La COUR D’APPEL DE BRUXELLES
Chambre 18
après délibéré, prononce l’arrêt suivant:
R.G. N°. 2006/AR/1751
EN CAUSE DE:
Société de droit étranger DROUJESTVO S OGRANITCHENA OTGOVORNOST, « STS Holding Group » OOD, dont le siège est établi à 5300 Gabrovo (Bulgarie), Oulitsa « Stancionna » N° 14,
requérante,
Représentée par Maîtres Paul MAEYAERT et Nicolas CLAREMBEAUX, avocats à 1000 BRUXELLES, avenue du Port 86 C boîte 414.
CONTRE:
BUREAU BENELUX DES MARQUES, actuellement OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE (marques et dessins ou modèles), Service Commun aux pays du Benelux, institué par la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (marques et dessins ou modèles), ayant la personnalité juridique de droit international en vertu de l’article 1.4 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle, (ci-après dénommé l’OBPI), dont le siège est établi aux Pays-Bas à 2591 XR La Haye, Bordewijklaan 15,
Partie adverse,
Représenté par Maîtres Ludovic DE GRYSE et Brigitte DAUWE, avocats à 1000 BRUXELLES, Central Plaza, rue de Loxum 25.
La procédure devant la cour
1. Par requête déposée au greffe de la cour le 26 juin 2006, la requérante a introduit un recours formé sur la base de l’article 6ter de la Loi Uniforme Benelux sur les marques contre la « décision de refus du Bureau Benelux des Marques du 26 avril 2006 ». Ce recours tend à « ordonner le Bureau Benelux des Marques de procéder à l’enregistrement du dépôt n° 842691 » et à la condamnation du BBM aux dépens. Dans ses conclusions, le requérant demande qu’il soit « ordonné à l’OBPI de procéder à l’enregistrement du dépôt n° 842691 pour tous les produits concernés », et, « dans la mesure où les motifs de refus seraient retenus pour certaines catégories ou groupes de produits, ordonné l’enregistrement pour ces produits ».
2. Depuis l’entrée en vigueur le 1er septembre 2006 de la Convention Benelux en matière de Propriété Intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005, le BBM est devenu l’OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE (MARQUES ET DESSINS OU MODELES). (OBPI). L’OBPI est l’ayant cause du BBM et a succédé à toutes les obligations de celui-ci.
3. L’OBPI a conclu au non-fondement du recours et à la confirmation de sa décision de refus d’enregistrement du signe verbal LADY STYLE. II poursuit la condamnation de la requérante à l’indemnité de procédure.
4. Les conseils des parties ont été entendus et l’affaire a été prise en délibéré à l’audience du 18 janvier 2008.
5. La prodécure s’est déroulée en langue française conformément à la loi du 15 juin 1935 « sur l’emploi des langues en matière judiciaire ».
La recevabilité du recours
6. Le recours contre le refus définitif du 26 avril 2006 ayant été formé par une requête déposée au greffe de la Cour d’appel de Bruxelles en date du 26 juin 2006, soit dans le délai de deux mois à partir de la première date, ce recours est recevable conformément à l’article 6ter – 1. de La Loi Uniforme Benelux sur les marques (LUBM).
Le droit applicable
7. La Loi Uniforme Benelux sur les marques (LUBM) telle qu’applicable au cas d’espèce disposait:
Article 1er – Sont considérés comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes susceptibles d’une représentation graphique servant à distinguer les produits d’une entreprise. (…)
Article 6bis – 1. Le Bureau Benelux refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère que :
(…)
b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;
c. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit, ou d’autres caractéristiques de celui-ci ;
(…)
4. Si les objections du Bureau Benelux contre l’enregistrement n’ont pas été levées dans le délai imparti, l’enregistrement de la marque est refusé en tout ou en partie. Le Bureau Benelux informe le déposant sans délai et par écrit en indiquant les motifs du refus et en mentionnant la voie de recours contre cette décision, visée à l’article 6ter. Le refus ne devient définitif que lorsque la décision n’est plus susceptible d’appel ou que, le cas échéant, la décision de la juridiction d’appel n’est plus susceptible d’un pourvoi en cassation.
8. Les dispositions de l’article 6bis, premier alinéa sous b. et c. correspondent actuellement aux dispositions de l’article 2.11.1.b. et c. de la Convention Benelux.
La procédure devant le BUREAU BENELUX DES MARQUES (actuellement l’OFFICE BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE).
9. Suite à la demande d’enregistrement international comme marque du signe verbal LADY STYLE dans les classes 03, 05 et 21, le BUREAU BENELUX DES MARQUES (BBM) a communiqué à l’ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE (OMPI), par sa lettre du 13 juillet 2005, son avis de refus provisoire selon l’article 5 de l’Arrangement de Madrid pour les motifs suivants : « Le signe LADY STYLE, composé exclusivement des dénominations génériques lady (anglais pour dame) et style peut servir à désigner, dans le commerce, l’espèce, la qualité et la destination des produits repris en classes 03, 05 et 21. Le signe est dès lors dépourvu de tout caractère distinctif (article 6bis, par. 1er , sous b. et c. de la Loi Uniforme Benelux sur les marques, en annexe) ».
10. Les classes 03, 05 et 21 sont les suivantes :
Parfumerie, cosmétiques, huiles essentielles, savons ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; teintures cosmétiques ; colorants pour cheveux ; laques pour les cheveux ; neutralisants pour permanentes ; préparations pour le nettoyage des dents et des prothèses dentaires ; préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; crème pour blanchir la peau ; préparations cosmétiques pour les soins des cheveux ; produits cosmétiques pour les soins de la peau ; fards ; désodorisants à usage personnel (parfumerie) ; nécessaires de cosmétique ; crèmes cosmétiques ; préparations pour l’ondulation des cheveux ; lotions à usage cosmétiques ; shampooings (classe 3).
Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine ; substances diététiques à usage médical, matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; balsamiques à usage médical ; préparations albumineuses à usage médical ; préparations biologiques à usage médical ; préparations de vitamines ; produits pharmaceutiques pour les soins de la peau ; désinfectants à usage hygiénique ; désodorisants autres qu’à usage personnel ; gommes à mâcher à usage médical ; élixirs (préparations pharmaceutiques) ; préparations enzymatiques à usage médical ; pâte de jujube ; amalgames dentaires ; remèdes contre la transpiration des pieds ; cachets à usage pharmaceutique ; boues médicinales ; pommades à usage médical ; thé médicinal ; herbes médicinales ; lotions à usage pharmaceutique ; préparations médicinales pour la croissance des cheveux ; onguents à usage pharmaceutique ; eaux minérales à usage minéral ; ferments lactiques à usage pharmaceutique ; produits pour le rafraîchissement de l’air ; produits pharmaceutiques contres les pellicules ; préparations chimiques à usage médical (classe 5).
Brosses à dents, à sourcils, à ongles ; instruments d’arrosage ; pulvérisateurs de parfum ; peignes ; étuis pour brosses à dents non en métaux précieux ; boîtes à préparations pour le nettoyage des dents et des prothèses dentaires, non en métaux précieux (classe 21).
11. Le mandataire du déposant, la SA NOVAGRAAF BELGIUM, a contesté l’avis du 13 juillet 2005 par sa lettre du 12 janvier 2006 au BBM, en concluant que « la dénomination combinée de LADY STYLE n’apparaît pas comme un terme approprié pour décrire des produits de beauté et de soins mais comme une invention lexicale consitutant une locution spécifique qu’une entreprise a choisi pour fournir aux consommateurs une identification de ses produits particuliers, nonobstant le caractère générique des deux termes qui la composent. Cette lettre comprend une motivation détaillée de trois moyens invoqués : 1° Le caractère distinctif de la marque « LADY STYLE » doit s’apprécier par rapport aux produits et des services indiqués dans le dépôt, 2° Le caractère distinctif de la marque « LADY STYLE » doit être apprécié in concreto, en tenant compte de toutes les circonstances particulières qui caractèrisent la marque, 3° Il convient également de tenir compte du fait que la marque verbale « LADY IN COLOR » ainsi que la marque figurative « LADY PROTECTOR » ont été acceptées pour enregistrement.
12. Par lettre du 14 mars 2006, le BBM a répondu de manière détaillée au mandataire du déposant, et confirmé son refus provisoire.
13. Se référant à sa lettre du 13 juillet 2005 ainsi qu’au courrier subséquent (soit la lettre du mandataire du 12 janvier 2005 et la réponse du BBM du 14 mars 2006), le BBM a, par sa lettre du 26 avril 2006, refusé le dépôt au sens de l’article 6bis, par. 4 de la Loi Uniforme Benelux sur les marques, ses objections contre l’enregistrement n’ayant pas été levées dans le délai imparti.
La position de l’OBPI
14. L’OPBI réfère dans ses dernières conclusions de synthèse qui « remplacent les précédentes », (i) à l’article 2.11 « Refus pour motifs absolus » de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), signé à La Haye le 25 février 2005, et qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2006 (soit l’ancien article 6bis – 1. LUBM, cité plus haut), (ii) à l’article 3 « Motifs de refus ou de nullité » de la Première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (89/104/CEE), et enfin (iii) à l’article 7 « Motifs absolus de refus » du Règlement (CE) n° 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, à la lumière desquels la loi nationale, soit en l’occurrence la Convention Benelux, doit être interprétée par le biais de l’application de cet article par les juridictions communautaires.
15. Il en déduit qui le contrôle auquel l’OBPI doit procéder suite à un dépôt doit être strict, approfondi et complet et qu’il convient pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration de s’assurer que les marques dont l’usage peut être contesté avec succès devant les juridictions ne soient pas enregistrées. Il ajoute que les différents motifs de refus d’enregistrement doivent être interprétés à la lumière de l’intérêt général, de sorte que des marques dépourvues de caractère distinctif ne peuvent être enregistrées lorsqu’elles ne garantissent pas la fonction essentielle de la marque et que, pour des marques composées exclusivement de signes ou d’indications au sens des dispositions citées, le but d’intérêt général exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous.
16. Il met en exergue que le motif d’enregistrement s’applique dès que le signe, ou l’indication peut servir à désigner des caractéristiques du produit concerné sans qu’il soit nécessaire qu’il soit le mode exclusif de désignation desdites caractéristiques. Il suffit que le signe ou l’indication, en au moins une de ses significations potentielles, désigne une caractéristique. En outre, il est indifférent qu’il existe ou non des synonymes même plus usuels, ou que les caractéristiques qui sont susceptibles d’être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires.
17. Selon l’OPBI, une marque constituée d’un néologisme composé d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques, est elle-même descriptive, sauf s’il existe un écart perceptible entre le nélogisme et la simple somme des éléments qui le composent ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport aux produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications, en sorte qu’il prime la somme desdits éléments. Dans ce cas, selon l’OBPI, le signe acquérerait « une signification propre ».
18. Une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques des produits ou services est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif.
19. En appliquant ces déductions au signe « LADY STYLE », l’OPBI conclut que les deux mots qui composent ce signe sont manifestement des termes pouvant désigner des qualités, les propriétés ou les caractéristiques des produits concernés : il s’agit de tous les produits qui permettent à une femme d’avoir du style, à savoir les produits destinés à des « ladies » ou « des femmes (voulant se présenter comme des femmes) d’un certain rang ». Le public concerné perçoit les mots composant le signe comme des références au moins possibles aux produits pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ces termes doivent rester à la disposition de tous et ne peuvent, pour les produits en question, être appropriés à titre exclusif par une seule entreprise. Le fait d’accoler ces deux mots descriptifs n’ajoute rien à la simple somme et ne donne à l’ensemble, selon l’OBPI, aucune « signification propre » qui en ferait un signe autonome non descriptif : l’ensemble est parfaitement correct d’un point de vue grammatical et les mots restent dès lors descriptifs et donc dépourvus de tout caractère distinctif. Il n’existe pas un quelconque écart perceptible qui, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits et services, crée, une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte que cet ensemble primerait la somme desdits éléments en acquérant, selon l’OPBI, une « signification propre », et qu’il serait désormais autonome et non descriptif par rapport aux éléments qui le composent.
La position de la requérante
20. La requérante ne conteste pas qu’il y ait un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs pour refuser l’enregistrement, et notamment, d’une part, le refus pour manque de caractère distincitf, et, d’autre part, le refus en raision du caractère descriptif, de sorte qu’un signe qui est descriptif est, de ce fait, nécessairement dépourvu de caractère distinctif.
21. Selon la requérante, il convient pour apprécier le caractère distinctif d’avoir égard à l’impression d’ensemble produite par le signe, sans qu’il soit subordonné à la constatation d’un certain niveau de créativité ou d’imagination linguistique ou artistique de la part du titulaire. Un caractère distinctif minimal suffit ; il suffit que la marque permette au public pertinent d’identifier l’origine des produits ou des services protégés et de les distinguer des autres entreprises. Dans la mesure où l’OBPI n’invoque l’absence de caractère distinctif que pour le seul motif que le signe est descriptif, la requérante ne développe pas plus amplement ce moyen et se limite à développer ses arguments concernant le caractère non-descriptif du signe « LADY STYLE ».
22. La requérante prétend que l’OBPI est resté en défaut d’examiner le signe dans son ensemble et qu’il n’a pas expliqué pourquoi l’impression d’ensemble est habituelle en rapport avec les produits concernés ni pourquoi l’impression d’ensemble est (trop) proche des caractéristiques de ces produits.
23. Elle prétend aussi que l’OBPI n’a pas décrit le prétendu lien entre le signe et les produits concernés. L’OBPI ne démontre pas qu’il y aurait un rapport direct et concret entre le signe et les produits de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion une description de chacun des produits concernés.
24. Selon la requérante, l’OBPI n’aurait pas tenu compte du public pertinent à savoir le consommateur moyen, à tout le moins normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Ce public n’est certainement pas exclusivement un public féminin, puisqu’il s’agit de produits de consommation courante, de sorte que le public à prendre en compte est le grand public.
25. L’OBPI n’aurait pas non plus tenu compte du territoire concerné, à savoir le Benelux.
26. La requérante conteste que les caractéristiques invoquées par l’OBPI soient des caractéristiques essentielles, en y ajoutant que la notion de caractéristique essentielle n’a jamais été abandonnée par la jurisprudence tant nationale que communautaire.
27. L’OBPI ne démontre pas que le signe désignerait de manière spécifique, non vague et objective les caractéristiques que l’OBPI prête à chacun des produits concernés. Il n’est en effet aucunement établi que le terme « LADY STYLE » pris dans son ensemble est une dénomination générique ou habituelle pour des produits qui permettent à une femme d’avoir du style et qui seraient destinés aux femmes voulant se présenter comme des femmes d’un certain rang.
L’appréciation par la cour
28. Les prescrits de l’article 6 LUBM correspondent aux dispositions de l’article 2.11 Convention Benelux ainsi qu’aux dispositions de l’article 3 de la Première Directive ; ils sont similaires aux dispositions de l’article 7 du Règlement. Ils doivent être interprétés à la lumière de la jurisprudence communautaire européenne sur la portée des dispositions de la Première Directive et du Règlement précités.
29. Il convient d’interpréter les différents motifs de refus d’enregistrement à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre aux (CJCE, arrêt du 18 juin 2002 dans l’affaire C-299/99 Koninklijke Philips Electronics NV contre Remington Consumer Products Ltd, n° 77 ; CJCE, arrêt du 6 mai 2003 dans l’affaire C-104/01 Libertel Groep BV contre Benelux-Merkenbureau, n° 51 ; CJCE, arrêt du 19 avril 2007 dans l’affaire C- 273/05 P OHMI contre Celltech R&D Ltd, n° 74). Il importe également de rappeler que chacun des motifs de refus d’enregistrement est indépendant des autres et exige un examen séparé (CJCE, arrêt du 16 septembre 2004 dans l’affaire C-329/02 P SAT.1 Satellitenfernsehen GmbH contre OHMI, n° 25).
30. Le refus à l’enregistrement des marques descriptives, à savoir les marques composées exclusivement de signes (ou indications) pouvant servir pour désigner les caractéristiques des catégories de produits (ou services) pour lesquelles cet enregistrement est demandé, poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes (ou indications) descriptives des catégories de produits (ou services) pour lesquelles l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous (y compris en tant que marques collectives ou dans des marques complexes ou graphiques), ce qui empêche, dès lors, que de tels signes (ou indications) soient réservés à un seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (CJCE, arrêt du 4 mai 1999 dans les affaires jointes C-108/97 et C-109/97 Windsurfing Chiemsee Produktions – und Vertriebs GmbH contre Boots- und Segelzubehör Huber et Frans Attenberger, n°s 24 et 25). L’intérêt général implique que tous les signes (ou indications) pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits (ou services) pour lesquels l’enregistrement est demandé soient laissés à la libre disposition de toutes les entreprises afin qu’elles puissent les utiliser en décrivant les mêmes caractéristiques de leurs propres produits ; les marques composées exclusivement de tels signes (ou indications) ne peuvent faire l’objet d’un enregistrement (CJCE, arrêt du 12 février 2004 dans l’affaire C-363/99 Campina Melkunie BV contre Benelux-Merkenbureau, ° 55).
31. Il en est de même pour le caractère distinctif d’une marque qui constitue une des conditions générales exigées pour l’enregistrement d’une marque, à savoir que celle-ci soit apte à identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (CJCE, arrêt du 18 juin 2002 dans l’affaire C-299/99 Koninklijke Philips Electronics NV contre Remington Consumer Products Ltd, n° 35 ; CJCE, arrêt du 4 mai 1999 dans les affaires jointes C 108/97 et C-109/07 Windsurfing Chiemsee Produktions- und Vertriebs GmbH contre Boots-und Segelzubehör Huber et Frans Attenberger, n° 46 ; CJCE, arrêt du 8 avril 2003 dans les affaires jointes C-53/01 et C-55/01 Linde AG, Winward Industries Inc. Et Rado Uhren AG, n° 40). La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit (ou du service) désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit (ou ce service) de ceux qui ont une autre provenance ; le prescrit que la marque doit revêtir un caractère distinctif vise ainsi à empêcher l’enregistrement des marques dépourvues du caractère distinctif qui, seul, les rend aptes à emplir cette fonction essentielle (CJCE), arrêt du 16 septembre 2004 dans l’affaire C-329/02 P SAT.1 Satellitenfernsehen GmbH contre OHMI, N° 23).
32. La juridiction nationale doit apprécier globalement l’aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits (ou services) pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits (ou services) de ceux d’autres entreprises (CJCE, arrêt du 22 juin 1999 dans l’affaire C-342/97 Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co. GmbH contre Klijsen Handel BV, n° 22).
33. Un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, si en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits (ou services) concernés (CjCE, arrêt du 23 octobre 2003 dans l’affaire C-191/01 P OHMI contre Wm. Wrigley Jr. Company, n° 32 ; CJCE, arrêt du 12 février 2004 dans l’affaire C-265/00 Campina Melkunie BV contre Benelux-Merkenbureau, n° 38).
34. Pour apprécier si une marque est susceptible de protection, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de fait, à savoir tous les faits et circonstantes pertinents (CJCE, arrêt du 12 février 2004 dans l’affaire C-363/99 Koninklijke KNP Nederland NV contre Benelux-Merkenbureau, n°s 29 et 30 et 35).
35. Lorsque l’autorité compétente examine une demande d’enregistrement d’une marque et, à cet effet, doit déterminer, notamment, si la marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, est ou non descriptive des caractéristiques des produits (ou service) concerné, ou est ou non devenue générique, elle ne saurait procéder à un examen in abstracto (CJCE, arrêt du 12 février 2004 dans l’affaire C-363/99 Koninklijke KNP Nederland NV contre Benelux-Merkenbureau, n° 31), Dès lors que l’enregistrement d’une marque est toujours demandé pour les produits (ou services) mentionnés dans la demande d’enregistrement, la question de savoir si la marque relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement doit être appréciée in concreto par rapport à ces produits (ou services) (CJCE, arrêt du 12 février 2004 dans l’affaire C-363/99 Koninklijke KPN Nederland NV contre Benelux-Merkenbureau, n° 33 ; CJCE, arrêt du 15 février 2007 dans l’affaire C-239/05 OHMI contre Celltech R&D Ltd, n° 31).
36. Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits (ou services) concernés, et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits (ou services), normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE, arrêt du 12 février 2004 dans l’affaire C-363/99 Koninklijke KPN Nederland NV contre Benelux-Merkenbureau, n° 34). Lorsque la demande concerne des produits (ou des services) destinés à l’ensemble des consommateurs, il faut estimer que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif (CJCE, arrêt du 6 mai 2003 dans l’affaire C-104/01 Libertel Groep BV contre Benelux-Merkenbureau, n° 46 ; CJCE, arrêt du 16 septembre 2004 dans l’affaire C-329/02 P SAT.1 Satellitenfernsehen GmbH contre OHMI, n° 24). Il doit être démontré par l’autorité compétente que le public pertinent établira immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre les produits et le signe verbal (TPICE, arrêt du 14 avril 2005 dans l’affaire T-260/03 Celltech R&D Ltd contre OHMI, n° 38).
37. L’objet de l’interdiction de l’enregistrement comme marque de signes (ou indications) exclusivement descriptifs est d’éviter que soient enregistrés comme marques des signes (ou indications) qui, en raison de leur identité avec des modalités habituelles de désignation des produits (ou services) concernés ou leurs caractéristiques, ne permettraient pas de remplir la fonction d’identification de l’entreprise qui les met sur le marché et seraient donc dépourvus du caractère distinctif que cette fonction suppose. Les signes descriptifs sont seulement ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques, un produit (ou un service) tel que celui pour lequel l’enregistrement est demandé. S’agissant de marques composées de mots, un éventuel caractère descriptif doit être constaté non seulement pour chacun des termes pris séparément mais également pour l’ensemble qu’ils composent. Tout écart perceptible dans la formation du syntagme proposé à l’enregistrement par rapport à la terminologie employée, dans le langage courant de la catégorie des consommateurs concernée, pour désigner le produit (ou le service) ou leurs caractéristiques est propre à conférer à ce syntagme un caractère distinctif lui permettant d’être enregistré comme marque. (CJCE, arrêt du 20 septembre 2001 dans l’affaire C-383/99, Proctor & Gamble Company contre OHMI, n°s 39 à 40).
38. La requérante a déposé le signe « LADY STYLE » pour les produits repris sous les classes 03, 05 et 21, à savoir des produits pharmaceutiques, cosmétiques, médicinaux, de beauté et de soins corporels. Le signe comporte deux mots, sans aucun graphisme, ni couleur ou élément graphique.
39. Le pouvoir distinctif de ce signe, c’est-à-dire son aptitude à distinguer les produits concernés dans leur provenance de l’entreprise de la requérante des produits concurrents, doit être apprécié par rapport à l’impression globale que ce signe fait sur le public pertinent pour ces produits.
40. En l’occurrence le public concerné est le public très large puisqu’il s’agit de produits de consommation courante.
41. Le signe « LADY STYLE » n’étant pas un signe qui s’impose pour définir les produits concernés ou leur(s) caractéristique(s) dans les langues du Benelux mais bien un signe composé de deux mots de langue anglaise, il peut en soi susciter auprès du public concerné la perception d’un signe utilisé comme signe distinctif.
42. Le fait que ces deux mots, dans leur signification usuelle, présentent un caractère banal par rapport aux produits en cause et qu’ils ne sont dès lors pas le résultat d’une recherche de fantaisie, ne prive pas en soi le signe de toute aptitude à distinguer les produits comme provenant d’une entreprise.
43. Le signe pourrait dès lors remplir la fonction d’une marque, sous réserve de l’examen de son caractère descriptif.
44. Bien que les sens des mots en langue anglaise composant le signe « LADY STYLE » puissent, pris séparément, être compris par les consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés du Benelux, comme étant, d’une part, « dame » (en néerlandais et en français), et, d’autre part, « style » (en français) ou « stijl » (en néerlandais), la combinaison de ces deux mots « LADY STYLE » ou « DAME STYLE » ou « DAME STIJL » crée un tout que ne correspond pas, dans l’esprit des consommateurs, à une description d’une caractéristique concrète et objective des produits concernés, à savoir des produits cosmétiques, pharmaceutiques, médicinaux, de beauté et/ou de soins.
45. Dans le langage habituel le signe « LADY STYLE » ou « DAME STYLE »ou « DAME STIJL » ne désigne ni les produits concernés, ni une ou plusieurs caractéristiques de ces produits.
46. L’impression globale que le signe évoque auprès des consommateurs est suffisamment éloignée de la description concrète d’une ou de plusieurs caractéristiques des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé. Dans la perception globale le signe n’est pas associé, par les consommateurs concernés, aux produits concernés.
47. Tout ceci est d’autant plus vrai qu’il résulte de l’énumération des produits repris aux trois classes visées que pour chacune des classes le public concerné est bien le plus grand public des consommateurs de produits cosmétiques, pharmaceutiques, médicinaux, de beauté et/ou de soins corporels (voir plus haut, l’énumération des produits).
48. Le fait qu’une recherche sur internet via le moteur de recherche Google donne 168.000 résultats sur le terme « LADY STYLE » ne rapporte pas la preuve qu’il y ait un lien direct, immédiat et objectif, tel que perçu par le public pertinent, entre le signe et les produits concernés dans le cas d’espèce.
49. Le public pertinent n’établira dès lors pas immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre les produits concernés et le sens du signe qui n’est qu’évocateur d’une image imprécise quant à une manière de se présenter ou de s’exprimer. Il ne reconnaîtra donc pas le signe comme descriptif des produits concernés.
50. Il faut enfin constater que l’OBPI ne fait pas état d’un motif absolu de refus d’enregistrement distinct de celui qui résulte selon lui du caractère descriptif des éléments qui composent la marque. En effet, l’OBPI considère seulement que le signe étant descriptif, il est nécessairement non distinctif.
51. Le signe n’étant pas descriptif, la prétention d’absence de caractère distinctif déduit du fait que le signe est descriptif, est non fondée.
52. Pour tous ces motifs, le signe « LADY STYLE » pris dans son ensemble n’est pas descriptif des produits des classes 03, 05 et 21 aux yeux du public pertinent et il ne donne lieu a aucun des motifs de refus invoqués par l’OBPI, de sorte qu’il doive être enregistré comme marque.
53. A l’audience du 18 janvier 2008, les conseils des parties ont demandé une indemnité de procédure de 1.200 euros, soit le montant de base de l’indemnité de procédure pour les actions portant sur des affaires non évaluables en argent, et ceci conformément à l’article 3 de l’arrêté royal « fixant le tarif des indemnités de procédures visées à l’article 1022 du Code Judiciaire et fixant la date d’entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat ».
54. Cette demande est justifiée en ce qui concerne la demanderesse.
Par ces motifs,
La Cour,
Vu la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire ;
Statuant contradictoirement,
Dit le recours recevable et fondé.
Ordonne l’OBPI de procéder à l’enregistrement dans le registre des marques Benelux du dépôt international effectué le 4 août 2004 sous le numéro 842691 de la marque « LADY STYLE ».
Condamne l’OBPI aux dépens, taxés à € 186,00 pour la mise au rôle de la requête.
Condamne l’OBPI au paiement à la requérante d’une indemnité de procédure de € 1.200.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique civile de la 18ième chambre de la Cour d’appel de Bruxelles le 9 MAI 2008
Où étaient présents :
Monsieur P. BLONDEEL, Président
Madame C. SCHURMANS, Conseiller
Monsieur K. MOENS, Conseiller
Madame L. NAESSENS, Greffier-adjoint principal