Date
Instance
REC BE Marque
STEELGUARD Numéro de dépôt
Déposant
AMERON Texte
Numéro d’arrêt: 2003/AR/1449
AMERON, société contre BUREAU BENELUX DES MARQUES
après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant:
Prononcé : 1 juin 2006
Numéro d’arrêt: 2003/AR/1449
en cause de
AMERON, société
dont le siège social est établi à 4191 MZ Geldermalsen (Pays-Bas), J.F. Kennedylaan, 7,
Requérante,
représentée par Maître Emmanuel Cornu,
avocat à 1050 Bruxelles, avenue Louise, 149/20,
contre:
LE BUREAU BENELUX DES MARQUES (en abrégé BBM),
service commun aux pays du Benelux dont le siège est établi à 2591 XR La Haye (Pays-Bas), Borderwijklaan, 15,
Partie adverse,
représentée par Maître Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation et
Maître Brigitte Dauwe, avocat,
dont le cabinet est établi à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts, 47-51,
plaideurs: Maîtres L. De Gryse et C. Eyers.
I. DECISION ATTAQUEE
Le recours est dirigé contre la décision du Bureau Benelux des marques (en abrégé BBM) du 11 avril 2003 refusant l’enregistrement de la marque verbale « STEELGUARD ».
II. PROCEDURE DEVANT LA COUR
Le recours est formé par requête, déposée par Ameron au greffe de la cour, le 10 juin 2003.
La procédure est contradictoire.
Il est fait application de l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire.
III. FAITS ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE
1. Ameron est une filiale d’un fabricant américain de peintures.
Le 14 novembre 2001, elle dépose au BBM, sous le n° de dépôt 1000551, la marque verbale STEELGUARD pour désigner des produits de la classe 2, à savoir des couleurs, vernis, laques, préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois, matières tinctoriales, mordants, résines naturelles à l’état brut, métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes, couches de protection de nature similaire à la peinture.
Le 3 juin 2002, le BBM notifie au mandataire d’Ameron, la société Kirkpatrick, un avis de refus provisoire rédigé en ces termes:
Le signe STEELGUARD composé exclusivement des noms génériques STEEL (Anglais pour acier) et GUARD (Anglais pour garde) est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits mentionnés en classe 2 pour autant qu’ils aient trait à garder l’acier.
Par courrier du 13 juin 2002, la société Kirkpatrick conteste la position prise par le BBM.
Suit un échange de correspondances au cours duquel le BBM déclare maintenir sa décision. Le 11 avril 2003, il notifie un refus définitif.
2. Ameron introduit un recours contre cette décision.
Elle demande à la cour d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 1000551 de la marque verbale STEELGUARD pour désigner des couleurs, vernis, laques, préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois, matières tinctoriales, mordants, résines naturelles à l’état brut, métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes, couches de protection de nature similaire à la peinture, en classe 2.
IV. DISCUSSION
3. En vertu de l’article 6 bis, 1, de la LUBM, inséré par le Protocole du 2 décembre 1992 (approuvé par la loi du 11 mai 1995).
« Le Bureau Benelux des Marques refus d’enregistrer un dépôt lorsqu’il considère que a) le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris; (…) »;
Cette disposition doit être interprétée à la lumière des dispositions de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres de l’Union européenne sur les marques.
En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive:
« sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils sont enregistrés:
a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ».
a) les signes qui ne peuvent constituer une marque;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ».
Il suffit que l’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque (CJCE 19 septembre 2002, C-104/00 P, Companyline).
1.- Sur le caractère descriptif (article 3, par. 1, sous c)
4. Le BBM expose que le signe STEELGUARD est composé de deux éléments, STEEL et GUARD, sans aucune adjonction, le signe étant formé par la simple juxtaposition de ces termes. Dès lors qu’en langue anglaise STEEL se traduit par « acier » et GUARD par « garder, protéger », le BBM soutient que le signe STEELGUARD, pris dans son ensemble, sera immédiatement perçu et identifié par le public concerné comme une indication claire que les produits en cause sont destinés à protéger l’acier.
5. Les motifs absolus de refus à l’enregistrement d’une marque doivent être appréciés par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.
Les produits sont les couleurs, vernis, laques, préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois, matières tinctoriales, mordants, résines naturelles à l’état brut, métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes, couches de protection de nature similaire à la peinture. Il s’agit de tous les produits repris dans la classe 2 de l’Arrangement de Nice.
Comme le refus du BBM est total, il vise tous les produits indiqués dans la demande.
Le public pertinent est le consommateur en général qui achète les produits de la classe 2, c’est-à-dire de la peinture ou toutes sortes de couches de protection de nature similaire à la peinture.
Les termes STEEL et GUARD utilisés dans le signe appartiennent à la langue anglaise qui n’est pas une langue courante au Benelux. S’il est vrai qu’un signe ne doit pas nécessairement exister dans une des langues officielles ou parlées au Benelux, il importe cependant de tenir compte de la perception du consommateur. Or, en l’espèce, il n’est pas établi que le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, qui recherche les produits visés ait de l’anglais une connaissance suffisante pour percevoir la signification des mots STEEL et GUARD et que, dans son esprit, le signe, pris dans son ensemble, signifie: « Protège l’acier ». Le fait que ces mots sont repris sur certains sites Internet belges ne constitue pas cette preuve.
Il s’en déduit qu’il ne résulte d’aucun élément concret que le public pertinent perçoive ou puisse percevoir le signe comme vantant une qualité essentielle des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.
Dés lors que le signe ne peut être perçu comme décrivant une caractéristique des produits, l’intérêt général qui sous-tend l’article 3, par. 1, sous c) de la directive n’est pas méconnu s’il est procédé à l’enregistrement de la marque.
La marque n’est donc pas descriptive et rien ne permet d’affirmer qu’elle pourrait le devenir.
Le refus absolu du BBM, en ce qu’il s’appuie sur l’article 3, par. 1, sous c) de la directive, n’est pas fondé.
2. Sur le caractère distinctif (article 3, par.1, sous b)
6. Une marque qui ne se heurte pas au motif de refus énoncé à l’article 3, par. 1, sous c) de la directive n’a pas nécessairement un pouvoir distinctif au sens de la même disposition sous b).
En effet, si une marque n’est pas descriptive au sens du point c), elle n’est pas, de ce fait, nécessairement dinstinctive; il faut encore examiner si, intrisèquement, elle n’est pas visée par la règle inscrite au point b) (J.-J. Evrard, Le caractère distinctif de la marque et son champ de protection in « Les droits intellectuels: développements récents », Larcier 2004, p. 94, n° 29).
7. La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, notamment, arrêts du 23 mai 1978, Hoffmann-La Roche, 102/77, Rec. p. 1139, point 7, et du 18 juin 2002, Philips, C-299/99, Rec. p. I-5475, point 30). L’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement vise ainsi à empêcher l’enregistrement des marques dépourvues du caractère distinctif qui, seul, les rend aptes à remplir cette fonction essentielle. Par ailleurs, eu égard à l’étendue de la protection conférée à une marque par le règlement, l’intérêt général sous-jacent à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque (CJCE 16 septembre 2004, C-329/02P, SAT.2).
Les marques dépourvues de caractère distinctif sont, notamment, celles qui, du point de vue du public pertinent, sont communément utilisées, dans le commerce, pour la présentation des produits ou des services concernés ou à l’égard desquelles il existe, à tout le moins, des indices concrets permettant de conclure qu’elles sont susceptibles d’être utilisées de cette manière. Par ailleurs, de telles marques ne permettent pas au public pertinent de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors d’une acquisition ultérieure (TPI, 20 novembre 2002, T-79/01 et T-86/01, Kit Pro et Kit Super Pro, point 19).
En l’espèce, le BBM ne démontre pas que le signe STEELGUARD est communément utilisé dans le commerce pour désigner des couleurs, vernis, laques, préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois, matières tinctoriales, mordants, résines naturelles à l’état brut, métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes, couches de protection de nature similaire à la peinture, c’est-à-dire les produits pour lesquels l’enregistrement était demandé.
Aucun des sites Internet produits par le BBM, sur lesquels se retrouve le mot STEELGUARD, n’émane du Benelux, sauf celui d’Ameron elle-même, qui présente ses produits. Ils sont tous rédigés en anglais et la plupart d’entre eux sont relatifs aux produits vendus par les sociétés du groupe Ameron ou par des distributeurs de ses produits, telle la société Copas. Certains sites ont même pour objet des portes de sécurité en acier, comme www.steelguard.com.au, ce qui est étranger à la peinture en général.
Par ailleurs, il a déjà été rappelé que le signe est composé de deux mots anglais qui ne peuvent être considérés par le public pertinent du Benelux comme des termes génériques. Pour ce public, le signe ne possède aucune signification particulière et est donc apte à distinguer, à ses yeux, les produits visés de ceux d’une autre provenance.
Il s’en déduit que le signe STEELGUARD, pris dans son ensemble, possède bien un caractère distinctif.
Le recours est fondé.
V. CONCLUSION
Pour ces motifs, la cour,
1. Dit le recours recevable et fondé.
2. Ordonne au Bureau Benelux des marques de procéder à l’enregistrement du dépôt Benelux n° 1000551 de la marque verbale STEELGUARD pour désigner des couleurs, vernis, laques, préservatifs contre la rouille et contre la détérioration du bois, matières tinctoriales, mordants, résines naturelles à l’état brut, métaux en feuilles et en poudre pour peintres, décorateurs, imprimeurs et artistes, couches de protection de nature similaire à la peinture, en classe 2.
3. Met les dépens à charge du BBM
Ces dépens s’élèvent à 237,98 € pour lui et à 186 + 55,78 + 237,98 € pour Ameron.
Ainsi jugé et prononcé en audience civile publicque de la neuvième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 01-06-2006
où étaient présents:
Martine REGOUT, Conseiller, ff. Président,
Henry MACKELBERT, Conseiller,
Els HERREGODTS, Conseiller,
Patricia DELGUSTE, Greffier.
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