Numéro de requête 2008/AR/2126

Date
Instance
REC BE
Marque
CRYOPHARMA
Numéro de dépôt
Déposant
Wartner Europe B.V.
Texte



La COUR D’APPEL DE BRUXELLES,
18e CHAMBRE


Après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant/


R.G. N° 2008/AR/2126

Audience du 26 janvier 2010



DANS LA CAUSE DE :


WARTNER EUROPE B.V., société de droit néerlandais, dont le siège social est à Keileweg 8, 3029 BS Rotterdam, Pays-Bas, enregistrée auprès de la chambre de commerce néerlandaise sous le numéro 201044991 0000 ;

Requérante, représentée par Me Jochen SCHRAEYEN, avocat à 1930 ZAVENTEM, Minervastraat 5 ;


CONTRE :


L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, (marques et dessins ou modèles), instituée en vertu de la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), dotée de la personnalité juridique internationale en vertu de l’article 1.4 de la convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (dénommée ci-après l’Organisation), représentée par le Directeur général de l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI), dont le siège est établi à 2509 LK LA HAYE (PAYS-BAS) , Bordewijklaan 15 ;

Défenderesse,

Représentée par Me DAUWE Brigitte, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,

QUANT À LA PROCÉDURE

01. Par l’acte introductif, la cour est saisie en application de l’article 2.12.1 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (CBPI) du 25 février 2005.

Le recours est dirigé contre la décision de radiation de l’enregistrement d’un dépôt de marque, qui a été notifiée par lettres du 1er novembre 2007, 23 avril 2008 et 5 juin 2008 par l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI).

02. La requête a été déposée le 1er août 2008 au greffe de la cour.

03. Les avocats des parties ont été entendus à l’audience publique du 7 septembre 2009.


LES FAITS ET LE DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE


04. La demanderesse a déposé le 24 octobre 2007 le signe verbal CRYOPHARMA en vue de son enregistrement comme marque pour les produits suivants dans les classes administratives 3, 5, 8 et 10.

- Classe 3 : Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser; savons; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux; dentifrices.
- Classe 5 : Produits pharmaceutiques et vétérinaires; produits hygiéniques pour la médecine; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés; emplâtres, matériel pour pansements; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires; désinfectants; produits pour la destruction des animaux nuisibles; fongicides, herbicides.
- Classe 8 : Outils et instruments à main entraînés manuellement; coutellerie, fourchettes et cuillers; armes blanches; rasoirs.
- Classe 10 : Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels; articles orthopédiques; matériel de suture.

Le dépôt s’est vu attribuer le numéro 1145799 et a été enregistré le 24 octobre 2007 sous le numéro 0831833 en application de la procédure accélérée visée à l’article 2.8 CBPI.

05. Par lettre du 1er novembre 2007, l’OBPI a notifié au mandataire de la demanderesse que l’enregistrement du signe était refusé provisoirement et qu’il serait radié pour les motifs suivants :

« Le signe CRYOPHARMA est descriptif. Il est composé du préfixe CRYO usuel dans la branche médicale et du suffixe PHARMA également usuel dans la branche médicale. Ils peuvent servir à désigner l’espèce, la qualité ou la destination des produits mentionnés dans les classes 3, 5, 8 et 10. Le syntagme formé est également descriptif. Le signe est en outre dépourvu de caractère distinctif. Nous nous référons à l’article 2.11, alinéa 1er, sous b et c, CBPI. »

Le renvoi concerne les cas de défaut de caractère distinctif (2.11.1.b) et de la circonstance que la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci (2.11.1.c).

06. Le mandataire de la demanderesse a réagi par lettre du 15 avril 2008. Il n’était pas d’accord avec la décision de l’OBPI et a motivé ce désaccord comme suit :

« Nous ne sommes pas d’accord avec cette décision parce que le préfixe CRYO n’a pas de lien direct, évident, objectif avec les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé et n’est donc pas descriptif. Par conséquent, la marque CRYOPHARMA dans son intégralité ne peut pas non plus être descriptive (art. 3, alinéa 1er, sous b, CBPI). En outre, nous estimons que même si le préfixe CRYO était descriptif, le signe CRYOPHARMA dans son ensemble possède en tout cas un caractère distinctif (art. 3 alinéa 1er, sous c, CBPI).

Quant au caractère descriptif (art. 3, alinéa 1er, sous c, CPBI) 


Il est constant que l’aptitude de la marque à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises doit être appréciée in concreto par rapport aux produits ou aux services pour lesquels son enregistrement est demandé et en relation avec la perception qu’en a le public pertinent, compte tenu de tous les faits et circonstances pertinents.

Pour apprécier si une marque verbale est composée d’éléments descriptifs aux yeux du public à prendre en considération, il ne saurait être procédé à un examen in abstracto. (Bruxelles, arrêt 11 mars 2008, Softperfection c/ OBPI, n° 2005/AR/3223)

Pour ce qui concerne des mots, la constatation de leur caractère descriptif doit reposer sur le constat que le public pertinent établira immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre les produits concernés et le sens du signe verbal. Il faut donc établir que les termes qui composent la marque seront perçus comme fournissant une information quant à la nature des produits visés par la demande d’enregistrement et à leur destination (TPI, arrêt du 14 avril 2005, CellTech c. OHMI, point 38, Cour de Justice, arrêt du 19 avril 2007, OHMI c/ Celltech, C-273/05 P).

La signification du préfixe CRYO est ijs-, koude- (Van Dale, dictionnaire anglais-néerlandais).

Il importe de tenir compte de la perception du consommateur. Or il n’est pas vrai en l’espèce que le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé qui est à la recherche des produits visés comprend la signification du mot CRYO. Il s’ensuit qu’il ne ressort d’aucun élément concret que le public pertinent perçoit le signe ou peut le percevoir comme la promotion d’une qualité essentielle des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Même s’il en était ainsi, le public pertinent n’établira pas immédiatement et sans autre réflexion un lien concret et direct entre les produits concernés et la signification du mot CRYO. Le mot CRYO n’évoque pas en effet les caractéristiques des produits pour lesquels l’enregistrement de la marque CRYOPHARMA est demandé.
Le mot CRYO n’a effectivement aucun rapport avec une qualité objective et concrète qui est commune aux produits concernés, ni avec leur destination. Il ne fournit pas d’information directe en la matière au consommateur. L’OBPI ne peut pas simplement partir du principe que le mot CRYO est descriptif à l’égard des produits concernés, uniquement parce que le mot est fréquemment utilisé dans la branche médicale.

Dès lors que le signe ne peut pas être perçu comme la description d’une caractéristique des produits, l’intérêt général qui sous-tend l’article 3, paragraphe 1, sous c) de la directive n’est pas méconnu s’il est procédé à l’enregistrement de la marque.

La marque n’est donc pas descriptive et il n’y a pas lieu d’affirmer qu’elle pourrait être descriptive concernant les produits mis en cause.

Le refus général de l’OBPI, en tant qu’il est basé sur l’article 3, paragraphe 1, sous c) de la directive n’est pas fondé.

Quant au caractère distinctif (art. 3, alinéa 1er, sous b CBPI) 


La fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance (voyez en particulier les arrêts du 23 mai 1978, Hoffman – La Roche, 102/77, Rec., p. 1139, point 7, et du 18 juin 2002, Philips, C-299/99, Rec., p. I-5475, point 30).

Les marques sans caractère distinctif sont, notamment, celles qui, du point de vue du public pertinent, sont communément utilisées, dans le commerce, pour la présentation des produits ou des services concernés ou à l'égard desquelles il existe, à tout le moins, des indices concrets permettant de conclure qu'elles sont susceptibles d'être utilisées de cette manière.
Par ailleurs, de telles marques ne permettent pas au public pertinent de répéter une expérience d'achat, si elle s'avère positive, ou de l'éviter, si elle s'avère négative, lors d'une acquisition ultérieure (TPI, 20 novembre 2002, T-79/01 et T-86/01, Kit Pro et Kit Super Pro, point 19).

En l’espèce, il n’est pas vrai que le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé des produits visés percevra la marque CRYOPHARMA comme une marque dépourvue de caractère distinctif à l’égard des produits pris en considération, ni que le signe CRYOPHARMA est utilisé habituellement dans le commerce pour désigner les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé. Il n’y a aucune nécessité pour les tiers de se servir de cette combinaison spécifique, de sorte qu’il n’est pas non plus porté atteinte à la possibilité de désigner leurs produits d’une manière normale, courante dans la pratique.

Il a déjà été rappelé par ailleurs que le signe est composé d’un préfixe et d’un suffixe dont le préfixe, à savoir CRYO, ne peut pas être considéré par le public Benelux pertinent comme un nom générique parce que sa signification n’est pas connue. Pour ce public, le signe n’a pas de signification particulière et il est donc en mesure de distinguer à son avis les produits visés de ceux d’une autre provenance.
La marque est la combinaison d’un préfixe et d’un suffixe qui produit une impression inhabituelle, tant sur le plan auditif que sur le plan visuel, en ce sens que les deux concepts ne sont habituellement pas réunis dans l’ordre choisi des mots dans la combinaison CRYOPHARMA. Le public percevra également cette combinaison verbale spécifique comme un ensemble unique.

Il s’ensuit que le signe CRYOPHARMA, considéré dans son ensemble, possède bien un caractère distinctif.

L’Office est dès lors prié d’enregistrer la demande de marque. »

07. L’OBPI a répondu le 23 avril 2008 :

« Nous ne voyons aucune raison de revoir notre décision. Nous la maintenons dès lors et faisons les observations suivantes pour commenter notre point de vue.

Descriptif
Comme l’a indiqué la CJCE (arrêt Postkantoor, IER 2004/22), un signe est descriptif lorsqu’il peut servir pour désigner (des caractéristique)s des produits mentionnés lors du dépôt. A cette fin, il n’est pas requis qu’il s’agisse d’une indication usuelle, ni que le rapport entre le mot descriptif et les produits soit ou non direct, ni que le mot figure au dictionnaire, ni qu’il existe sans doute des synonymes (même s’ils sont plus usuels ou plus directement descriptifs) pour l’indication.

Ce dernier point découle aussi logiquement de la nature du motif de refus défini à l’article 2.11, alinéa 1er, sous c CBPI. Celui-ci doit veiller à ce que les indications descriptives restent à la libre disposition de chacun afin de pouvoir être utilisées dans l’intérêt général.

En ce qui concerne les signes composés de telles indications descriptives, ceux-ci sont en principe également descriptifs. Il n’en est autrement que si l’ensemble formé a acquis de ce fait « quelque chose de plus ». Il faut songer à une tournure inhabituelle d’ordre syntaxique ou sémantique. Nous renvoyons une fois de plus à POSTKANTOOR (loc.cit.).

Votre signe
Le signe que vous avez déposé se compose, comme nous l’indiquions dans notre première décision, de deux indications descriptives. CRYO est un préfixe avec la signification réfri- (koude-). C’est une indication qui est très fréquemment utilisée dans ce sens en particulier dans le monde médical en relation avec toutes sortes de traitements faisant appel au froid. PHARMA- est une abréviation très courante pour pharmaceutique. Les deux indications peuvent servir à décrire (l’espèce, la qualité ou la destination) des produits mentionnés lors du dépôt.

En ce qui concerne l’indication PHARMA, vous semblez d’ailleurs être d’accord avec nous, vous ne faites rien remarquer au sujet de cet élément verbal dans votre lettre.

Dans le syntagme formé, nous ne pouvons rien déceler qui fait que la signification descriptive des mots a disparu en conséquence. Les mots sont simplement accolés l’un à l’autre et vu le fait que CRYO- est un préfixe même composé selon les règles lexicales courantes. Si tant est qu’il y a une plus-value par la composition, celle-ci ne fait que rendre plus directement visible la signification descriptive, les éléments se renforcent dans leur caractère descriptif. Le signe formé communique qu’il s’agit de produits pharmaceutiques qui ont un effet grâce au froid.

Vous alléguez à ce propos que le mot CRYO- serait inconnu. Et bien que cet argument ne soit pas pertinent vu ce qui précède, il n’est même pas exact. Une brève recherche sur internet (au moyen de Google, dans la zone de langue néerlandaise) donne 28 800 résultats. Un bref aperçu de ces résultats :

- Cryo traitement (cryopréservation)
- (…)

Nous ne pouvons évidemment pas reproduire tous les résultats mais vous invitons à répéter cette petite recherche.
Nous nous rendons compte que certains sites que nous avons trouvés portent certainement sur des produits spécialisés. Nous relevons cependant que ces produits se ramènent le plus souvent au monde médical, justement la branche dans laquelle le déposant évolue lui aussi. En outre, il apparaît que de nombreuses spécialisations différentes se servent de ce terme, de sorte qu’une connaissance générale de ce mot devient évidente. Il résulte bien entendu des exemples précités que le terme est aussi utilisé en présence du public « ordinaire ».

S’agissant des autres arguments que vous invoquez et de la jurisprudence, nous faisons observer que ceux-ci ne sont pas pertinents. Nous avons naturellement examiné in concreto le caractère descriptif du signe. La CJB a statué déjà sur ce point dans BIOMILD (RECHERCHER) et a confirmé notre prise de position en cette matière. S’agissant des déclarations que vous citez de l’ordonnance en cause de SOFTPERFECTION, nous faisons remarquer qu’elles ne sont pas conformes à la conception de la CJCE en la matière qui n’exige pas, pour constater un caractère descriptif, qu’il y ait entre le signe et les produits un lien qui soit établi immédiatement, sans autre réflexion, directement et concrètement. Le critère d’examen est de savoir si le signe peut décrire. Le raisonnement dans SOFTPERFECTION semble se réduire à la doctrine entre-temps dépassée de la CJB sur la LBM qui n’était pas encore adaptée à la directive européenne sur les marques (les affaires KINDER et JUICY FRUIT).

S’agissant de l’affaire CELLTECH, nous faisons remarquer que la CJCE n’a pas eu à se prononcer sur le bien-fondé du raisonnement du TPI dans cette décision. La CJCE était liée par les règles (du droit) de cassation et, à la suite des faits constatés par le TPI, n’en est pas venue à une appréciation de la manière dont le TPI… question de droit.

Un signe descriptif n’est pas non plus régi par l’exigence additionnelle qu’il doit vanter ou décrire une qualité essentielle des produits désignés pour pouvoir être refusé. Nous renvoyons une fois de plus à POSTKANTOOR.

Caractère distinctif
En ce qui concerne le motif de refus visé à l’article 2.11, alinéa 1er, sous b, CBPI que nous invoquons, nous faisons remarquer (POSTKANTOOR, loc. cit.) que la CJCE a indiqué clairement que toute indication descriptive est aussi dépourvue de caractère distinctif. L’inverse n’est pas nécessairement le cas.

Autres dépôts
Nous devons effectivement apprécier chaque dépôt sur la base du droit applicable. Impliquer d’autres dépôts, quelle que soit l’instance, ne témoignerait pas d’un examen sérieux. C’est dès lors un élément de la jurisprudence constante sur l’examen que nous faisons au regard des motifs de refus absolus (la cour d’appel de La Haye (BIOMILD, IER 1997/229, ANTI ANGIN, BIA 1999/114), la cour de Bruxelles (A PIED, Cour d’appel Bruxelles, 22 octobre 1999, 1998/AR/2463, R.1999/4642), la chambre de recours de l’OHMI (par exemple PRO ECO, R127/99/1), le TPI (TRUSTEOLINK, 26/10/2000, T-345/99 ; STREAMSERVE, 27/02/2002, T-106/00) et la CJCE (POSTKANTOOR, loc.cit.)).

Nous faisons remarquer que nous n’appliquons pas de principes propres à l’examen. Nous appliquons le droit tel qu’il est arrêté dans la CBPI, la directive sur les marques et par les juges suprêmes européens. Nous n’avons pas de critères propres. Du reste, nous sommes d’accord avec vous sur le fait qu’il est effectivement souhaitable que les différentes instances qui examinent les dépôts sur la base des mêmes critères arrivent dans chaque cas isolé à la même décision correcte en droit.
(…)

Comme indiqué, nous maintenons notre décision. Nous faisons remarquer enfin que le délai de réponse au refus expirera le 1er mai. »

08. Le 5 juin 2008, l’OBPI a communiqué par lettre au mandataire en marques de la demanderesse :

« Nous nous référons à notre correspondance relative à la décision de refus provisoire du 1er novembre 2007.

Etant donné que nos objections n’ont pas été levées dans le délai imparti, l’enregistrement de ce signe sera radié.
(…) »

09. L’acte introductif désigne les lettres du 5 juin 2008, du 23 avril 2008 et du 1er novembre 2007 comme les actes contestés.

Selon l’article 2.12.1 CBPI, seule la communication visée à l’article 2.11, alinéa 4, CBPI peut donner lieu à une requête à la cour tendant à « obtenir un ordre d’enregistrement de la marque », dont il suit que les lettres du 1er novembre 2007 et du 23 avril 2008 ne constituent pas comme telles des actes pouvant être contestés.

Le recours introduit contre les communications du 1er novembre 2007 et du 23 avril 2008 aurait du reste été introduit en dehors du délai de deux mois prescrit à l’article 2.12.1 CBPI.

Toutefois, la lettre du 5 juin 2008 ne contient aucune motivation substantielle du refus mais renvoie à la correspondance de l’OBPI et au fait que ses objections n’ont pas été levées. Les trois lettres du 1er novembre 2007, du 23 avril 2008 et du 5 juin 2008 mentionnées dans l’acte introductif d’instance constituent dès lors comme décision un tout unique.

LES POINTS DE VUE DES PARTIES, L’OBJET DE LA DEMANDE ET LES CONCLUSIONS

10. La demanderesse soutient quant au fond : (1) que le signe qu’elle a déposé CRYOPHARMA n’est pas descriptif au sens de l’article 3, § 1 sous c CBPI, (2) que le signe qu’elle a déposé CRYOPHARMA possède un caractère distinctif au sens de l’article 3, § 1, sous c) CBPI et (3) que la décision attaquée est contraire à la pratique décisionnelle de l’OBPI et aux vues de l’OHMI et de l’office français des marques.
Sur cette base, elle demande l’annulation de la décision de l’OBPI.

La demanderesse demande à titre subsidiaire le maintien partiel du dépôt pour les produits pour lesquels CRYOPHARMA n’est pas descriptif.

11. Après un exposé sur le cadre réglementaire et les principes juridiques en rapport avec le caractère descriptif d’un signe, la demanderesse invoque ce qui suit spécifiquement au sujet de CRYOPHARMA.

12. Le public pertinent n’est pas le « monde médical », il n’en est ainsi que pour quelques-uns des produits concernés. En outre, il faut aussi démontrer pour ces produits que le signe CRYOPHARMA est descriptif pour le public du secteur médical.

Un signe est uniquement descriptif s’il en est ainsi pour une « partie significative du public pertinent ».

Les trois langues officielles du Benelux, le néerlandais, le français et l’allemand, sont pertinentes pour l’appréciation.

13. La demande de la demanderesse porte sur divers produits et non pas uniquement sur des produits pharmaceutiques.

Dans la logique de l’OBPI, le signe CRYOPHARMA n’est pas descriptif pour les produits des classes 3, 8 et 10.

14. L’OBPI aurait dû motiver sa décision de refus pour chacun des produits mentionnés dans la demande ou du moins pour toutes les catégories ou les groupes de produits mentionnés dans la demande (qui ne correspondent pas nécessairement aux « classes » de la classification de Nice).

15. Le signe CRYO n’a pas de caractère descriptif.

Dans le langage ordinaire, il ne peut pas servir, du point de vue d’une fraction significative du public pertinent, à désigner directement ou par la mention d’une des caractéristiques essentielles de ceux-ci, les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé et ce même si le public pertinent est composé exclusivement de personnes du secteur médical.

Ceci est confirmé par les résultats du sondage effectué sur commande de la demanderesse parmi le public moyen d’expression néerlandaise et française : un petit pourcentage seulement des clients d’une pharmacie savait ce que le mot CRYO signifie.

La recherche de l’OBPI sur Google ne démontre pas le caractère descriptif du signe CRYO.

16. L’aspect auditif joue aussi un rôle dans l’appréciation du caractère descriptif.

La majeure partie du public pertinent dans le Benelux est familiarisé avec l’anglais de sorte que l’on peut admettre que le mot CRYO établira plutôt un lien visuel et auditif avec le verbe anglais notoirement connu « to cry » (traduction : pleurer).

17. Le mot CRYO ne donne pas d’information précise sur la nature, l’espèce ou la destination du produit en question car il ne donne pas d’information précise sur la fonction remplie par les produits ou le résultat obtenu avec leur usage.

CRYO n’a pas de rapport avec une qualité objective et concrète ou avec une destination commune à tous les produits.
Il en va de même pour les seuls produits pharmaceutiques. On ne comprend pas ce que l’OBPI veut dire quand il affirme que le signe CRYO évoque des produits qui « ont un effet grâce au froid ».

18. Dans le passé, l’OBPI a enregistré différentes marques qui renferment le mot CRYO.

19. Le signe PHARMA n’a pas de caractère descriptif.

Ce mot n’existe ni en néerlandais, ni en français ni en allemand, pas plus qu’en anglais.
L’OBPI l’admet en disant que PHARMA est l’abréviation de « pharmaceutique », mais il ne le prouve pas du tout.

La signification de PHARMA, n’est pas établie, n’est pas communément admise et n’a pas de caractère officiel.
Un mot inexistant ne peut être descriptif au sens de l’article 2.11, c CBPI.

Il est constant que le signe PHARMA n’a pas de rapport direct et concret suffisant avec les produits concernés pour que le public pertinent – principalement le consommateur moyen – soit en mesure d’y voir immédiatement et sans autre réflexion une description des produits concernés ou d’une de leurs caractéristiques.

20. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé ne sont pas exclusivement des produits pharmaceutiques. PHARMA n’est certainement pas descriptif pour les autres produits.

21. L’OBPI a accepté le mot PHARMA dans nombre d’enregistrements de marques, en particulier aussi pour des produits en classe 5 qui comporte les produits pharmaceutiques.

22. Le signe CRYOPHARMA n’a pas de caractère descriptif.

Etant donné que ni CRYO ni PHARMA ne sont descriptifs, la combinaison CRYOPHARMA ne l’est pas non plus.

23. Même si CRYO et PHARMA étaient considérés comme descriptifs, le syntagme CRYOPHARMA ne l’est pas.

Le signe CRYOPHARMA n’est pas une indication usuelle dans le langage courant pour le public pertinent du Benelux pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

Il est même ainsi pour les produits pharmaceutiques (classe 5) :
- L’OBPI n’a pas démontré que le public général établira immédiatement et sans autre réflexion un lien entre le terme CRYOPHARMA et des « produits pharmaceutiques qui ont un effet grâce au froid »,
- L’OBPI n’a pas démontré que le public percevra le signe exclusivement comme une indication du type de produits auquel le signe se rapporte.

24. Le signe CRYOPHARMA se compose de la juxtaposition, inhabituelle du point de vue de la syntaxe dans le langage courant, des deux mots CRYO et PHARMA, ce qui procure un élément supplémentaire.

25. Pour les tiers, il n’y a aucune nécessité d’employer le signe CRYOPHARMA, il n’est donc pas porté atteinte à l’intérêt général et à la possibilité des tiers de désigner leurs produits d’une manière normale, courante en pratique.

La demanderesse utilise le signe CRYOPHARMA pour la désignation d’un produit anti-verrues.
Pour ses concurrents, il n’est pas nécessaire de donner la même dénomination à leur produit anti-verrues concurrent afin de les désigner d’une manière normale, courante en pratique.

26. Il n’y a pas d’indices sur le marché dont il ressort que l’usage du mot dans une des langues du Benelux évoluerait en ce sens que le mot CRYOPHARMA serait prochainement utilisé pour les produits pour lesquels la demanderesse a demandé la protection.

27. Les résultats du sondage effectué sur instruction de la demanderesse confirment le caractère non-descriptif du signe CRYOPHARMA.

28. Après un développement sur le cadre réglementaire et les principes juridiques en rapport avec le caractère distinctif d’un signe, la demanderesse invoque spécifiquement ce qui suit au sujet de CRYOPHARMA.

29. Dans sa décision, l’OBPI a estimé qu’une indication descriptive est aussi dépourvue de caractère distinctif, mais bien que les sphères d’influence respectives des motifs de refus absolus se chevauchent, il s’agit quand même de motifs de refus distincts qui doivent être examinés séparément.

30. L’OBPI aurait dû motiver sa décision de refus en rapport avec le caractère distinctif pour chacun des différents produits, du moins pour toutes les catégories ou groupes de produits mentionnés dans la demande (ce qui n’est pas nécessairement la même chose que les « classes » de la classification de Nice).

31. Pour le consommateur normalement informé et raisonnablement avisé et attentif, CRYOPHARMA n’est pas une marque dépourvue de caractère distinctif car elle n’est pas utilisée habituellement dans le commerce pour désigner les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

CRYOPHARMA est une combinaison de fantaisie car elle n’existe pas dans le langage ordinaire. Il s’agit de la combinaison d’un préfixe et d’un suffixe qui produit une impression inhabituelle sur le plan auditif et visuel en ce sens que les deux concepts ne sont pas utilisés ensemble habituellement.

Le signe sera perçu par le public pertinent comme un mot autonome, reconnaissable individuellement, qui, considéré dans son ensemble, permet au consommateur d’identifier l’entreprise concernée – la demanderesse – et les produits de cette dernière.
Pour le public du Benelux, le signe CRYOPHARMA n’a pas de signification particulière et il est donc en mesure de distinguer les produits visés de ceux d’une autre provenance.

32. La décision prise est contraire à la pratique décisionnelle de l’OBPI et aux vues de l’OHMI et de l’office français des marques.

(a) La demanderesse a déjà enregistré antérieurement le signe CRYOPHARMA comme marque Benelux sans que l’OBPI fasse une observation à ce sujet. La demanderesse a également enregistré le signe CRYOPHARMA PRO comme marque.
(b) L’OBPI a déjà effectué l’enregistrement de marques composées des signes CRYO et PHARMA.
Certains de ces signes, tel PHARMA ONE, ont un caractère plus descriptif que CRYOYPHARMA.
(c) L’OHMI et l’office français des marques ont déjà accepté l’enregistrement de CRYOPHARMA comme marque.

33. A titre subsidiaire, la demanderesse demande le maintien partiel du dépôt pour les produits pour lesquels CRYOPHARMA n’est pas descriptif.

Dans sa lettre du 15 avril 2008, le mandataire de la demanderesse a écrit :
« Le refus global de l’OBPI, en tant qu’il est basé sur l’article 3, § 1, sous c, de la directive, n’est pas fondé ».

Ainsi, le mandataire de la demanderesse a fait savoir au moins implicitement que si l’OBPI refusait l’enregistrement du signe pour certaines classes, la demanderesse voulait en tout cas un enregistrement pour les classes restantes, ainsi est le raisonnement.

L’OBPI a donc tort d’arguer que la demanderesse ne peut pas demander pour la première fois devant la cour d’appel l’enregistrement pour l’une des classes mentionnées.

34. La demande de la demanderesse tend à :

- Entendre déclarer son appel recevable et fondé,
- Par conséquent, entendre annuler intégralement la décision attaquée de l’OBPI portant radiation de l’enregistrement de la marque CRYOPHARMA déposée par la demanderesse, telle que communiquée à la demanderesse dans les lettres de l’OBPI du 1er novembre 2007, du 23 avril 2008 et du 5 juin 2008,
- Entendre statuer à nouveau et :
o En ordre principal : maintenir le dépôt de la marque CRYOPHARMA enregistrée sous le numéro 1145799 pour les produits mentionnés dans le dépôt dans les classes 3, 5, 8 et 10,
o En ordre extrêmement subsidiaire, si la cour estimait que la marque CRYOPHARMA est descriptive pour certains produits : maintenir le dépôt de la marque CRYOPHARMA enregistré sous le numéro 1145799 pour les classes ou produits mentionnés dans le dépôt pour lesquels le signe CRYOPHARMA n’est pas descriptif,
- Entendre condamner la défenderesse aux dépens de l’instance, fixés pour la demanderesse à € 186 (frais de la requête introductive d’instance) et € 1.200 (indemnité de procédure).

35. Après un développement sur le cadre juridique et les principes applicables, la défenderesse expose spécifiquement au sujet du signe CRYOPHARMA pourquoi elle estime avoir jugé à bon droit qu’il est descriptif et dépourvu de caractère distinctif.

La défenderesse présente en outre une réponse aux griefs de la demanderesse en appel.

36. En rapport avec le caractère descriptif du signe CRYOPHARMA, la défenderesse soutient que le public pertinent a une composition mixte : d’une part, les personnes du secteur médical et, d’autre part, le public général.

37. La seule question qui appelle une réponse est celle de savoir si le signe CRYOPHARMA peut servir à décrire une caractéristique des produits concernés.

A cette fin, on examine si les éléments constitutifs et si le signe dans son ensemble ont un caractère descriptif, pour lequel il suffit que le signe soit descriptif dans son ensemble dans une des langues du Benelux.

38. Le préfixe CRYO veut dire froid, ce qui résulte des dictionnaires tant français que néerlandais.

La signification descriptive de CRYO résulte aussi d’une recherche de l’OBPI sur internet via Google : pour CRYO, elle a donné 28 800 résultats en néerlandais.

Sur son propre site internet, la demanderesse utilise, tant en néerlandais qu’en français, le préfixe CRYO d’une manière descriptive, avec la signification « froid », pour la description de son produit anti-verrues et du procédé de cryothérapie.

La signification du préfixe CRYO pourra être comprise par le public pertinent, pour les produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, comme une indication d’une caractéristique, à savoir « le froid ».

39. PHARMA est une abréviation usuelle en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et un terme descriptif pour les produits désignés.
Ceci ressort d’un grand nombre de mots en français qui se rapportent aux médicaments.

Le terme PHARMA, qui est identique phonétiquement à « farma », sera aussi compris en ce sens par le public pertinent et même par le consommateur moyen dans le Benelux. Pour ce consommateur, l’élément PHARMA indique uniquement que les produits mentionnés se rapportent aux produits pharmaceutiques et médicaux et aux appareils, en ce compris les produits et appareils dentaires et vétérinaires.

40. La combinaison CRYOPHARMA pourra être perçue par le public pertinent comme l’indication de l’espèce, de la qualité ou de la destination des produits médicaux et pharmaceutiques pour lesquels l’enregistrement est demandé, en particulier parce qu’ils soignent par le froid. CRYOPHARMA a donc un caractère descriptif pour les produits indiqués.

L’enregistrement de CRYOPHARMA comme marque est recherché par la demanderesse en premier lieu pour des produits pharmaceutiques et médicaux et le signe CRYOPHARMA est actuellement utilisé par elle pour un produit qui combat les verrues sur la peau.
Le fait que l’enregistrement de CRYOPHARMA comme marque est aussi demandé pour d’autres produits que les produits médicaux et pharmaceutiques ne porte pas préjudice à l’application du motif de refus absolu prévu à l’article 2.11, alinéa 1er, sous c CBPI.

La demanderesse aurait pu demander dans le cadre de la procédure de demande que l’OBPI enregistre le signe CRYOPHARMA comme marque uniquement pour les produits qui ne sont pas des produits médicaux ou pharmaceutiques, mais elle ne l’a pas fait, et elle ne peut pas le demander pour la première fois devant la cour.

41. L’article 3 § 1, c de la directive d’harmonisation interdit aussi l’enregistrement comme marque de signes susceptibles d’être utilisés à l’avenir par les entreprises concernés comme indication des caractéristiques des produits ou services concernés.

42. Etant donné que la combinaison CRYOPHARMA est composée exclusivement de signes pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité ou la destination des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, cette combinaison est dépourvue de caractère distinctif.

43. Ce défaut de caractère distinctif ressort aussi d’un examen distinct de ce motif de refus.

Les deux éléments CRYO et PHARMA sont simplement accolés et il n’y a pas d’élément additionnel sur base duquel la combinaison de CRYO et PHARMA serait inhabituelle ou aurait une signification propre de sorte que, dans la perception du public concerné, les produits de la demanderesse pourraient être distingués de ceux qui ont une autre provenance commerciale.

44. Sur la base des moyens et arguments qu’elle invoque, l’OBPI conclut que l’appel et les demandes de la demanderesse sont non fondées.

Elle demande la condamnation de la demanderesse aux dépens.

APPRÉCIATION PAR LA COUR.

A. LES PRINCIPES APPLICABLES


45. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice CE (arrêt en cause Koninklijke PTT Nederland ‘Postkantoor’ du 12 février 2004, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73, et arrêt en cause MT & C ‘The Kitchen Company’ du 15 février 2007, C-236/05, points 31 à 36), les principes suivants sont applicables en résumé, lorsqu’une autorité de marques procède à l’examen de l’enregistrement d’une marque.

L’examen du caractère distinctif ne saurait être effectué in abstracto mais doit prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents de la demande d’enregistrement.

L’appréciation de ces faits et circonstances pertinents doit s’effectuer au moment où une décision définitive est prise sur la demande.

La vérification doit se faire pour chacun des produits ou services et l’autorité des marques peut, le cas échéant, aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés.

La conclusion doit être mentionnée pour chacun des produits et services indiqués dans la demande d’enregistrement, mais lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité des marques peut se limiter à une motivation globale.

La juridiction saisie d’un recours contre la décision de l’autorité des marques doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l’exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.

Les juridictions appelées à statuer sur une décision de refus d’un enregistrement prise par l’OBPI ne peuvent prendre en considération que les éléments sur lesquels l’OBPI a fondé ou aurait dû fonder sa décision et ne peuvent donc pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision de l’OBPI ou qui ne lui ont pas été soumises (CJB, arrêt du 15 décembre 2003, numéro A 2002/2/6 Bureau Benelux des Marques/Vlaamse Toeristenbond, www.courbeneluxhof.be).

46. La décision de l’OBPI doit être examinée en ayant à l’esprit que l’exécution de sa mission a pour objet de préserver l’intérêt général qui sous-tend chacun des motifs de refus (CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 77 ; CJCE 06 mai 2001 en cause Libertel, C-104/01, point 51 ; CJCE 12 février 2004 en cause Koninklijke KPN, C-363/99, point 55 ; CJCE 16 septembre 2004 en cause SAT1, point 25 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, point 74).

Un signe peut, le cas échéant, devoir dès lors rester disponible dans l’intérêt général si son attribution à un titulaire de marque causerait une entrave disproportionnée au détriment de nouveaux opérateurs économiques, précisément du fait que le signe comporte des éléments distinctifs qui doivent rester à la libre disposition de chacun.

47. Le motif de refus visé à l’article 2.11.1b CBPI qui concerne l’absence de caractère distinctif correspond à celui qui est institué par l’article 3.1. b) de la directive CE du 21 décembre 1988 (89/104/CEE) rapprochant les législations des états membres sur les marques.
Le motif de refus absolu mentionné à l’article 2.11.1 c CBPI qui concerne les signes ou dénominations descriptifs correspond à celui qui est institué par l’article 3, 1.c) de la directive précitée.

Les deux notions doivent donc être comprises dans le sens qui leur est donné en droit communautaire par la Cour de justice.

48. L’examen du caractère distinctif du signe pour lequel la protection de la marque est demandée doit prendre en considération le signe tel qu’il est déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Ceci implique qu’il doit être apprécié en tant que tel dans son ensemble, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels qui peuvent y être identifiés ne peuvent pas constituer en soi un élément d’appréciation (CJCE 30 juin 2005 en cause Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, point 82).

S’il s’agit d’un signe descriptif au sens de l’article 3, 1. c) de la directive, l’examen du signe doit s’effectuer en outre à la lumière de leur signification dans le langage courant dans l’optique de la désignation même des produits et services ou de leurs caractéristiques essentielles.

49. Selon la jurisprudence constante de la cour, la notion de ‘caractère distinctif’ doit être comprise en ce sens qu’une marque doit être apte à identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d’autres entreprises (CJCE 04 mai 1999 en cause de Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49 ; CJCE 20 juin 1999 en cause Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-242/97, point 22 ; CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 35 ; CJCE 08 avril 2003 en cause Linde & Winward, C-53/01 & C-55/01, point 40 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, C-238/06, point 79).

50. Les signes ou indications pouvant servir habituellement, dans le commerce, à désigner les caractéristiques des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé ne peuvent pas être enregistrés en raison de l’intérêt général. Celui-ci requiert que ces signes ou indications puissent être librement utilisés par tous (CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley (Doublemint), C-191/01 P, point 31 ; CJCE 12 janvier 2006 en cause Deutsche SiSi-Werke, C-173/04, point 62 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-276/05, point 75).

Ainsi, ne sont pas admis à l’enregistrement comme marque les signes ou indications visés à l’article 3.1 c) de la directive marques qui peuvent servir dans l’usage normal, du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé (CJCE, 12 février 2004 en cause Postkantoor C-363/99, point 57 ; CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley, C-191/01 P, point 32).

L’évolution future prévisible de l’usage normal est également pertinente à ce niveau si ce n’est que l’évolution prévisible sur ce point ne saurait être purement hypothétique mais doit se référer à une expérience de marché concrète et actuelle ou, à tout le moins, très probable et suffisamment rapprochée dans le temps (CJCE 4 mai 1999 en cause Windsurfing Chiemsee, points 31 et 37; TPI CE, 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, point 43).

51. Lorsqu’une marque est constituée d’une combinaison d’éléments, il ne suffit pas que chacun des éléments soit descriptif, mais il faut constater ce caractère pour l’ensemble avant de pouvoir la qualifier comme telle.

Si chacun des éléments est en soi descriptif, la combinaison de ceux-ci l’est aussi en règle générale, mais il n’est pas à exclure que l’impression produite par la combinaison s’écarte de l’impression qui se dégage de la simple réunion des éléments qui la composent. Dans ce cas, la combinaison n’est pas descriptive au sens de l’article 3.1 c) de la directive. Si la marque est composée de différents mots ou d’un mot recomposé, l’examen du caractère descriptif ne peut pas rester limité à celui des éléments constitutifs, mais l’ensemble doit être pris en considération (CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, points 77, 78 et 79).

52. Dans sa décision provisoire de refus, l’OBPI a mentionné incidemment deux motifs de refus absolus, mais il expose en substance qu’il y a défaut de caractère distinctif à cause des signes exclusivement descriptifs dans la marque.

Or l’examen des faits doit pourtant être différent en fonction des deux motifs de refus mentionnés.
Le signe qui est composé exclusivement de signes descriptifs ou de dénominations visées à l’article 2.11 1 c n’est de toute manière pas susceptible d’enregistrement, sans égard à la question du caractère distinctif.
A l’inverse, le défaut de caractère distinctif ne résulte pas nécessairement du seul fait qu’une marque est composée exclusivement de signes ou indications descriptifs.
L’examen peut donc bien établir un lien entre les deux motifs de refus.

B. L’EXAMEN DU SIGNE CRYOPHARMA

53. La demanderesse a déposé le signe verbal CRYOPHARMA pour des produits dans les classes administratives 3, 5, 8 et 10, telles qu’énumérés plus en détail ci-dessus.

54. Les produits pour lesquels la protection de la marque est demandée sont destinés à des professionnels du secteur médical (médecins, vétérinaires, dentistes, pharmaciens, infirmiers, …) : les produits des classes 5 et 10.

Ces produits sont toutefois destinés également au consommateur ordinaire, ainsi qu’il ressort de l’énumération des classes 3 et 8.
Les produits des classes 5 et 10 sont partiellement destinés aussi au consommateur ordinaire.

Comme les produits pour lesquels l’enregistrement comme marque est demandé ne sont ainsi pas destinés exclusivement à des professionnels mais aussi aux consommateurs ordinaires, le public pertinent en la matière est constitué par le consommateur moyen en général.
On entend par « consommateur moyen » le consommateur normalement informé, raisonnablement avisé et attentif.

55. Le signe CRYOPHARMA est composé du préfixe CRYO et de l’abréviation PHARMA, et n’appartient pas au vocabulaire officiel néerlandais.

Le signe CRYOPHARMA lui-même est un mot qui n’apparaît pas dans le langage courant.

56. PHARMA peut sans doute être compris par le consommateur moyen comme l’évocation de ce qui concerne la pharmacie.

CRYO, au contraire, n’est pas utilisé comme tel dans le langage courant par le consommateur moyen de sorte que ce dernier n’y reconnaîtra pas de manière évidente un préfixe avec la signification « froid » (« koude »).
Il n’y a pas d’indications concrètes suffisantes que ce serait le cas dans un proche avenir.
Les recherches de l’OBPI sur Google, mais pas sa présence dans le langage courant maintenant ou dans un proche avenir. (sic trad.)

57. Le signe CRYOPHARMA n’a pas comme tel de signification spécifique pour le consommateur moyen et se prête dès lors, étant un mot de pure fantaisie, à identifier les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer des produits provenant d’autres entreprises.
Autrement dit : le signe CRYOPHARMA permet au public pertinent de décider l’achat de ces mêmes produits ou de l’éviter sur base de leur identification.

Le signe CRYOPHARMA a, par conséquent, un caractère distinctif, sous réserve du résultat de l’examen subséquent de son prétendu caractère descriptif.

58. La cour relève au surplus que l’autorité de marques européenne, l’OHMI, qui applique dans le cadre de l’enregistrement des marques en exécution du règlement n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire les mêmes critères que ceux issus de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des états membres sur les marques, a bien accepté l’enregistrement du signe CRYOPHARMA comme marque pour les classes 3, 5, 8 et 10, à la suite d’un dépôt qui a été effectué à la même date que le dépôt contesté, alors que l’OBPI qui applique les mêmes critères ne l’a pas fait et que l’OBPI a déjà accepté antérieurement l’enregistrement du signe CRYOPHARMA comme marque pour les classes 3 et 5.

L’affirmation selon laquelle la jurisprudence de la CJCE aurait évolué dans l’intervalle ne peut pas être prise en considération, dès lors que la défenderesse n’expose pas de quelle évolution il s’agirait, ni dans quel sens elle serait pertinente dans le cas présent.

59. PHARMA (auditif et en néerlandais « farma ») est un terme courant pour évoquer ce qui concerne la pharmacie (en néerlandais « farmacie »).

CRYO est un préfixe qui signifie « froid » et se rencontre dans le vocabulaire technique aussi bien néerlandais que français (voir les dictionnaires « Le Nouveau Petit Robert » et « Van Dale »).

Dans le monde médical et scientifique, le terme CRYO est consacré par l’usage, en particulier pour les méthodes et les produits qui concernant le froid et la congélation (par exemple : cryogénétique, cryothérapie, cryoscopie). Ceci vaut pour la terminologie aussi bien néerlandaise que française.

Toutefois, il n’en est pas ainsi pour le langage courant dans le chef du public pertinent, tel qu’il a été indiqué ci-dessus, et, comme il a déjà été noté, il n’y a pas d’indices concrets suffisants que ce serait le cas dans un proche avenir.
On ne peut donc pas admettre que CRYO est un terme descriptif pour le consommateur moyen.

60. Les signes CRYO et PHARMA sont simplement réunis dans le signe CRYOPHARMA, sans omission, ajout ni modification. Le signe doit être apprécié dans sa présentation globale au regard de son caractère éventuellement descriptif.

Etant donné que le signe CRYO n’est pas descriptif dans la perception du public pertinent, on ne saurait admettre sans plus que CRYOPHARMA le serait.

Ce préfixe, rapproché de l’abréviation PHARMA, produit au contraire, dans la perception du consommateur moyen, une impression globale qui n’est pas descriptive des produits ou des caractéristiques des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.

61. Il suit de ce qui précède que ni CRYOYPHARMA, ni l’un de ses deux éléments constitutifs, à savoir CRYO, ne peut être considéré comme un signe qui peut servir habituellement dans le commerce à désigner les produits ou une caractéristique des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé.
Le signe CRYOPHARMA n’est donc pas descriptif au sens de l’article 2.11.1c CPBI pour les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé par la demanderesse, de sorte que ladite disposition conventionnelle ne s’oppose pas à l’enregistrement.

62. Il suit de ce qui précède que l’OBPI a refusé à tort l’enregistrement comme marque pour les classes de produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé (classes 3, 5, 8 et 10).

Il s’ensuit que la demande principale de la demanderesse est fondée.

Par conséquent, sa demande subsidiaire est devenue sans objet.

68. La défenderesse est condamnée par conséquent aux dépens.

Le montant de base est alloué en l’espèce pour l’indemnité de procédure, soit € 1.200, à savoir le montant de base pour une demande non évaluable en argent.

PAR CES MOTIFS


LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Eu égard aux prescriptions de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,

Déclare la demande principale de la demanderesse recevable et fondée,

Annule la décision attaquée par laquelle l’enregistrement de la marque déposée par la demanderesse dans le registre des marques Benelux est refusé.

Ordonne à l’OBPI d’enregistrer la marque déposée sous le numéro 1145799 dans le registre des marques Benelux pour les produits des classes 3, 5, 8 et 10 indiqués dans le dépôt.

Condamne la défenderesse au paiement des frais de procédure, liquidés à € 1.200 pour elle-même et à 1.386 euros pour la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience civile publique de la dix-huitième chambre de la Cour d’Appel de Bruxelles, le 26 janvier 2010

Où étaient présents et siégeaient :

M. Paul BLONDEEL Président
Mme S. GADEYNE Conseiller
M. E. BODSON Conseiller
Mme D. VAN IMPE Greffier

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