BABY >> - se prononçant en langue luxembourgeoise en mettant l’accent sur le << a >> - désigne un nouveau-né ou un enfant en bas âge.
 
Il est de principe que ce qui constitue l’originalité et la nouveauté de la marque, ce sont la combinaison de ces divers éléments ainsi que la forme caractéristique et distinctive données à cette combinaison.
 
Si le signe doit revêtir un caractère distinctif par rapport à l’objet désigné, il ne doit cependant pas pour autant être original en soi, étant précisé que le droit sur la marque n’est pas un droit de création mais un droit d’occupation.
 
En résumé, si le signe n’est ni d’une banalité totale, ni nécessaire ou spécifique, ni générique, ni usuel, ni exclusif de la nature, des qualités substantielles ou de la destination de l’objet, il sera apte à distinguer un produit ou un service.
 
Le signe est nécessaire ou spécifique lorsque son emploi est exigé pour la désignation de l’objet en cause ou si son emploit est requis par les règles de langage.
 
Tel n’est pas le cas en l’espèce.
 
Le signe << BABYCENTER >> n’est certainement pas nécessaire ou spécifique pour désigner les produits et services pour lesquels le signe a été déposé.
 
La désignation générique est celle qui définit non pas directement l’objet en cause, mais la catégorie, l’espèce ou le genre auxquels appartient cet objet.
 
Le signe << BABYCENTER >> ne peut pas être considéré comme définissant le genre ou la catégorie des produits et services énumérés dans les classes 12, 24, 25 et 35, ci-avant mentionnées. Il ne constitue aucunement une forme plus large de la désignation nécessaire des produits et services pour lequel le signe a été déposé.
 
Que le signe << BABYCENTER >> ne soit pas utilisé généralement et communément pour la désignation des produits et services pour lesquels il a été déposé, ne saurait être contesté.
 
Le signe << BABYCENTER >> n’est pas non plus descriptif dans la mesure où il ne définit pas et n’indique pas les vertus des produits et services offerts par BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l., que ce soient les propriétés de ces produits et services, leurs qualités, caractéristiques ou destination.
 
Tout au plus pourrait-on, éventuellement, attribuer au signe << BABYCENTER >> un caractère évocateur dans la mesure où il évoque, dans l’esprit du public concerné, des produits offerts ou services prestés – non autrement définis – en rapport avec des nouveau-nés ou enfants en bas âge.
 
Toujours est-il que le signe << BABYCENTER >> est susceptible d’une multiplicité de sens.
 
Le signe en question peut recevoir plusieurs interprétations. Le rapport entre les vocables composant le signe << BABYCENTER >> et les produits et services désignés dans les classes 12, 24, 25 et 35 étant des plus vagues et indéterminés pour conférer audit signe un caractére descriptif.
 
Pour être complet, il n’est pas sans intérêt de citer – dans ce contexte – l’arrêt << BABY DRY >>, rendu le 20 septembre 2001, dans lequel la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit:
 
<< S’agissant de marques composées de mots – comme c’est le cas en l’espèce – un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l’ensemble qu’il compose. Tout écart perceptible dans la formulation du syntagme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie de consommateurs concernée, pour désigner le produit ou le service ou leurs caractéristiques essentielles est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d’être enregistré comme marque >>.
 
En l’occurrence, la combinaison des mots << BABY >> et << CENTER >>, inhabituelle dans sa structure, ne constitue pas une expression commune, ni en langue luxembourgeoise, belge ou néerlandaise, pour désigner les produits et services pour lesquels le signe << BABYCENTER >> a été déposé.
 
Cette combinaison procède d’une invention lexicale qui permet à la marque ainsi formée de jouer un rôle distinctif.
 
Au regard de toutes les considérations qui précèdent, un caractère distinctif autonome ne saurait être dénié au signe << BABYCENTER >>.
 
C’est partant à tort que le BUREAU a refusé que le signe << BABYCENTER >> soit déposé comme marque.
 
Vu l’issu du litige, le BUREAU ne saurait prétendre à l’octroi d’une indemnité de procédure.
 
la Cour dispose cependant des éléments d’appréciation suffisants pour fixer à 1.500 € l’indemnité de procédure devant revenir à BEFFORT-BANDERMANN s.à.r.l.
 
PAR CES MOTIFS:
 
La Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant conformément à l’article 6ter de la Loi Uniforme Benelux sur les marques, statuant contradictoirement,
 
déclare le recours de la société à responsabilité limitée BEFFORT-BANDERMANN s.à.r.l. recevable;
 
le dit fondé;
 
réformant:
 
ordonne au BUREAU DES MARQUES BENELUX de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux numéro 1044688 pour les produits et services relevant des classes 12, 24, 25 et 35;
 
condamne le BUREAU DES MARQUES BENELUX à payer à la société à responsabilité limtiée BEFFORT-BANDERMANN s.à r.l. une indemnité de procédure de 1.500 €;
 
déboute le BUREAU BENELUX DES MARQUES de sa demande en obtention d’une indemnité de procédure;
 
condamne le BUREAU BENELUX DES MARQUES aux frais et dépens de l’instance.
 
Ainsi prononcé en audience publique où étaient présents:
 
Carlo HEYARD, premier conseiller-président;
Annette GANTREL, conseillière;
Jean-Paul HOFFMANN, conseiller;
Marcel SCHWARTZ, greffier.
 
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