Arrêt rendu le onze février deux mille neuf par la Cour d'appel de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière de marques Benelux
I. Numéro 27597 du rôle
la société anonyme de droit français SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A., établie et ayant son siège social à F-60960 Feuquières, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro 525.721.189, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions,
demanderesse aux termes d’une requête du 20 mars 2003,
comparant par Maître Katia MANHAEVE, avocat à Luxembourg ;
contre:
l’OFFICE BENELUX POUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, anciennement le BUREAU BENELUX DES MARQUES, établi à NL-2591 XR La Haye, Bordewijklaan, 15, représenté par son directeur actuellement en fonctions,
défendeur aux fins de la prédite requête,
comparant par Maître Nicolas DECKER, avocat à Luxembourg ;
II. Numéro 32233 du rôle
la société anonyme de droit français SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A., établie et ayant son siège social à F-60960 Feuquières, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro 525.721.189, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions,
demanderesse aux termes d’une requête du 9 mars 2007,
comparant par Maître Katia MANHAEVE, avocat à Luxembourg ;
contre :
L’OFFICE BENELUX POUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, anciennement le BUREAU BENELUX DES MARQUES, établi à NL-2591 XR La Haye, Bordewijklaan, 15, représenté par son directeur actuellement en fonctions,
défendeur aux fins de la prédite requête,
comparant par Maître Nicolas DECKER, avocat à Luxembourg ;
III. Numéro 32832 du rôle
la société anonyme de droit français SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A.,
établie et ayant son siège social à F-60960 Feuquières, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro 525.721.189, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions.
demanderesse aux termes d’une requête du 7 septembre 2007 en application de l’article 6ter de la loi Uniforme Benelux sur les marques,
comparant par Maître Katia MANHAEVE, avocat à Luxembourg ;
contre:
l’OFFICE BENELUX POUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, anciennement le BUREAU BENELUX DES MARQUES, établi à NL-2591 XR La Haye, Bordewijklaan, 15, représenté par son directeur actuellement en fonctions,
défendeur aux fins de la prédite requête,
comparant par Maître Nicolas DECKER, avocat à Luxembourg.
LA COUR D’APPEL:
Le 7 septembre 2001, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A., a par l’intermédiaire de son mandataire luxembourgeois, la société DENNEMEYER & ASSOCIATES S.A., effectué un dépôt Benelux de marque de couleur, sous le numéro 996.555, auprès du BUREAU BENELUX DES MARQUES, actuellement l’OFFICE BENELUX POUR LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, désigné ci-après par l’abréviation l’OBPI.
La couleur déposée a consisté en un échantillon de la couleur sur une surface de papier plane accompagné d’une description rédigée en les termes suivants :
« -Nuance de vert-brun.
- La marque consiste dans une nuance de couleur de verre définie comme suit: nuance de vert-brun telle que d’après sa courbe de transmission (mesure du facteur de transmission sous incidence nulle) on obtienne, dans le système CIE 1931, pour un illuminant C, une longueur d’onde dominante comprise entre 575 et 577 nanomètres, une pureté supérieure à 90 %, la composante y pouvant être comprise entre 10 et 40; un point caractéristique de cette nuance obtenue pour épaisseur de 5 mm est défini par les coordonnées trichromatiques suivantes : x=0,4744 ; y=0,5030 avec une longueur d’onde dominante de 575,8 nanomètres, la luminance Y étant de 20,8%. »
Les classes pour lesquelles la couleur a été déposée ont été décrites en les termes suivants :
« Cl 21 Bouteilles
Cl 32 Bières, eaux minérales et gazeuses ; boissons non alcooliques et préparations pour faire des boissons ; boissons de fruits et jus de fruits : sirops.
Cl 33 Boissons alcoolisées (à l’exception des bières). »
Par décision du 20 janvier 2003, l’OBPI refusa définitivement l’enregistrement du dépôt.
Par requête du 20 mars 2003, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. interjeta appel en vue d’obtenir un ordre d’enregistrement pour le dépôt de marque n° 996.555 dans la classe 21 « bouteilles destinées aux professionnels ».
Elle n’a pas relevé appel en ce que l’OBPI a refusé l’enregistrement du signe déposé pour les produits des classes 32 et 33.
Suivant conclusions notifiées le 30 septembre 2003, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a modifié le libellé des produits de la classe 21 et demande qu’il soit ordonné d’enregistrer le dépôt de marque n° 996.555 dans la classe « bouteilles destinées aux professionnels en aval des verriers. »
Par conclusions du 15 décembre 2005, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a demandé à la Cour, pour autant qu’elle soit de l’avis que la référence au système CIE 1931 soit insuffisante au regard des exigences de la représentation graphique, d’obliger l’OBPI de compléter son dépôt par l’ajout du code T.015-3-1 du PANTONE PLASTICS TRANSPARENT COLOR SYSTEM.
Le 29 mars 2006 et le 30 mars 2006, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A., par l’intermédiaire de son mandataire luxembourgeois, la société DENNEMEYER & ASSOCIATES S.A., a effectué deux dépôts Benelux de marque de couleur sous les numéros 1.108.023 et 1.108.200.
La couleur déposée le 29 mars 2006 et le 30 mars 2006 a consisté en un échantillon de la couleur sur une surface de papier plane accompagné d’une description rédigée en les termes suivants : « Nuance de couleur de verre vert-brun représentée par la référence T015-3-1 du PANTONE PLASTICS TRANSPARENT SELECTOR (épaisseur 2 mm) du PANTONE PLASTICS COLOR SYSTEM.
La marque consiste en une nuance de couleur de verre vert-brun telle que d’après sa courbe de transmission spectrale, on obtienne, dans le système CIE 1931, pour l’illuminant C et pour une épaisseur de 5 mm, des coordonnées trichromantiques x = 0, 4744, y = 0,5030, un facteur de luminance Y= 20 et une longueur d’onde dominante de 576 nm (+/-1) ».
La classe pour laquelle la couleur a été déposée le 29 mars 2006 (dépôt n° 1.108.023 a été décrite de la façon suivante :
« Classe 21 Produits et services
Bouteilles en verre destinées aux professionnels utilisateurs ou commercialisant de tels produits, notamment : fabricants, verriers, industriels et commerçants de liquides et boissons, vignerons, producteurs – récoltants, manipulateurs récoltants, embouteilleurs, négociants, distributeurs, grande distribution. »
Lors du dépôt du 30 mars 2006 (dépôt n° 1.108.200) les produits de classe 21 visés sont décrits en les termes suivants : « Bouteilles en verre récipients ».
L’enregistrement du dépôt du dépôt du 29 mars 2006 (dépôt n° 1.108.023) a été refusé définitivement le 11 janvier 2007.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a relevé appel de cette décision le 9 mars 2007.
L’enregistrement du dépôt du 30 mars 2006 (dépôt 1.108.200) a été refusé définitivement le 9 juillet 2007.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a relevé appel de cette décision le 7 septembre 2007.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. demande, pour cause de connexité, la jonction des trois appels inscrits sous les numéros 27597, 32233 et 32832 du rôle.
Elle estime qu’il y a un lien étroit entre les différents appels dès lors que ceux-ci portent sur des décisions relatives à des dépôts successifs par lesquels elle n’a voulu obtenir – en ce qui concerne les produits de la classe 21 – qu’une seule et même chose, à savoir : l’enregistrement de sa marque de couleur dite « TEINTE ANTIQUE », précisée lors des différents dépôts, pour des bouteilles en verre vides destinées aux professionnels.
L’OPBI s’oppose à la jonction au motif que celle-ci ne peut s’opérer au niveau de l’appel dès lors qu’elle n’a pas été susceptible d’être opérée en première instance.
L’OPBI conteste par ailleurs tout lien entre les différents appels. A cet égard, il argumente que les appels ont trait à des décisions distinctes prises à propos de dépôts concernant des produits différents et une description différente de la couleur revendiqueé à titre de marque.
Il y a connexité lorsqu’il existe entre des affaires un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les faire instruire et juger ensemble.
Le juge apprécie souverainement l’existence des circonstances propres à établir la connexité.
L’existence du lien est appréciée moins sévèrement si les affaires sont – comme en l’espèce – pendantes devant la même juridiction.
Le lien existe notamment lorsqu’il y a risque de contrariété de jugements si les affaires étaient jugées séparément.
L’évolution du litige peut justifier qu’une situation de connexité n’apparaisse qu’en appel.
La jonction pour connexité en appel n’est donc pas à subordonner à la condition que la jonction ait été susceptible d’être opérée en première instance.
Si pour les trois dépôts effectués la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a utilisé des formules différentes en ce qui concerne les produits pour lesquels elle demande la protection de la marque, il n’en demeure pas moins qu’elle vise chaque fois la même chose, à savoir, des bouteilles vides, et qu’il n’est pas allégué et pas établi que les formules différentes désignent des produits objectivement différents.
Les différentes formules utilisées dans le cadre des trois dépôts à propos de la couleur déposée à titre de marque visent à préciser et à appréhender un signe, qui reste le même, mais ne visent pas à modifier le signe lui-même.
S’il y a donc bien eu trois décisions distinctes de l’OBPI, elles portent cependant en définitive sur la même réalité.
Il y a donc un lien prononcé entre les trois appels relevés à propos de ces trois décisions. Dans l’intérêt d’une bonne administration, il y a partant lieu de joindre – en vue d’éviter une contrariété de jugements – les appels inscrits sous les numéros 27597, 32233 et 32832 du rôle.
Quant à l’appel du 20 mars 2003
L’OBPI, invoquant la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, en abrégé la C.J.C.E., et de la Cour de Justice Benelux, en abrégé la C.J.B., fait valoir que la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A., en disant en instance d’appel que les produits pour lesquels l’enregistrement du signe déposé est demandé ne sont pas des « bouteilles » mais des « bouteilles destinées aux professionnels en aval des verriers », a limité sa demande et a partant présenté une demande nouvelle par son objet irrecevable en instance d’appel.
L’OBPI soutient que la demande de limitation aurait dû être présentée lors de la procédure qui s’est déroulée devant lui et ce au plus tard avant le 7 novembre 2002, date d’expiration du délai pour introduire des observations contre son refus provisoire.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. conteste avoir présenté une demande nouvelle en instance d’appel.
Elle prétend que la demande de limitation du libellé n’est qu’une formalisation d’un argument déjà développé lors de la procédure suivie devant l’OBPI.
Elle prétend par ailleurs que la Loi uniforme Benelux sur les marques et son règlement d’ exécution ne s’opposent pas à ce que le libellé du dépôt de marque litigieux soit limité dans le cadre de l’instance d’appel.
Elle dénie toute pertinence à la jurisprudence invoquée par l’OBPI.
Dans son arrêt Bureau Benelux des Marques/VLAAMSE TORRISTENBOND du 15 décembre 2003, la C.J.B. – confrontée à la question de savoir si une juridiction d’appel du Benelux, saisie d’un recours contre une décision du Bureau Benelux des Marques qui a refusé l’enregistrement sans exceptions pour des classes de produits ou de services dans leur intégralité, peut, alors que le déposant, qui a voulu obtenir l’enregistrement pour des classes entières et n’a pas envisagé la possibilité d’un enregistrement partiel du Bureau Benelux des Marques, donner un ordre d’enregistrer une marque pour des produits ou services déterminés d’une classe uniquement – a répondu que les juridictions d’appel « ne peuvent prendre en considération que les éléments sur lesquels le Bureau Benelux des Marques a fondé ou aurait dû fonder sa décision, qu’il s’ensuit que la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerichtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg ne peuvent pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises. »
Suivant arrêt KONINGLICHE KPN Nederland N.V. / Bureau Benelux des Marques – Merkenbureau du 12 février 2004, la C.J.C.E. a dit « que l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens qu’une autorité compétente en matière d’enregistrement des marques doit prendre en considération, outre la marque telle qu’elle est déposée, tous les faits et circonstances pertinents.
Une telle autorité doit prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents avant d’adopter une décision définitive sur une demande d’enregistrement d’une marque, S’agissant d’une juridiction saisie d’un recours contre une décision prise sur une demande d’enregistrement d’une marque, elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l’exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable. »
Dans son arrêt KWS Saat AG / OHMI du 21 octobre 2004, la C.J.C.E. a considéré comme irrecevable, parce que tendant à modifier l’objet du litige, la demande tendant à limiter la liste des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé, présentée à l’audience du Tribunal de première instance des Communautés Européennes, en abrégé le T.I.P..
Il se dégage des prédites décisions que tant la C.J.B. que la C.J.C.E. prohibent – le terme de prétentions étant synonyme de demande -, dans le cadre du recours exercé contre une décision de refus d’enregistrement, les demandes nouvelles par leur objet.
Il se dégage également de ces décisions que la limitation des produits pour lesquels l’enregistrement du signe déposé est demandé est une demande nouvelle par son objet et que des moyens et arguments nouveaux peuvent être présentés devant la juridiction saisie du recours, du moment que la loi nationale le permet et qu’aucune demande nouvelle n’est présentée.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a, en déposant le 7 septembre 2001 le signe pour des « bouteilles », précisé la notion de « verrerie » de la classe 21 de l’Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services auxquels s’appliquent les marques de fabrique ou de commerce.
En disant devant la Cour d’appel de Luxembourg que les bouteilles visées sont les « bouteilles destinées aux professionnels en aval des verriers », la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. n’a pas procédé à une limitation des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé. En effet, les produits visés par la formulation utilisée par la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. en instance d’appel restent les mêmes que ceux visés par le terme « bouteilles » utilisé lors de la procédure devant l’OBPI, dès lors que la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. n’allègue pas et qu’il n’est pas établi que les bouteilles pour lesquelles l’enregistrement est demandé sont objectivement, en raison de spécificités propres à leur nature, uniquement destinées à des professionnels.
La Cour n’est donc pas saisie d’une demande nouvelle par son objet. (cf. Arrêt FRISCHPACK GmbH & co KG c/ OHMI du T.I.P. du 23 novembre 2004).
Par l’ajout des termes « destinées aux professionnels en aval des verriers », la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. présente en appel un argument qu’elle avait d’ailleurs déjà présenté dans le cadre de la procédure devant l’OBPI.
N’aurait-elle pas présenté cet argument devant l’OBPI, rien ne l’aurait empêchée de le faire devant la présente Cour d’appel étant donné qu’il est admis que la procédure poursuivie devant la juridiction nationale est une instance d’appel (cf. BRAUN, Précis des marques, 3ème édition, N° 269 ; Doc. parl. 38664, sess. ord. 1994-1995) et qu’en instance d’appel des arguments et moyens nouveaux peuvent être soulevés.
L’enregistrement de la marque déposée sous le numéro 996.555 a été refusé par l’OBPI d’une part pour absence de distinctivité et d’autre part pour absence de consécration par l’usage.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. expose qu’elle a créé en 1980 une nouvelle couleur de verre, consistant en une nuance particulière de vert-brun, portant la dénomination commerciale de « TEINTE ANTIQUE ».
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A dit en ordre principal que c’est à tort que l’OBPI n’a pas reconnu la distinctivité de la couleur « TEINTE ANTIQUE ».
A cet égard, elle explique en substance :
- que ses bouteilles de la couleur « TEINTE ANTIQUE » sont considérées – ce qu’elle offre en preuve par attestations – par les professionnels du verre creux, notamment les professionnels voulant acheter des bouteilles pour des spiritueux haut de gamme, comme des bouteilles à la couleur très originale et particulière, inconnue sur le marché jusqu’à sa commercialisation par elle en 1980 ;
- que ses bouteilles sont des produits spécifiques pour un marché spécifique ;
- que la distinctivité de la couleur « TEINTE ANTIQUE » doit être appréciée par rapport à la perception du public pertinent, qui est en l’occurrence un public d’acheteurs professionnels en aval des verriers, acheteurs professionnels qui sont à considérer, par opposition aux acheteurs de bouteilles remplies modifiées extérieurement par une étiquette, une capsule, un bouchon, etc., comme consommateurs finaux des bouteilles vides.
L’OBPI avance que la couleur « TEINTE ANTIQUE » a été choisie en raison de ses capacités filtrantes aux ultraviolets et qu’elle ne peut dès lors servir de marque alors qu’un signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ne saurait constituer une marque.
Il est vrai que la Loi uniforme Benelux sur les marques prévoit que ne peuvent être considérées comme marques les signes constitués exclusivement par la forme qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. s’oppose à l’argumentation de l’OBPI en disant que beaucoup de verres sombres, voire même des verres à la composition chimique adéquate, présentent des capacités filtrantes élevées.
Puisque la Cour ignore si la capacité filtrante élevée de la couleur déposée à titre de marque – capacité en principe non contestée – ne peut être obtenue que par cette nuance de couleur et non par d’autres nuances de couleur, il ne saurait, à supposer encore que la notion de forme puisse recevoir une interprétation large, être retenu qu’on se trouve en présence d’un signe constitué exclusivement par la forme qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.
L’OBPI s’oppose en outre à l’enregistrement du signe déposé, se référant au système CIE 1931, au motif que le signe ne satisfait pas aux exigences de la représentation graphique définies par la jurisprudence communautaire dès lors qu’en raison de sa complexité il n’est pas clair et qu’il comporte des variables ce qui le rend imprécis.
La loi uniforme Benelux sur les marques doit être interprétée conformément à la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.
Pour ce qui est du code Pantone, par lequel la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. entend, pour autant que de besoin, compléter la désignation du signe, l’OBPI dit que celui-ci est un code spécifique aux matériaux plastiques et ne saurait servir à identifier une couleur de verre.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. objecte que son dépôt est conforme aux exigences de la jurisprudence communautaire.
Saisie par le Hoge Raad der Nederlanden, dans le cadre d’un litige opposant le groupe LIBERTEL GROUP BV au Bureau Benelux des Marques, bureau qui a refusé de procéder à l’enregistrement en tant que marque d’une couleur orange pour des produits et services de télécommunications, de différentes questions préjudicielles visant à savoir si et, le cas échéant, dans quelles conditions une couleur en elle-même, sans délimitations dans l’espace, est susceptible de constituer une marque, la C.J.C.E. a, dans son arrêt du 6 mai 2003, en ce qui concerne l’exigence de la représentation graphique posée par l’article 2 de la directive. (« Peuvent consitituer des marques tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment des mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. »), motivé sa décision de la façon suivante :
28. une représentation graphique, au sens de l’article 2 de la directive, doit permettre au signe d’être représenté visuellement, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, de sorte qu’il puisse être identifié avec exactitude (arrêt du 12 décembre 2002, Sieckmann, C-273/00, point 46).
29. Pour remplir sa fonction, la représentation graphique, au sens de l’article 2 de la directive, doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective (arrêt Sieckmann, précité, points 47 à 55).
30. En l’espèce, l’interrogation adressée à la Cour vise la demande d’enregistrement d’une couleur en elle-même, dont la représentation consiste en un échantillon de la couleur sur une surface plane, d’une description, verbale de la couleur et/ou d’un code d’identification de couleur internationalement reconnu.
31. Or, un simple échantillon d’une couleur ne répond pas aux exigences mentionnées aux points 28 et 29 du présent arrêt.
32. En particulier, un échantillon d’une couleur peut s’altérer avec le temps. Il ne saurait être exclu que certains supports permettent d’enregistrer une couleur de façon inaltérable. Toutefois, d’autres supports, notamment le papier, ne permettent pas de préserver la nuance de couleur de l’usure du temps. Dans un tel cas, le dépôt d’un échantillon d’une couleur ne présenterait pas le caractère durable exigé par l’article 2 de la directive (voir arrêt Sieckmann, point 53).
33. Il en découle que le dépôt d’un échantillon d’une couleur ne constitue pas en lui-même une représentation graphique au sens de l’article 2 de la directive.
34. En revanche, la description verbale d’une couleur, en tant qu’elle est formée de mots composés eux-mêmes de caractères, constitue une représentation graphique de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Sieckmann, point 70).
35. Une description verbale de la couleur ne remplira pas nécessairement dans tous les cas les conditions mentionnées aux points 28 et 29 du présent arrêt. Cette question doit être appréciée au vu des circonstances de chaque cas d’espèce.
36. L’association d’un échantillon d’une couleur et d’une description verbale de celle-ci peut donc constituer une représentation graphique au sens de l’article 2 de la directive, à condition que la description soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible et objective.
37. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 34 du présent arrêt, la désignation d’une couleur au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu peut être considérée comme constituant une représentation graphique. De tels codes sont réputés être précis et stables.
38. Si un échantillon d’une couleur, accompagné d’une description verbale, ne remplit pas les conditions posées à l’article 2 de la directive pour constituer une représentation graphique, notamment par défaut de précision ou de durabilité, cette défaillance peut, le cas échéant, être comblée par l’ajout d’une désignation de la couleur au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu.
En l’occurrence, l’échantillon de couleur sur papier, pouvant s’altérer avec le temps, et la description « Nuance de vert brun »n’étant pas de nature à préciser une nuance de couleur déterminée, ne sont – pris isolément ou en combinaison – pas de nature à obéir aux exigences de la représentation graphique définies par la jurisprudence.
Il y a lieu de se demander si les défaillances affectant l’echantillon et la description verbale ne peuvent être comblées par la référence qu’a faite la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. à un, sinon à deux codes de couleurs.
Il ressort des pièces versées que le Code CIE 1931, élaboré par la Commission Internationale de l’Eclairage, est un code de couleurs internationalement connu.
Ce code permet d’ « identifier une couleur en terme de nuance ». (cf. Mica Datacolor International « La Colorimétrie – Le système CIE », p. 51) et permet d’ « affecter des valeurs numériques précises aux trois facteurs de la perception visuelle d’une manière totalement objective et indépendante. » (cf. A. CHRISMONT, De la couleur à la colorimétrie, p. 31)
L’objection de l’OBPI que ce code contient des variables est à rejeter. La Cour considère, en effet que si variables il y a, elles sont à ce point minimes qu’elles restent sans incidence.
La Code CIE 1931 présente une certaine complexité dès lors que sa lecture requiert des connaissances specialisées.
Dans son arrêt HEIDELBERGER BAUCHEMIE GmbH du 24 juin 2004 la C.J.C.E. a dit que :
27. L’exigence de la représentation graphique a pour fonction notamment de définir la marque elle-même afin de déterminer l’objet exact de la protection conférée à son titulaire par la marque enregistrée.
28. En effet, l’enregistrement de la marque dans un registre public a pour objet de rendre celle-ci accessible aux autorités compétentes et au public, en particulier aux opérateurs économiques.
29. D’une part, les autorités compétentes doivent connaître avec clarté et précision la nature des signes constitutifs d’une marque afin d’être en mesure de remplir leurs obligations relatives à l’examen préalable des demandes d’enregistrement ainsi qu’à la publication et au maintien d’un registre approprié et précis des marques ;
30. D’autre part, les opérateurs économiques doivent pouvoir s’assurer avec clarté et précision des enregistrements effectués ou des demandes d’enregistrement formulées par leurs concurrents actuels ou potentiels et bénéficier ainsi d’informations pertinentes concernant les droits des tiers. »
La complexité du Code CIE 1931 n’empêche pas les autorités compétentes et les opérateurs économiques, qui peuvent – le cas échéant – avoir recours à des services techniques spécialisés, d’avoir accès, sans difficultés, à la signification du code. Le code CIE 1931 est donc clair et intelligible.
Dès lors qu’il est de l’essence même d’un code de couleurs de présenter une certaine complexité, l’accessibilité du code de couleurs ne saurait – comme le soutient l’OBPI – être subordonnée à sa compréhensibilité par tout un chacun.
En combinaison avec le Code CIE 1931 le risque de non durabilité de l’échantillon est écarté et la description verbale imprécise est précisée. Le signe tel qu’il est déposé obéit donc, par la combinaison de ses trois éléments (échantillon, description verbale, code de couleurs), aux exigences de la représentation graphique telles que définies en droit communautaire.
La référence au Code CIE 1931 étant de nature à faire obéir le signe déposé aux exigences de la représentation graphique, il n’est pas nécessaire de faire compléter la représentation graphique par la référence au Code Pantone.
Un tel ajout ne pourrait d’ailleurs se faire que s’il était établi que la Code Pantone, conçu pour les produits plastiques, serait de nature à décrire la même nuance de couleur que le code CIE 1931.
L’OBPI fait en outre valoir, notamment en ce qui concerne la question de la distinctivité :
- que sauf circonstances exceptionnelles, qui n’existent pas en l’occurrence, les couleurs n’ont pas de caractère distinctif ;
- qu’on ne se trouve pas en présence de produits spécifiques pour un marché spécifique ;
- que la distinctivité doit, suivant la jurisprudence du T.P.I., s’apprécier non par rapport à la perception des professionnels en aval des verriers mais par rapport à la perception du grand public des consommateurs finaux qui achètent des bouteilles remplies ;
- que l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs s’oppose à ce que la couleur déposée puisse être considérée comme marque.
L’arrêt LIBERTEL GROUP c/Bureau Benelux des Marques du 6 mai 2003 répond aux autres questions que soulève le litige opposant l’OBPI à la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A..
Il y a lieu de se référer aux considérants de cet arrêt conçu en les termes suivants :
Pour être susceptible de constituer une marque aux termes de l’article 2 de la directive…
23. Une couleur en elle-même doit remplir trois conditions. Premièrement, elle doit constituer un signe. Deuxièmement, ce signe doit être susceptible d’une représentation graphique. Troisièmement, ce signe doit être propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.
27. Il ne peut pas être présumé qu’une couleur en elle-même constitue un signe. Normalement, une couleur est une simple propriété des choses. Toutefois, elle peut constituer un signe. Cela dépend du contexte dans lequel la couleur est utilisée. Toujours est-il, qu’une couleur en elle-même est susceptible, en relation avec un produit ou un service, de constituer un signe.
40. Si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à communiquer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis.
41. Cependant, il ne serait pas justifié de déduire de cette constatation d’ordre factuel une interdiction de principe de considérer les couleurs en elles-mêmes comme étant propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. En effet, il ne peut pas être exclu qu’existent des situations dans lesquelles une couleur en elle-même puisse servir d’indication d’origine des produits ou des services d’une entreprise. Il convient donc d’admettre que les couleurs en elles-mêmes peuvent être propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, au sens de l’article 2 de la directive.
45. … Aux fins de déterminer si une couleur en elle-même est susceptible d’être enregistrée en tant que marque, il convient de se placer dans l’optique du public pertinent.
Lorsque ce public est le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le nombre de couleurs que ce public est apte à distinguer est peu élevé du fait qu’il a rarement la possibilité de comparer directement des produits revêtus de différentes nuances de couleurs. Il en découle que le nombre de couleurs différentes effectivement disponibles, en tant que marques potentielles, pour distinguer les produits ou les services, doit être considéré comme réduit.
54. En ce qui concerne l’enregistrement en tant que marque de couleurs en elles-mêmes, sans délimitation dans l’espace, le nombre réduit des couleurs effectivement disponibles a pour résultat qu’un petit nombre d’enregistrements en tant que marques pour des services ou des produits donnés pourrait épuiser toute la palette des couleurs disponibles. Un monopole aussi étendu ne serait pas compatible avec un système de concurrence non faussé, notamment en ce qu’il risquerait de créer un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur économique. Il ne serait pas non plus adapté au développement économique et à la promotion de l’esprit d’entreprise que des opérateurs déjà établis puissent enregistrer en leur faveur l’ensemble des couleurs effectivement disponibles, au détriment de nouveaux opérateurs.
55. Il convient donc de reconnaître, dans le champ du droit communautaire des marques, un intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé.
56. Plus grand est le nombre des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé, plus le droit exclusif éventuellement conféré par la marque est apte à présenter un caractère exorbitant et à se heurter par là même au maintien d’un système de concurrence non faussé et à l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé.
62. Selon une jurisprudence constante, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir notamment arrêts Canon précité, point 28, et du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C 517/99, Rec. p. I-6959, point 22). Une marque doit distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. A cet égard, il convient de tenir compte à la fois de l’utilisation habituelle des marques comme indication d’origine dans les secteurs concernés et de la perception du public pertinent.
La propriété inhérente de distinguer les produits d’une certaine entreprise fait normalement défaut à une couleur en elle-même.
66. Dans le cas d’une couleur en elle-même, l’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique.
67. Toutefois, même si une couleur en elle-même n’a pas ab initio un caractère distinctif au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, elle peut l’acquérir, en rapport avec les produits ou les services revendiqués, à la suite de son usage conformément au paragraphe 3, de cet article. Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné. Dans un tel cas, l’autorité compétente serait tenue d’apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêt Windsurfing Chiemsee, point 49).
75. L’enregistrement d’un signe en tant que marque est toujours demandé au regard de produits ou de services mentionnés dans la demande d’enregistrement. Ainsi le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.
Il se dégage de la motivation de l’arrêt LIBERTEL GROUP c/ Bureau Benelux des Marques que pour la C.J.C.E. la perception du public pertinent, partant la détermination de ce public pertinent, importe avant tout dans l’examen de la question de savoir si une couleur peut constituer une marque.
La chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur, en abrégé OHMI, a, en ce qui concerne des signes consistant, d’une part, en forme tridimensionnelle représentant un cigare de couleur brune, et, d’autre part, en une forme tridimensionnelle représentant un lingot doré, déposés, entre autres, pour les « conditionnements pour chocolat et articles en chocolat en carton sous forme d’un lingot doré », admis que la distinctivité s’apprécie par rapport au consommateur moyen. Dans son arrêt AXIONS S.A., Christian BELCE / OHMI du 30 avril 2003, le T.P.I. n’a pas rejeté cette solution et ce au motif que même si ce sont des professionnels et non pas les consommateurs finaux en général qui acquièrent ces produits, cette acquisition s’opère néanmoins dans la perspective d’une vente ultérieure de produits emballés aux consommateurs finaux.
Saisi d’un recours contre une décision de la chambre de recours de l’OHMI, qui a admis que le caractère distinctif du signe, consistant en une forme tridimensionnelle torsadée et déposé pour des boyaux de charcuterie, doit être apprécié par rapport à la perception du consommateur final alors même que les boyaux sont achetés par des professionnels, le T.P.I., a confirmé cette décision dans son arrêt Wim de WAELE / OHMI du 31 mai 2006, en disant qu’
26. « … il y a lieu de rappeler que, s’agissant de produits permettant le conditionnement d’autres produits, il a été jugé que, même si, en principe, ce sont des professionnels et non les consommateurs finaux en général qui acquièrent ces produits, cette acquisition s’opère néanmoins dans la perspective d’une vente ultérieure de produits emballés aux consommateurs finaux et que, par conséquent, la perception de ces derniers doit également être prise en compte (voir, en ce sens, arrêt Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré, point 31). »
Tant dans les affaires ayant abouti aux arrêts du 30 avril 2003 et du 31 mai 2006 que dans la présente affaire on se trouve en présence de produits qui sont des contenants (Conditionnements pour chocolat et articles en chocolat en carton sous forme d’un lingot doré, boyaux de charcuterie, bouteilles) se confondant avec les signes (forme tridimensionnelle, représentant un cigare de couleur brune, forme tridimensionnelle représentant un lingot doré, forme tridimensionnelle torsadée, couleur) et qui sont acquis par des professionnels en vue de leur transmission à des consommateurs finaux, consommateurs finaux, qui en raison de modifications apportées aux contenants par les professionnels, peuvent être confrontés à une lisibilité moindre du signe qui la lisibilité du signe telle qu’elle a existé au moment de l’acquisition des produits par les professionnels.
Puisque les circonstances à la base des arrêts du 30 avril 2003 et du 31 mai 2006 sont en substance les mêmes que celles à la base du litige actuellement soumis à la Cour, la Cour estime – sans qu’il soit encore nécessaire de saisir, comme le demande la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. dans un ordre subsidiaire, la C.J.C.E. d’une question préjudicielle – qu’il y a lieu de dire, par référence à la jurisprudence du T.P.I., que la distinctivité de la couleur « TEINTE ANTIQUE » doit s’apprécier non par rapport à la perception des professionnels qui achètent des bouteilles vides mais par rapport à la perception des consommateurs finaux auxquels les acheteurs professionnels destinent ces bouteilles.
Ces consommateurs sont les acheteurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés de bouteilles remplies.
Il résulte de ce qui précède que la discussion entre parties au sujet de la prise en considération des attestations relatives à la perception des professionnels est sans pertinence.
L’OBPI soutient que la couleur « TEINTE ANTIQUE » est une couleur usuelle pour des bouteilles de verre.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. conteste que la couleur « TEINTE ANTIQUE » ait été utlisée par des tiers avant le premier dépôt.
Pour souligner le caractère inhabituel de sa couleur, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. explique qu’avant l’apparition de sa couleur sur le marché, il n’y a eu qu’un nombre extrêmement limité de couleurs pour les bouteilles (teinte vert-champagne, teinte verre blanc, teinte feuille-morte, teinte jaune-foncé, teinte jaune-clair). Elle verse en cause des échantillons de sa bouteille «TEINTE ANTIQUE » et de ses bouteilles aux couleurs qu’elle considère comme ayant été usuelles jusqu’à l’apparition de la couleur qu’elle entend faire reconnaître comme marque.
La question du caractère usuel ou non de la couleur « TEINTE ANTIQUE » pour le marché des bouteilles s’apprécie par rapport à la perception du public pertinent qui est en l’occurrence l’acheteur moyen de bouteilles remplies.
Il ressort de l’examen des échantillons de bouteilles versés par la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. que la « TEINTE ANTIQUE » présente aux yeux de l’acheteur moyen des ressemblances avec la teinte feuille-morte et la teinte vert-champagne que la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. considère elle-même comme teintes usuelles pour bouteilles. Toutes ces teintes présentent un caractère verdâtre.
A défaut de divergences exceptionnelles avec les teintes feuille-morte et vert-champagne, la couleur « TEINTE ANTIQUE » est à considérer, sans qu’il soit lieu de s’étendre autrement sur la valeur probante des échantillons de bouteilles versés par l’OBPI et que la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. entend voir écarter, comme couleur usuelle du marché des bouteilles.
Il ressort en outre de l’examen de l’échantillon de bouteille soumis à la Cour – bouteille qui a un aspect banal et de déjà-vu – que les bouteilles pour lesquelles la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. entend faire enregistrer la couleur « TEINTE ANTIQUE » sont des produits courants de grande consommation sans spécificités techniques particulières et à destinations multiples.
Les produits pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé ne sont donc pas des produits spécifiques pour un marché spécifique.
La « TEINTE ANTIQUE », couleur usuelle pour des produits de grande consommation, ne sera guère perçue par le public pertinent de l’acheteur moyen de bouteilles remplies, acheteur qui ne prête guère attention à la couleur « TEINTE ANTIQUE : des bouteilles, comme apte à identifier les bouteilles de la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d’une autre entreprise.
La couleur « TEINTE ANTIQUE » n’a donc pas de caractère distinctif.
Reconnaître à la couleur « TEINTE ANTIQUE », couleur usuelle du marché des bouteilles, le caractère d’une marque équivaudrait par ailleurs à resteindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres producteurs de bouteilles, dès lors que par le biais de l’article 13A. 1 b de la Loi Uniforme Benelux en matière de propriété intellectuelle, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. pourrait faire interdire à ses concurrents non seulement l’usage d’exactement la nuance de couleur, mais aussi l’usage de couleurs ressemblantes susceptibles de susciter la confusion dans l’esprit d’un consommateur d’attention moyenne.
Il résulte des considérations qui précèdent que l’OBPI a dénié à juste titre un caractère distinctif ab initio au signe déposé sous le numéro 996.555.
L’OBPI a en outre refusé l’enregistrement au motif qu’aucune consécration par l’usage n’a été établie par la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. argumente, en ordre subsidiaire, qu’elle peut invoquer la consécration par l’usage de la couleur TEINTE ANTIQUE, dès lors que cette couleur, inhabituelle pour des bouteilles, était, au regard de ses statistiques de vente, connue dans une partie substantielle du territoire du Benelux durant les dix années ayant précédé le dépôt, d’une partie significative du public concerné du Benelux, en l’occurrence un public de professionnels achetant des bouteilles haut de gamme.
L’OBPI conteste que les conditions de la consécration par l’usage soient données.
Une marque dépourvue de pouvoir distinctif à l’origine peut acquérir celui-ci par l’usage.
Cette règle a été consacrée par la C.J.B. et par la C.J.C.E. et s’explique par le fait que la perception du public peut varier dans le temps.
Elle a été rappelée, en ce qui concerne les couleurs, par la C.J.C.E. dans le considérant 67 précité de l’arrêt LIBERTEL GROUP B.V. / Bureau Benelux des Marques.
Cette règle a été reprise, suivant Protocole du 11 décembre 2001, dans l’article 14ter de la Loi uniforme Benelux sur les marques et figure actuellement à l’article 2.28 alinéa 2 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle.
En l’occurrence, le public pertinent n’est pas un public de professionnels achetant des bouteilles haut de gamme vides. Le public pertinent est le public du consommateur moyen achetant des bouteilles remplies.
Un tel public, aurait-il même été confronté pendant longtemps et d’une manière intensive aux bouteilles « TEINTE ANTIQUE » de la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. n’aurait, en raison du caractère habituel de la couleur « TEINTE ANTIQUE » sur le marché des bouteilles, toujours pas été apte à identifier les produits pour lesquels est demandé l’enregistrement du signe comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à les distinguer de ceux d’autres entreprises.
Il y a partant lieu de dire – sans qu’il soit encore nécessaire de s’étendre sur la durée et l’intensité de l’usage – que la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. n’est pas fondée à invoquer la consécration du pouvoir distinctif par l’usage.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’OBPI a à juste titre refusé le caractère de marque à la couleur « TEINTE ANTIQUE » déposée par la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A.
L’appel introduit le 20 mars 2003, inscrit sous le numéro 27597 du rôle, n’est donc pas fondé.
Quant aux appels du 9 mars 2007 et du 7 septembre 2007
Dans le cadre des dépôts ayant donné lieu aux décisions entreprises par les appels du 9 mars 2007 et du 7 septembre 2007, la société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A. a entendu satisfaire aux exigences de la représentation graphique en se référant concomitamment à deux codes de couleur.
A part la question de la représentation graphique, les autres questions débattues dans le cadre des appels du 9 mars 2007 et du 7 septembre 2007 sont en substance les mêmes que les questions débattues dans le cadre de l’appel du 20 mars 2003.
La référence simultanée à deux codes ne pourrait être admise que si les deux codes sont de nature à identifier la même nuance de couleur.
En serait-il ainsi, il n’en resterait pas moins que, par adoption des motifs développés ci-avant dans le cadre de l’examen de l’appel du 20 mars 2003, motifs qui répondent aux questions soulevées par les appels du 9 mars 2007 et du 7 septembre 2007, les appels du 9 mars et du 7 septembre 2007 sont à déclarer non foncés.
La société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A., qui est à condamner aux frais et dépens de l’instance d’appel, est à débouter de ses demandes en obtention d’une indemnité de procédure.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge de l’OBPI les frais irrépétibles de l’instance d’appel.
L’OBPI est donc également à débouter de ses demandes en obtention d’une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS:
la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière de marques Benelux, statuant contradictoirement, le magistrat de la mise en état entendu en son rapport,
joint les appels du 20 mars 2003 (n° 27597 du rôle), du 9 mars 2007 (n° 32233 du rôle) et du 7 septembre 2007 (n° 32832 du rôle) ;
déclare les appels non fondés ;
confirme les décisions de l’OBPI entreprises ;
déboute les parties de leurs demandes en obtention d’une indemnité de procédure ;
Condamne le société SOCIETE AUTONOME DE VERRERIES (SAVERGLASS) S.A aux frais et dépens de l’instance d’appel et en ordonne la distraction au profit de Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour qui la demande, affirmant avoir fait l’avance des frais et dépens.
Ainsi prononcé en audience publique où étaitent présents ;
Carlo HEYARD, premier conseiller-président ;
Annette GANTREL, première conseillère ;
Jean-Paul HOFFMANN, conseiller ;’
Marcel SCHWARTZ, greffier.