La Cour d’appel de BRUXELLES, huitième chambre,
après en avoir délibéré, prononce l’arrêt suivant :
R.G. n° 2003/AR/859
en cause de
La société de droit étranger
GmbH JOHNS MANVILLE EUROPE,
dont le siège social est établi à Ober-Eschbacher-Strasse 109, 61352 Badhomburg, Allemagne, élisant domicile auprès de son conseil,
demanderesse
qui ne comparaît pas en personne ni personne pour elle;
contre
LE BUREAU BENELUX DES MARQUES,
en abrégé BBM, Administration
commune aux pays du Benelux, instituée en vertu de la Convention Benelux en matière de marques de produits, doté de la personnalité juridique, dont le siège est établi aux Pays-Bas, La Haye, Bordewijklaan 15,
défendeur;
représenté par Maître Ludovic De Gryse, avocat à 1060 Bruxelles, rue Henri Wafelaerts 47-51;
Quant à la procédure
01. Par acte introductif d'instance, la cour est saisie en application de l'article 6 ter de la loi uniforme Benelux sur les marques d'une décision portant refus de l'enregistrement d'un dépôt notifiée le 03 février 2003 par le Bureau Benelux des Marques.
02. La requête a été déposée le 03 avril 2003 dans le délai légal et en la forme régulière au greffe de la cour.
03. L’avocat du défendeur a été entendu à l’audience du 14 février 2005.
La demanderesse a fait défaut mais l’arrêt est prononcé contradictoirement à son égard également en application de l’article 747 §2, alinéa 6, du Code judiciaire.
Les faits et l’objet de la demande.
04. La demanderesse a déposé initialement le 03 mai 2000 le signe verbal 'CombiMat' en Allemagne et a effectué ensuite le 26 octobre 2000 un dépôt international en vue de son enregistrement comme marque pour les classes 17, 19 et 24.
Le Benelux a été désigné comme territoire pour lequel la protection est demandée.
Le dépôt international porte le numéro 758703.
05. Les produits pour lesquels la protection de la marque est demandée sont variés et présentent, pour chacune des classes indiquées, un lien avec l’un des types mentionnés dans les classes citées (c’est-à-dire pour 17: rubrique matières à calfeutrer, à étouper et à isoler et matières plastiques mi-ouvrées ; pour 19: matériaux de construction non métalliques, asphalte, poix et bitume ; pour 24 :
24: tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes).
On mentionne ainsi entre autres : matériau de filtration fabriqué en fibre de verre non tissée et en polyester et matériau intermédiaire en ces étoffes destiné à permettre l’adhésion des deux matériaux et destinés entre autres au revêtement de porte ; matériau composite à deux couches ou à couches multiples à base de fibre de verre ou de fibre plastique d’isolation non tissée.
L’énumération comporte aussi la toile de couverture fabriquée en fibres de verre non tissées et en fibres plastiques non tissées, entre autres dans des membranes pour couverture du toit, pour feuille de toiture et revêtement de sol ; membranes ayant la même destination à base de fibres de verre non tissées et de polyester, entre autres pour bitumes de toit ; revêtement de mur et toile de couverture pour murs à base de fibres de verre non tissées et de polyester non tissé ; géotextile fabriqué en fibres textiles non tissées et polyester, matériaux à deux ou plusieurs couches à base de fibres de verre et de fibre plastiques non tissées destinés à la construction.
Pour la classe 24, on indique : matériaux à deux ou plusieurs couches, fabriqués en fibres de verre ou fibres plastiques non tissées, sous la forme d’une toile de couverture non tissée.
06. La procédure administrative devant le Bureau Benelux des Marques – en abrégé le BBM – a été menée en français et en néerlandais.
Par lettre du 01 mars 2002, le BBM a informé le Bureau international de l’OMPI à Genève que l’enregistrement du signe était refusé provisoirement en vertu de l’article 5 de l’Arrangement de Madrid pour le motif suivant (traduction par la cour) : Le signe CombiMat, qui est composé exclusivement de l’abréviation usuelle de ‘combinaison’ et du terme générique 'mat' (terme générique en néerlandais pour ‘couverture’) est dépourvu de caractère distinctif pour les produits dans les classes 17, 19 et 24 dans la mesure où ils se rapportent à des tapis composites (voir article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques, en annexe)
Sous une rubrique IV, il était précisé: 'refus total'. .
Le BBM dénie donc au signe tout caractère distinctif au sens de l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris, premier motif de refus absolu inscrit à l’article 6 bis, alinéa 1er, sous a), de la LBM.
07. Par lettre du 12 août 2002, le mandataire en marques de la demanderesse a introduit une réclamation circonstanciée et motivée contre le refus provisoire.
Il a relevé que la marque a été enregistrée sans problème en Allemagne, alors que l’autorité allemande en matière de marques applique les mêmes principes que le BBM.
Il a été allégué en outre qu’en néerlandais le mot ‘combi’ ne constitue pas l’abréviation de `combinaison', mais bien de 'véhicule combiné'. Il en est déduit que, le cas échéant, la marque serait dépourvue de caractère distinctif pour les tapis de voiture, mais aucune protection n’a été demandée pour ceux-ci. Enfin, il est fait remarquer que le BBM avait accepté différentes marques verbales comprenant le mot ‘combi’ pour des produits dans les classes 17, 19 et 24.
08. Le BBM a fait savoir le 24 octobre 2002 que ses objections n’étaient pas levées et qu’il maintenait ce faisant son point de vue.
Il a souligné que la terminologie du signe verbal ne s’écarte nullement de celle qui est utilisée dans le langage normal des consommateurs concernés et qu’il ne s’écarte pas des règles lexicales : les deux mots ‘combi’ et ‘mat’ ont simplement été accolés. Il a persisté dans sa conviction concernant la signification de l’abréviation ‘combi’ et a exposé que le public concerné percevrait la marque en néerlandais – à la différence de l’allemand – sans ambiguïté comme une description compréhensible des tapis combinés ou à combiner, produits auxquels la marque peut se rapporter.
Enfin, il a considéré qu’il serait extrêmement inopportun que cette indication des produits puisse être monopolisée par une seule entreprise.
La décision définitive de refus a été signifiée le 03 février 2003.
09. La demanderesse avance présentement les objections suivantes contre la décision de refus :
- la motivation de la décision est déficiente : on n’a pas justifié pour chacun des produits et services des classes indiquées pourquoi le signe déposé est dépourvu de caractère distinctif ;
- la protection demandée pour le signe n’est pas limitée aux tapis;
- la décision n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de justice CE concernant le signe exclusivement descriptif et ne motive pas en particulier pourquoi le vocable CombiMat dans son ensemble est purement descriptif,
- le BBM agit arbitrairement lorsqu’il accepte et refuse des signes : il n’a eu aucune difficulté avec des signes tels que Combiwand, Combislips, Combilift, Combi-Dak, Combi-Plaat, Combischroefpaal, Combi-Lood, Combi Sleeper, Combifoon et même Combimat pour des produits de la classe 27 (tapis, tapis de sol, linoléum et autres revêtements de sol, papier peint autre que textile);
- Le BBM méconnaît également à tort le fait que la marque a été enregistrée sans problème en Allemagne.
La demanderesse demande dès lors d’ordonner au BBM de procéder à l’enregistrement de son dépôt pour les classes 17, 19 et 24,
10. Le BBM allègue que conformément à l'interprétation que la Cour de justice CE a donnée de l'article 3, § 1, c) de la directive d'harmonisation, il est tenu de refuser l'enregistrement d'un signe déposé composé de vocables pour défaut de caractère distinctif lorsque:
(a) le signe est composé d’éléments pouvant servir à décrire les produits et services tels que ceux pour lesquels il est déposé ou des caractéristiques de ceux-ci;
(b) il n’y a pas d’écart perceptible entre la combinaison verbale et la formulation utilisée dans le langage courant par le public concerné pour ces produits ou services ou des caractéristiques essentielles de ceux-ci ;
(c) dans l’esprit du public concerné, constitué dans le cas présent par les professionnels du secteur de la construction, il existe un lien suffisamment direct et concret entre le signe et les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé.
11. Le BBM expose encore;
- que la prétendue irrégularité formelle de la décision n’est pas pertinente, étant donné que, même si ce grief était prouvé, la décision de la cour se substitue à celle du BBM, dans la mesure où les décisions seraient illicites quant au fond.
- que la demanderesse n’a pas demandé un enregistrement partiel éventuel pendant l’examen par le BBM et que la cour ne peut apprécier que ce qui était soumis à l’appréciation du BBM ;
- que tout dépôt doit être apprécié sur ses mérites propres de sorte qu’une décision antérieure du BBM ne peut avoir valeur de précédent dans la décision sur un nouveau dépôt ;
- qu’une décision de l’autorité allemande en matière de marques ne peut pas constituer en soi un élément de conviction dans le Benelux,
Appréciation
12. En sa qualité d'autorité en matière de marques dans le Benelux, le BBM ne doit pas effectuer son examen du caractère distinctif in abstracto, mais en tenant compte de tous les faits et circonstances pertinents.
Ces faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération jusqu'au moment où une décision définitive est prise sur la demande.
L'examen doit porter sur chacun des produits ou services et l'autorité en matière de marques peut, le cas échéant, arriver à des conclusions différentes pour les produits et services pris en considération.
S'agissant d'une juridiction saisie d'un recours contre une décision prise par une autorité en matière de marques, elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l'exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable (CJCE, 12 février 2004, en cause Postkantoor, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73).
13. A l'examen de la décision du BBM, il faut avoir à l'esprit qu'il remplit une mission visant l'intérêt général dont la sauvegarde sous-tend chacun des motifs de refus (CJCE, 18 juin 2002 en cause de Philips, C-299/99, n° 77; CJCE 06 mai 2001 en cause de Libertel, C-104/01, point 51 ; CJCE 12 février 2004 en cause de Postkantoor, C-363/99, n° 55).
Le signe doit être donc préservé dans l’intérêt général, le cas échéant, au cas où son attribution au titulaire d’une marque causerait une gêne disproportionnée au détriment de nouveaux opérateurs sur le marché, précisément du fait que le signe accapare des éléments distinctifs qui doivent être à la disposition de chacun.
L’impératif de la concurrence libre et loyale limite dans cette mesure l’octroi à un titulaire potentiel de droits de marque exclusifs et renouvelables indéfiniment sur un signe.
14. Le motif de refus visé à l'article 6bis, sous 1.a, de la LBM – faisant référence à la Convention de Paris -, qui concerne le défaut de caractère distinctif, correspond au motif prévu à l'article 3, § 1, a), de la directive du Conseil CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.
Il doit dès lors être compris dans la signification qui lui a été donnée en droit communautaire par la Cour de justice.
15. Lors de l'examen du caractère distinctif, le signe dont la protection comme marque est demandée doit être considéré tel qu'il est déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l'enregistrement est demandé.
Ceci implique qu'il doit être apprécié en tant que tel dans son intégralité, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels que l'on peut identifier ne peuvent pas former en soi un élément d'appréciation.
S'agissant des signes descriptifs, l'examen de leur signification vaut au surplus dans le langage courant à la lumière de la désignation même des produits et services ou de leurs caractéristiques essentielles.
16. La notion de 'caractère distinctif' doit, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice CE, être comprise en ce sens que la marque doit être apte à permettre d'identifier les produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé comme provenant d'une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d'autres entreprises (CJCE 04 mai 1999, en cause Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49; CJCE 20 juin 1999, en cause Lloyd Shuhfabrik Meyer, C-342/97, point 22; CJCE 18 juin 2002, en cause Philips, C 299/99, point 35; CJCE 08 avril 2003, en cause Linde -Winward/Rado Uhren C-53/01- C-55/01, point 40).
17. Les signes et les indications descriptifs qui ne sont pas admissibles à l’enregistrement comme marque sont donc seulement ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé. (CJCE, 20 septembre 2001, en cause Procter & Gamble, C-383/99, point 39).
Ils peuvent cependant primer le caractère descriptif ainsi compris s'ils sont présentés ou agencés d'une manière qui distingue l'ensemble notablement des modes usuels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles.
Si la présentation du syntagme s'écarte de manière perceptible du mode habituel de désignation des services et que cet écart concerne un aspect important du signe déposé, cet écart confère un élément additionnel permettant à l'ensemble de s'en distinguer (CJCE, 19 septembre 2002 en cause Companyline C-104/00 P, n° 21 et 23; CJCE 12 février 2004 en cause Campina Melkunie, C-265/00, point 41).
18. Dans le cas présent, la demanderesse a déposé le signe verbal ‘CombiMat’ pour des produits et services dans les classes 17, 19 et 24.
Selon le BBM, il s’agit de la jonction du mot abrégé ‘combi’ et du mot ‘mat’, compris dans le sens d’une ‘couverture’.
La demanderesse n’est au demeurant pas d’accord et souligne que les mots ‘combi’ et ‘mat’ que le BBM, selon elle, a tort de distinguer dans le signe, ont chacun différentes significations en néerlandais.
Un ‘combi’ désigne entre autres un véhicule de police et ‘mat’ signifie aussi ‘non brillant’ tandis qu’il peut servir aussi d’abréviation de matériel’.
19. Le signe déposé en tant que tel n’existe pas comme mot dans l’une des langues parlées sur le territoire du Benelux par les consommateurs locaux auxquels le signe s’adresse et ne remplit donc dans le langage courant aucune fonction pour décrire les produits visés selon une caractéristique au sens de l’article 3, § 1, c) de la directive CE sur les marques, ni pour en indiquer les caractéristiques essentielles.
Le signe doit être considéré dans sa globalité, mais ceci n’empêche pas de pouvoir y discerner des mots ou abréviations.
Dans le cas présent, les éléments constitutifs sont indiqués par la présentation même de ces éléments qui sont indiqués chacun par une majuscule.
La présentation elle-même impose la distinction entre ‘combi’ et ‘mat’ et il faut admettre que le client moyen à qui la demanderesse s’adresse avec le signe le reconnaîtra.
20. Parmi les différents produits pour lesquels la marque serait utilisée, il y en a qui présentent un ‘lien complexe’.
C’est le cas des produits dont il est dit qu’ils remplissent une fonction intermédiaire ou une fonction de destination adhésive.
Dans cette mesure, la marque, considérée dans son ensemble, peut servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques de produits et services, en particulier l’espèce et la destination.
21. Dans ce contexte, il n’est pas pertinent que cette caractéristique d’espèce et de destination puisse être présentée d’une autre manière ni que d’autres produits que ceux pour lesquels la protection est demandée puissent être désignés par la marque déposée en fonction de leur espèce ou destination.
La circonstance que la désignation d’une espèce de produits avec la marque n’exclut pas que d’autres espèces puissent être désignées avec elle en fonction d’une des caractéristiques n’enlève en effet rien au caractère exclusivement descriptif du signe.
22. Les signes verbaux dans la marque verbale ne sont pas présentés ou agencés d'une manière telle que, réunis, ils offrent un surplus, comparés aux seuls mots ‘combi’ et ‘mat’ et, ce faisant, ils ne produisent pas une distinction perceptible à l'égard de la combinaison des deux éléments.
On peut difficilement dire des deux majuscules qu’elles concernent comme écart un aspect important du signe.
L’élément additionnel par lequel l’ensemble pourrait se distinguer des éléments qui le composent fait donc défaut et ne permet pas d’obtenir un caractère distinctif sous ce rapport (CJCE 19 septembre 2002 en cause Companyline, et CJCE, 12 février 2004 en cause Campina Melkunie, déjà cités.).
23. Pour les produits mentionnés autres que ceux dans lesquels l’aspect de l’espèce ou de la destination a été identifié ci-dessus, le caractère exclusivement descriptif de la marque dont le BBM fait état ne peut pas être constaté.
A l’égard de ces produits, il n’y aucune raison de dire que le signe ‘CombiMat’ ne pourrait pas servir dans l’esprit du public moyen auquel il s’adresse – en l’espèce les professionnels du secteur de la construction – à distinguer ces produis comme provenant de l’entreprise de la demanderesse.
24. La demanderesse fait grief au BBM de ne pas avoir examiné le caractère distinctif du signe pour chacun des produits pour lesquels la protection en droit des marques est recherchée.
Toutefois, elle n’a pas demandé elle-même, pendant la procédure devant le BBM, d’enregistrer la marque pour des produits pour lesquels le BBM admettrait l’existence d’un caractère distinctif, le cas échéant.
Quant à ce grief, la cour considère ce qui suit :
25. La Cour de Justice Benelux a décidé que la cour d’appel de Bruxelles ne peut pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises (Arrêt du 15 décembre 2003 dans l’affaire VTB/VAB contre le Bureau Benelux des Marques, avec conclusions du premier avocat général J. du Jardin, R.W. 2004-2005,1452).
Toutefois, la Cour de justice CE a décidé dans l’arrêt Postkantoor du 12 février 2004 (points 35, 36 et 73, voir numéro 12 du présent arrêt) lorsque l'enregistrement d'une marque est demandé pour divers produits ou services, l'autorité compétente doit vérifier que la marque ne relève d'aucun des motifs de refus d'enregistrement énoncés à l'article 3, paragraphe 1, de la directive à l'égard de chacun de ces produits ou services et peut aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés.
La Cour de justice CE a considéré encore que s'agissant d'une juridiction saisie d'un recours contre une décision prise sur une demande d'enregistrement d'une marque, elle doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l'exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.
26. Les motifs précités extraits de l'arrêt Postkantoor prescrivent ce faisant que l'autorité en matière de marques doit examiner la demande d'enregistrement pour chacun des produits et services pour lesquels la protection est demandée et qu'elle peut aboutir pour chacun à des conclusions différentes.
Il semble alors conforme à l’interprétation donnée par la Cour de justice que lorsque l’examen individuel aboutit à des conclusions différentes, l’autorité en matière de marques doit l’exprimer dans une décision provisoire de refus et, compte tenu de la position adoptée par le déposant, dans la décision finale, le cas échéant.
27. La cour constate à ce sujet que, dans la version la plus récente (2004) de ses 'Directives en matière de critères de refus des marques pour motifs absolus', le BBM déclare sous la rubrique 15.2):
"(„.) Un refus peut être évité dans certains cas en faisant preuve de circonspection à l'égard du choix des produits et services pour lesquels la protection est demandée. D'autre part, une telle circonspection peut réduire le risque d'opposition. Le BBM fait aussi remarquer qu'il appartient au déposant d'apporter une limitation éventuelle à la liste des produits et services mentionnés lors du dépôt; le BBM ne fera pas, en principe, de propositions à cet égard.”
La pratique ainsi exprimée semble impliquer que le BBM n'exprime pas (toujours) une conclusion éventuellement différente concernant chacun des produits et services.
28. Dans le cas présent, le BBM n'a pas formulé une conclusion finale pour chacun des produits et services distincts mais a affirmé pour la protection demandée dans son ensemble que le signe déposé est dépourvu de caractère distinctif.
Si l’autorité en matière de marques s’abstient de cet examen individuel, sa décision ne semble pas conforme à la mission qui lui est confiée et, partant, n’est pas légalement justifiée.
29. Toutefois, une conséquence de l’interprétation de la loi Benelux sur les marques mentionnée sous le numéro 25 pourrait être qu’en fonction de la réglementation nationale, la cour ne puisse pas prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents.
En effet, un fait pertinent lors de l'appréciation du dépôt semble pouvoir être, entre autres, qu'un motif de refus soit absent pour un produit, mais bien présent pour d'autres qui sont mentionnés dans le dépôt.
D’autre part, la cour serait limitée dans l’exercice de sa compétence par ce qui entre dans le cadre de la décision du BBM lorsque ce qui est soumis n’est pas interprété comme ‘chacun des produits et services en soi’ pour lesquels l’enregistrement est demandé mais l’ensemble de ces produits et services.
30. La question se pose de savoir si cette pratique est compatible avec l’interprétation donnée par la Cour de justice CE.
Sur ce point, la cour a, par un arrêt du 30 mai 2005, posé des questions préjudicielles dans l’affaire `The Kitchen Company' à la Cour de justice CE.
Aussi la cour estime-t-elle qu’avant de statuer plus avant, il y a lieu d’attendre la réponse de la Cour de justice CE aux questions préjudicielles posées par la cour dans l’arrêt cité du 30 mai 2005.
PAR CES MOTIFS:
LA COUR,
Eu égard à l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,
Statuant contradictoirement,
Reçoit la demande,
Suspend la procédure et réserve à statuer plus avant jusqu’à ce que la procédure préjudicielle devant la Cour de justice CE dans l’affaire relative à la combinaison verbale ‘The Kitchen Company’ soit terminée.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de la huitième chambre civile de la cour d’appel
de Bruxelles, le 14 JUIN 2005
Où étaient présents et siégeaient :
P. BLONDEEL, Président,
B.LYBEER, Conseiller,
C.VAN SANTVLIET, Conseiller,
K. BATSELIER, Greffier adjoint ppal.