Numéro de requête 2007/AR/705

Date
Instance
REC BE
Marque
IUS
Numéro de dépôt
Déposant
DE SMET Arvid
Texte

No. de la requête: 2007/AR/705

Prononcé: 13.10.2009

La COUR D’APPEL DE BRUXELLES, 18e CHAMBRE

Après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant/

R.G. N° 2007/AR/705

DANS LA CAUSE DE :

DE SMET Arvid, avocat, domicilié à 9960 ASSENEDE, Hollekenstraat 4,
demandeur,
présent en personne et représenté par Me DE RUYCK Alain, avocat à 9820 MERELBEKE, Hundelgemsesteenweg 642,

CONTRE :

L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, dont le siège est à 2591 XR La Haye (PAYS-BAS), Bordewijklaan 15, représentée par le Directeur général de l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle.
défenderesse,
Représentée par Me DAUWE Brigitte, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,


Vu la décision portant refus de l’enregistrement de la marque verbale « IUS » pour les classes 35 et 42 qui a été prise par l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (ci-après « OBPI ») le 10 janvier 2007 ;

Vu la requête par laquelle est formé un recours qui, régulier en la forme, a été déposé à temps le 9 mars 2007 pour monsieur De Smet au greffe de la cour ;

Vu les conclusions déposées pour les parties ;

Entendu l’exposé oral des conseils des parties ;

Vu les pièces justificatives déposées pour les parties.


I. LES ANTECEDENTS DU LITIGE ET LA DEMANDE.

1. Monsieur De Smet a déposé le 6 janvier 2006 la marque verbale « IUS » auprès de l’OBPI pour les classes administratives de services suivantes :

- classe 35 : publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; services administratifs ;
- classe 42 : services scientifiques et technologiques, ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; services d’analyses et de recherches industrielles ; conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; services juridiques.

La marque verbale prémentionnée a été enregistrée le 16 janvier 2006 en application de la procédure accélérée visée à l’article 2.18 de la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (ci-après « CBPI »).


2. Par lettre du 2 mars 2006, l’OBPI annonce à monsieur De Smet son intention de radier l’enregistrement de la marque pour le motif suivant :

« Le signe IUS (latin pour droit) est descriptif pour les services mentionnés dans les classes 35 et 42 qui se rapportent aux affaires juridiques. En effet, le signe peut servir à désigner l’espèce, la qualité, la destination des services mentionnés dans ces classes. Le signe est dès lors dépourvu de caractère distinctif (article 6 bis, alinéa 1er, sous b et c, de la loi uniforme Benelux sur les marques, en annexe). »

Monsieur De Smet a, par lettre du 24 mars 2006, fait connaître ses objections à l’OBPI au sujet de la radiation envisagée de l’enregistrement de la marque « IUS ».

Par lettre du 12 mai 2006, la décision provisoire de l’OBPI a été confirmée et la réclamation de monsieur De Smet a été rejetée.

Nonobstant la lettre de monsieur De Smet du 31 août 2006, les objections de l’OBPI contre l’enregistrement de la marque verbale « IUS » n’ont pas été levées et son enregistrement a été, par conséquent, radié conformément à l’article 2.11, 4. de la CBPI.


3. Le recours de monsieur De Smet vise à :

- entendre annuler la décision de l’OBPI portant refus de l’enregistrement de la marque verbale « IUS » pour les classes 35 et 42 ;
- entendre ordonner à l’OBPI de procéder à l’enregistrement de la marque verbale « IUS » pour les classes 35 et 42 ou, le cas échéant, pour l’une de ces deux classes, au nom de monsieur De Smet ;
- entendre condamner l’OBPI aux dépens, en ce compris l’indemnité de procédure fixée à 1.200 euros.

L’OBPI demande à la cour :

- de déclarer le recours de monsieur De Smet non fondé ;
- de déclarer non fondée la demande visant l’annulation de la décision de l’OBPI et visant à entendre la cour ordonner de ne pas radier l’enregistrement de la marque verbale « IUS », portant le numéro de dépôt 1099671 ;
- de débouter dès lors monsieur De Smet et de le condamner aux dépens, en ce compris l’indemnité de procédure fixée à 1.200 euros.


II. DISCUSSION

La décision attaquée et les principes généraux

4. La décision attaquée de l’OBPI est basée sur les motifs de refus mentionnés à l’article 2.11.1, b et c, de la CBPI.

En vertu de l’article 2.11, alinéa 1er, de la CBPI, ancien article 6 bis, alinéa 1er, de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après « LBM »), l’OBPI refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère, entre autres :

« a. le signe ne peut constituer une marque au sens de l’article 2.1, alinéas 1 et 2 ;
b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;
c. la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;
[…] ».



5. Les dispositions de l’article 2.11.1, b et c, de la CBPI correspondent à celles de l’article 3.1 b) et c) de la première directive n° 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, remplacée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 octobre 2008 (ci-après « directive d’harmonisation ») et à l’article 7.1 b) et c) du Règlement (CE) n° 40/94 sur la marque communautaire (remplacé par le Règlement n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, qui est entré en vigueur le 13 avril 2009 – J.O. 24 mars 2009 L 78/1 et suivantes – et dont l’article 7.1 b) et c) correspond à l’article 7.1. b) et c) du règlement (CE) n° 40/94).

La CBPI doit être interprétée conformément à cette directive d’harmonisation. L’examen de la demande de monsieur De Smet tiendra compte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après « CJCE ») dans laquelle la directive d’harmonisation et le règlement sont interprétés.


6. La CJCE a indiqué que chacun des motifs de refus absolus énumérés à l’article 3 paragraphe 1 de la directive d’harmonisation et à l’article 7.1 du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire – qui contient des dispositions identiques – est indépendant des autres et exige un examen séparé (CJCE arrêt du 21 octobre 2004 OHMI/ Erpo Möbelwerk GmbH (DAS PRINZIP DER BEQUEMLICHKEIT), C-64/02 P point 39).


7. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (CJCE arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C-456/01 P et C-457/01 P, points 45 et 46 ; CJCE arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C-329/02 P, points 25).

L’intérêt général qui sous-tend l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive d’harmonisation se confond avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service identifié par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance et cet intérêt général vise la nécessité de ne pas restreindre indûment la disponibilité de signes d’une certaine catégorie pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (CJCE arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI), C-329/02 P, points 26 et 27).

L’intérêt général sous-jacent à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive d’harmonisation et à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 qui est identique, vise la nécessité de permettre que des signes ou indications descriptives des caractéristiques de produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, en ce sens, CJCE arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/ Wm.Wrigley (DOUBLEMINT), C-191/01 P, point 31 ; CJCE arrêt du 4 mai 1999, WINDSURFING CHIEMSEE, C-108/97 et C-109/97, point 25 ; CJCE arrêt du 8 avril 2003, Linde e.a., C-53/01 à C-55/01, point 73).


8. Les motifs absolus de refus à l’enregistrement d’une marque doivent être appréciés par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE 25 octobre 2007, Develey Holding/OHMI, C-238/06, www.curia.eu.int point 79).


9. L’OBPI soutient à bon droit que l’appréciation de la cour concernant sa décision attaquée concerne les catégories de services dans leur ensemble et toutes les classes pour lesquelles l’enregistrement est demandé.

L’OBPI n’est pas tenu et n’est pas compétent pour enregistrer la marque uniquement pour les produits ou services pour lesquels il n’est pas démontré que la marque « IUS » serait descriptive, si le déposant n’en a pas fait la demande. L’OBPI doit refuser la marque lorsqu’elle est descriptive pour certains des produits et services concernés ou est dépourvue de caractère distinctif.


Du défaut de caractère distinctif de la marque verbale « IUS » allégué par l’OBPI (article 2.11.1 b CBPI) :

10. Le caractère distinctif fait défaut si le public pertinent ne peut percevoir dans le signe une indication de l’origine commerciale des produits (CJCE arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus) T-360/00, point 30). Comme indiqué ci-avant, un signe fait preuve du caractère distinctif requis, lorsqu’il est apte ou se prête à identifier les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises (CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey Holding/OHMI, C-238/06, point 79, www.curia.eu.int, farde III – B1 de l’OBPI)

La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine des produits ou des services identifiés par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (voyez entre autres CJCE 29 septembre 1998, CANON, Rec. 1998, I-5507, point 28 ; CJCE 4 octobre 2001, MERZ & KRELL, C-517/99, point 22). L’article 3 paragraphe 1, sous b, de la directive d’harmonisation vise ainsi à empêcher l’enregistrement de marques dépourvues du caractère distinctif qui est seul à leur permettre de remplir cette fonction essentielle.

11. L’appréciation du caractère distinctif ne peut s’effectuer in abstracto mais doit s’effectuer in concreto. Il faut tenir compte de tous les faits et circonstances pertinents et des particularités du cas d’espèce (C.J.C.E., 12 février 2004, KPN/BBM, C-363/99, points n° 29-37 ; conclusions de l’avocat général COLOMER, 31 janvier 2002, C-363/99, KPN Nederland/BMB (POSTKANTOOR), points n° 41-42).

Lors de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents et notamment les qualités intrinsèques de la marque, y compris le fait qu'elle est ou non dénuée de tout élément descriptif des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée. (CJCE 22 juin 1999, en cause Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co GmbH/KLIJSEN HANDEL BV, C-342/97, point 28)

Les marques dépourvues de caractère distinctif sont, notamment, celles qui, du point de vue du public pertinent, sont communément utilisées, dans le commerce, pour la présentation des produits ou des services concernés ou à l’égard desquelles il existe, à tout le moins, des indices concrets permettant de conclure qu’elles sont susceptibles d’être utilisées de cette manière. Par ailleurs, de telles marques ne permettent pas au public pertinent de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors d’une acquisition ultérieure (TPI, 20 novembre 2002, T-79/01 et T-86/01, Kit Pro et Kit Super Pro, point 19).

Dans le cadre de l’examen a priori du caractère distinctif d’un signe, l’aptitude du signe à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise est d’une importance décisive. Le refus de l’enregistrement suppose donc le constat qu’il apparaît raisonnablement exclu que le signe en cause puisse être jugé apte à distinguer, dans l’esprit du public cible, les produits et services visés de ceux d’une autre provenance, lorsque le public est appelé à faire un choix dans le commerce.

12. Selon l’OBPI, le public pertinent en relation avec les services juridiques, compris en classe 42, est constitué du consommateur qui est à la recherche d’une assistance/avis juridique, ainsi que le monde juridique en général. Les autres services en classe 42 et les services en classe 35 sont par nature destinés à un usage général, selon l’OBPI.

Monsieur De Smet conteste que le public pertinent des services qu’il offre soit constitué « du monde juridique », dont (entre autres) les avocats ou notaires. Il soutient que les services qu’il fournit via l’Internet, entre autres via les sites web www.echtscheidingen-online.be, www.divorce-online.be, www.advokatuur.be, www.advocaat-bemiddelaar.be et www.alimentatie-online.be, consistent à fournir :

« - des documents de divorce en ligne pour tout justiciable qui veut divorcer par consentement mutuel en Belgique ;
- des avis en ligne par un cabinet d’avocats pour tout justiciable ».


Monsieur De Smet décrit le public pertinent pour les services fournis par lui comme étant :

- le consommateur moyen utilisant Internet qui veut divorcer par consentement mutuel en Belgique ou veut obtenir des informations sur le divorce ;
- le consommateur justiciable moyen utilisant Internet qui est à la recherche d’un avis juridique en Belgique.

La cour considère in concreto, vu les services offerts par monsieur De Smet, qui ne font en soi l’objet d’aucune contestation entre les parties, que monsieur De Smet vise l’enregistrement de la marque « IUS » entre autres pour des services juridiques (classe 42) et pour des services apparentés comme la publicité et l’administration commerciale en rapport avec les services juridiques, destinés au justiciable moyen qui a des liens avec la Belgique et est à la recherche d’informations concernant les divorces via Internet et non au « monde juridique » ou au juriste professionnel, comme le prétend l’OBPI.

L’OBPI allègue à tort que monsieur De Smet reconnaît implicitement qu’il tenir compte également du monde juridique en général, étant donné qu’il avance dans sa requête que le latin n’est d’un usage courant par ses concurrents à l’intention de leur public cible moyen, justement parce que le public cible moyen ne comprend effectivement pas le latin. En effet, il ressort suffisamment de la lecture de la requête de monsieur De Smet que cette prétention a été uniquement exprimée pour démontrer que son public cible n’est pas familiarisé avec le latin, parce qu’il n’est pas d’un usage courant à l’égard de ce public cible.

La connaissance du latin par d’autres avocats que monsieur De Smet, par des cabinets d’avocats et par d’autres qui font partie du monde juridique, n’est dès lors pas pertinente dans le cadre de l’examen de la décision contestée au regard de l’article 2.11.1 sous c de la CBPI. Les éléments de la cause font apparaître suffisamment que le justiciable normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui est à la recherche d’informations concernant les divorces via Internet et a un lien avec la Belgique constitue en l’espèce le « public pertinent » ou « le consommateur ».

13. La recherche effectuée par l’OBPI au moyen du moteur de recherche Google ne prouve pas ce qu’affirme l’OBPI, à savoir que le mot « IUS » est un mot banal ou usuel dans le langage ordinaire.

Le signe « IUS » n’est pas non plus un signe purement descriptif (cf. infra). Il apparaît plausible que le signe « IUS » constitue une notion abstraite dans le chef du public pertinent, sans avoir une signification manifeste pour ce public. Sur le plan cognitif, il peut d’ailleurs être perçu avec un contenu sonore variable selon que la première et la seconde lettre sont prononcées (son i-versus j et son u-versus ou).

Il n’apparaît pas raisonnablement exclu que le signe « IUS » soit apte à distinguer, auprès du public pertinent (cf. paragraphe 13), les services visés provenant de monsieur De Smet de ceux d’une autre provenance, lorsque le public est appelé à faire un choix entre les services offerts qui ont une provenance différente.

Ce signe n’est donc pas dépourvu du caractère distinctif qui lui permet de remplir la fonction essentielle d’une marque.

L’OBPI a dès lors considéré à tort que le signe litigieux tombe sous la définition de l’article 2.11.1 sous b de la CBPI.


Du caractère descriptif de la marque verbale « IUS » allégué par l’OBPI (article 2.11.1 sous c de la CBPI) :

14. L’OBPI soutient que le consommateur dans le Benelux est suffisamment familiarisé avec la langue latine pour comprendre le contenu descriptif du signe litigieux. A l’appui de sa thèse, l’OBPI évoque des termes latins qui sont utilisés selon lui dans le langage courant comme : optimum, pro deo, plus, pro, focus, lex.

L’OBPI ne démontre pas et ne réussit pas non plus à rendre plausible que le mot « IUS », à l’instar des mots latins précités incorporés au néerlandais, fait partie du « langage courant » du public pertinent qui, comme la cour l’a déjà constaté, est constitué en l’espèce du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé des services concernés. Il n’est pas prouvé ni rendu plausible que ce public cible connaît le latin (cf. TPI, arrêt du 12 mars 2008, en cause Compagnie SAS/OHMI, T-341/06, point 39).

La référence que l’OBPI fait au nom commercial ou à la raison sociale de divers cabinets d’avocats dans lesquels le terme « IUS » ou « LEX » est utilisé n’est pas convaincante. Que des cabinets d’avocats jugent nécessaire de relever expressément le lien entre le mot « IUS » et la prestation de services juridiques (mot qui est pourtant dérivé de « IUS ») montre que le lien entre les deux n’est pas évident. Le fait que les cabinets d’avocats cités expliquent formellement leur choix d’un nom montre que celui-ci n’est pas forcément compris par le public cible de ces cabinets.

La connaissance que le public pertinent a du latin, qui est une langue morte, ne peut pas être forcément supposée. Il n’est pas démontré de manière convaincante ni rendu plausible (que ce soit par la recherche effectuée par l’OBPI au moyen du moteur de recherche Google ou d’une autre manière) que le signe « IUS » est un concept qui est devenu partie intégrante du patrimoine linguistique universel du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé des services concernés et que ce consommateur connaît ainsi suffisamment la signification de ce signe/mot.

Les considérations des parties concernant la prononciation phonétique de « IUS » n’enlèvent rien à ce qui précède.

15. Il n’est donc pas démontré que le terme « IUS » devrait rester disponible dans l’intérêt général pour les services revendiqués par le demandeur.

Indépendamment du régime des langues dans le Benelux, on ne peut pas admettre en l’espèce que le signe « IUS » soit perçu pour les produits concernés dans l’esprit du public pertinent comme « la description évidente ou l’indication de la qualité ou de l’espèce des produits concernés, notamment (entre autres) des services juridiques », comme le prétend l’OBPI.

Il n’est pas acquis ou il n’est à tout le moins pas rendu suffisamment plausible que le consommateur comprendra « IUS » en relation avec les services concernés comme « services pour le justiciable ou services juridiques ».

Par conséquent, le signe « IUS » n’est pas composé exclusivement de signes qui peuvent servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité et la destination des services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

La cour considère que le signe n’est pas descriptif présentement, mais également qu’il est raisonnable d’envisager que le signe ne sera pas apte dans le futur à désigner les qualités ou les caractéristiques essentielles des produits ou services concernés (L’article 3 paragraphe 1 c de la directive d’harmonisation n’interdit pas seulement l’enregistrement de signes descriptifs comme marque qui désignent le type d’entreprise qui, aux yeux des milieux intéressés, présentent actuellement un lien avec la catégorie de produits concernée, mais aussi des signes qui peuvent être utilisés à l’avenir par les entreprises concernées comme indication des caractéristiques des produits ou services concernés. CJCE 4 mai 1999, WINDSURFING CHIEMSEE, C-108-109/97, Rec. 1999, I-2779 ; CJCE 23 octobre 2003, OHMI/WRIGLEY (DOUBLEMINT), C-191/01) ; CJCE 12 février 2004, POSTKANTOOR, C-363/99). Le risque que ce mot, qui provient de la langue morte latine, pénètre à l’avenir dans le langage courant, semble improbable.

16. Vu ce qui précède, monsieur De Smet reproche à bon droit à l’OBPI d’avoir invoqué le caractère descriptif de la marque dont l’enregistrement est demandé pour refuser son enregistrement.

17. Pour les motifs exposés ci-dessus, le recours de monsieur De Smet est entièrement fondé. Il est, partant, superflu d’analyser les arguments présentés par monsieur De Smet, autres que ceux examinés explicitement par la cour.

18. Le litige concerne une demande non évaluable en argent, de sorte que le montant de base de l’indemnité de procédure s’élève à 1.200 euros. Il n’y a pas lieu d’allouer un montant supérieur ou inférieur au montant de base.


PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement,

Eu égard à la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,

Déclare le recours de monsieur De Smet recevable et fondé ;

Annule la décision de l’OBPI portant refus de l’enregistrement de la marque verbale « IUS » pour les classes 35 et 42 ;

Ordonne à l’OBPI de procéder à l’enregistrement de la marque verbale « IUS » pour les classes 35 et 42 ;

Condamne l’OBPI aux dépens ;

Fixe les dépens à 1.386 euros dans le chef de monsieur De Smet, en ce compris l’indemnité de procédure.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique civile de la dix-huitième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 13 octobre 2009

Où étaient présents :

M. P. BLONDEEL, Président de chambre
Mme E. HERREGODTS, Conseiller
M. E. BODSON, Conseiller
Mme D. VAN IMPE, Greffier


VAN IMPE

BODSON


HERREGODTS

BLONDEEL

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