Prononcé: 8 septembre 2009
No. de la requête 2008/AR/2620
LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES, 18e CHAMBRE
Après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant
R.G. N° 2008/AR/2620
DANS LA CAUSE DE :
Madame Francine VERMEIREN, demeurant à 8300 KNOKKE, Paul Parmentierlaan 212,
Demanderesse,
Représentée par Me Vera VERREET loco Me Guy CAYRON, avocat à 1850 GRIMBERGEN, Hellebeekstraat 6 ;
CONTRE :
L’ORGANISATION BENELUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE, dont le siège est établi à 2591 XR LA HAYE (PAYS-BAS) , Bordewijklaan 15, représentée par le Directeur général de l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle,
Défenderesse,
Représentée par Me DAUWE Brigitte, avocat à 1000 BRUXELLES, rue de Loxum 25,
Quant à la procédure
01. Par l’acte introductif, la cour est saisie en application de l’article 2.12.1 de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (CBPI) du 25 février 2005.
Le recours est dirigé contre la décision de radiation de l’enregistrement d’un dépôt de marque, qui a été notifiée par lettres du 20 décembre 2007 et du 15 août 2008 par l’Office Benelux de la Propriété intellectuelle (OBPI).
02. La requête a été déposée le 10 octobre 2008 au greffe de la cour.
03. Les avocats des parties ont été entendus à l’audience publique du 27 avril 2009.
Les faits et l’objet de la demande
04. La demanderesse a déposé le 19 novembre 2007 un signe complexe en vue de son enregistrement comme marque pour des produits et services dans les classes administratives 16, 41 et 44.
Les services et produits ont été décrits comme suit :
- Classe 16 : imprimés ;
- Classe 41 : éducation, enseignement et la production d’enregistrements audiovisuels ;
- Classe 44 : services en rapport avec la méthode d’amaigrissement, services thérapeutiques et de kinésithérapie ; gestion et services de centres de santé et de salons de beauté.
Le dépôt s’est vu attribuer le numéro 1147562 et a été enregistré le 23 novembre 2007 sous le numéro 833709 en application de la procédure accélérée visée à l’article 2.8 CBPI.
05. Le signe est composé du signe verbal stylisé bodystyling, qui est représenté en couleur verte et les ombrages de chacune des lettres sont d’un gris verdâtre ; environ au milieu du signe, sous la lettre ‘s’, figure un signe (+).
Les couleurs en tant que telles sont mentionnées sous la protection de la marque.
06. Par lettre du 20 décembre 2007, l’OBPI a notifié au mandataire de la demanderesse que l’enregistrement du signe était refusé provisoirement et qu’il serait radié pour le ou les motifs suivants :
‘Le signe bodystyling est descriptif. En effet, il peut servir à désigner l’espèce, la qualité des produits et services mentionnés dans les classes 16, 41 et 44. Le signe est en outre dépourvu de caractère distinctif. Nous nous référons à l’article 2.11, alinéa 1er, sous b et c, CBPI. La représentation graphique choisie ne lève pas le défaut de caractère distinctif du signe’.’
Le renvoi concerne les cas de défaut de caractère distinctif (2.11.1.b) et de la circonstance que la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci (2.11.1.c).
07. Le mandataire de la demanderesse n’a pas réagi à cette lettre.
08. Par lettre du 15 août 2008, l’OBPI a communiqué ce qui suit : ‘(…) Nous nous référons à notre lettre du 20 décembre 2007. Le délai de six mois dans lequel vous pouviez réagir à notre décision de refus provisoire est écoulé. Comme nous n’avons reçu aucune réaction de votre part, nous radierons dès lors l’enregistrement de la marque BODYSTYLING sur base de la motivation indiquée dans notre lettre du 20 décembre 2007. (…)’.
09. L’acte introductif désigne les lettres du 20 décembre 2007 et du 15 août 2008 comme les actes contestés.
Selon l’article 2.12.1 CBPI, seule la communication visée à l’article 2.11, alinéa 4, CBPI peut donner lieu à une requête à la cour tendant à ‘obtenir un ordre d’enregistrement de la marque’, dont il suit que la lettre du 20 décembre 2007 ne constitue pas comme telle un acte pouvant être contesté.
Le recours introduit contre la communication du 20 décembre 2007 aurait du reste été introduite en dehors du délai de deux mois prescrit à l’article 2.12.1 CBPI.
La lettre du 15 août 2008 ne contient aucune motivation substantielle du refus mais renvoie à l’argumentation mentionnée dans la lettre du 20 décembre 2007. Ces deux lettres constituent dès lors comme décision un tout unique.
Les points de vue des parties
10. Devant la cour, la demanderesse soulève quant au fond contre la décision de refus tout d’abord l’objection que le signe déposé est qualifié à tort de descriptif et ensuite que le signe se voit dénier à tort tout caractère distinctif.
11. Le grief concernant le caractère descriptif repose sur les considérations suivantes :
- L’appréciation du caractère prétendument descriptif de la marque n’a pas pris en compte le fait que le mot ‘bodystyling’ n’existe pas comme tel et l’OBPI a seulement indiqué que les éléments constitutifs du signe sont descriptifs dans la perception du public concerné ;
- Il s’agit d’une marque complexe et ce faisant, l’appréciation ne peut pas se limiter à chacun des éléments constitutifs mais doit s’appuyer sur l’appréciation globale de ceux-ci ;
- Le mot ‘bodystyling’ en tant que tel n’établit aucun lien direct et concret avec les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et le résultat de la réunion inhabituelle de ‘body’ et de ‘styling’ n’évoque pas directement une méthode d’amaigrissement ; l’impression globale du signe est suffisamment éloignée de la description d’une ou plusieurs caractéristiques des produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé.
12. S’agissant du défaut de caractère distinctif, la demanderesse allègue ce qui suit :
- La marque est composée d’un mot imaginé dans une présentation graphique stylisée et colorée frappante ; le dépôt vise uniquement des droits exclusifs sur l’ensemble et non sur les éléments constitutifs ;
- L’appréciation du caractère distinctif d’un signe complexe doit s’appuyer sur la marque prise dans son ensemble et il n’existe pas de présomption que les éléments qui sont dépourvus séparément de caractère distinctif ne peuvent pas en posséder en étant réunis ; le signe complet n’a pas été apprécié par l’OBPI ;
- Le signe est apte à distinguer les produits pour lesquels
l’enregistrement est demandé des produits d’autres entreprises ; entre autres, le signe ‘+’ utilisé est rare.
13. Ce faisant, la requérante demande de déclarer son recours recevable et fondé, d’annuler la décision de radiation de l’enregistrement et d’ordonner à l’OBPI de procéder à l’enregistrement du signe déposé sous le numéro 1147562 pour les produits indiqués en classe 16 et les services dans les classes 41 et 44.
Elle demande encore de condamner l’OBPI au paiement des frais d’instance, qui sont fixés à 1.386 euros, en ce compris 1.200 euros d’indemnité de procédure.
14. L’OBPI objecte d’abord que le recours de la requérante n’est pas recevable , parce qu’elle n’a pas fait usage de la possibilité qu’offrent l’article 2.11.3 CBPI et la règle 1.15.1 du Règlement d’exécution de répondre à la décision provisoire de refus. Il en déduit qu’elle n’avait pas d’objection contre cette décision et qu’un recours subséquent va à l’encontre de l’esprit de la procédure d’enregistrement qui vise l’échange d’arguments.
Si la cour en décidait autrement, il estime que la cour devrait tenir compte uniquement des éléments et prétentions de fait qui ont été soumis à l’OBPI pendant la phase qui précédait le refus définitif.
15. Sur base de l’application de l’interprétation en vigueur des dispositions pertinentes de la convention, il maintient son point de vue que la radiation de l’enregistrement du dépôt doit être maintenue et que l’enregistrement doit donc être refusé sur la base des deux motifs de refus qu’il a soulevés.
Concernant le caractère descriptif, il soutient que les deux éléments du signe ‘body’ et ‘styling’ appartiennent à la langue néerlandaise et désignent ensemble la mise en forme d’un corps, ce qui peut être compris comme une caractéristique des services relatifs à la méthode d’amaigrissement et aux classes 16, 41 et 44 revendiquées par la demanderesse.
Il relève que les deux éléments ont été réunis sans ajouter un élément qui donne à l’ensemble une tournure inhabituelle.
Dans ce contexte, il souligne aussi qu’il est tout à fait dénué de pertinence que le public auquel le signe s’adresse n’établira pas de lien immédiat et direct entre le signe et les produits et services concernés.
Il résulte du caractère descriptif que le signe est nécessairement dépourvu de caractère distinctif.
Il objecte dans ce contexte que la représentation graphique choisie du signe ne lui confère aucun caractère distinctif. Les éléments graphiques eux-mêmes ne sont pas suffisamment distinctifs, selon l’OBPI, pour attirer l’attention du public concerné sur ces éléments et non sur les éléments verbaux.
Il objecte encore que l’évocation vague de ‘diverses teintes de vert’ constitue une précision insuffisante et ne peut être admise pour ce motif.
16. L’OBPI conclut ce faisant que le recours doit être déclaré non recevable et en tout cas non fondé de sorte que la demande d’annulation de la décision contestée et d’injonction à l’OBPI d’enregistrer le dépôt doit être rejetée.
Il demande la condamnation de la demanderesse au paiement de 1.200 euros d’indemnité de procédure.
Appréciation
a. Les principes applicables
17. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice CE (arrêt en cause Koninklijke PTT Nederland ‘Postkantoor’ du 12 février 2004, C-363/99, points 31, 35, 36 et 73, et arrêt en cause MT & C ‘The Kitchen Company’ du 15 février 2007, C-236/05, points 31 à 38), les principes suivants sont applicables en résumé, lorsqu’une autorité de marques procède à l’examen de l’enregistrement d’une marque.
L’examen du caractère distinctif ne saurait être effectué in abstracto mais doit prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents de la demande d’enregistrement.
L’appréciation de ces faits et circonstances pertinents doit s’effectuer au moment où une décision définitive est prise sur la demande.
La vérification doit se faire pour chacun des produits ou services et l’autorité des marques peut, le cas échéant, aboutir à des conclusions différentes selon les produits ou services considérés.
La conclusion doit être mentionnée pour chacun des produits et services indiqués dans la demande d’enregistrement, mais lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services, l’autorité des marques peut se limiter à une motivation globale.
La juridiction saisie d’un recours contre la décision de l’autorité des marques doit également prendre en considération tous les faits et circonstances pertinents dans les limites de l’exercice de ses compétences, telles que définies par la réglementation nationale applicable.
18. Concernant la mission des juridictions – dans le cas présent les cours d’appel de Bruxelles, de La Haye et de Luxembourg – à l’égard d’une décision de refus d’un enregistrement prise par l’OBPI, la Cour de Justice Benelux a décidé qu’elles ne peuvent prendre en considération que les éléments sur lesquels l’OBPI a fondé ou aurait dû fonder sa décision et ne peuvent donc pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision de l’OBPI ou qui ne lui ont pas été soumises (CJB, arrêt du 15 décembre 2003, BMB/Vlaamse Toeristenbond, www.courbeneluxhof.be).
Dans le cadre des prétentions soumises à l’OBPI, la cour doit tenir compte de tous les faits et circonstances que le déposant allègue pour démontrer que le signe répond bien aux conditions d’enregistrement. Pour l’exercice du contrôle de fond, il est indifférent que les faits et circonstances concernant un fondement présenté dans la procédure d’enregistrement ont été ou non invoqués dans cette procédure d’enregistrement (CJB, 29 juin 2006, en cause Bovemij Verzekeringen / Bureau Benelux des Marques).
19. La décision de l’OBPI doit être examinée en ayant à l’esprit que l’exécution de sa mission a pour objet de préserver l’intérêt général qui sous-tend chacun des motifs de refus (CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 77 ; CJCE 06 mai 2001 en cause Libertel, C-104/01, point 51 ; CJCE 12 février 2004 en cause Postkantoor, C-363/99, point 55 ; CJCE 16 septembre 2004 en cause SAT1, point 25 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, point 74 ; CJCE 08 mai 2008 en cause Eurohypo, C-304/06 P, point 55).
Un signe peut, le cas échéant, devoir dès lors rester disponible dans l’intérêt général si son attribution à un titulaire de marque causerait une entrave disproportionnée au détriment de nouveaux opérateurs économiques, précisément du fait que le signe comporte des éléments distinctifs qui doivent rester à la libre disposition de chacun.
La primauté de la concurrence libre et correcte limite dans cette mesure l’attribution à un titulaire potentiel de droits de marques sur un signe qui seraient exclusifs et indéfiniment renouvelables.
20. Le motif de refus visé à l’article 2.11.1b CBPI qui concerne l’absence de caractère distinctif correspond à celui qui est institué par l’article 3.1. b) de la directive CE du 21 décembre 1988 (89/104/CE) rapprochant les législations des états membres sur les marques.
Le motif de refus absolu mentionné à l’article 2.11.1 c CBPI qui concerne les signes ou dénominations descriptifs correspond à celui qui est institué par l’article 3, 1.c) de la directive précitée.
Les deux notions doivent donc être comprises dans le sens qui leur est donné en droit communautaire par la Cour de justice.
21. L’examen du caractère distinctif du signe pour lequel la protection de la marque est demandée doit prendre en considération le signe tel qu’il est déposé et en fonction des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé.
Ceci implique qu’il doit être apprécié en tant que tel dans son ensemble, ce qui ne veut pas dire que les éléments constitutifs éventuels qui peuvent y être identifiés ne peuvent pas constituer en soi un élément d’appréciation (CJCE 30 juin 2005 en cause Eurocermex, C-286/04, points 22 et 23 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, point 82).
La perception globale de la marque par le public pertinent est déterminante et il n’y a pas de présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère distinctif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère (CJCE 08 mai 2008, en cause Eurohypo, C-304/06 P, point 41).
S’il s’agit d’un signe descriptif au sens de l’article 3, 1. C) de la directive, l’examen du signe ou de ses éléments constitutifs doit s’effectuer en outre à la lumière de leur signification dans le langage courant dans l’optique de la désignation même des produits et services ou de leurs caractéristiques essentielles.
22. Selon la jurisprudence constante de la cour, la notion de ‘caractère distinctif’ doit être comprise en ce sens qu’une marque doit être apte à identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et à les distinguer de ceux d’autres entreprises (CJCE 04 mai 1999 en cause de Windsurfing Chiemsee, C-108/97 et C-109/97, point 49 ; CJCE 20 juin 1999 en cause Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, point 22 ; CJCE 18 juin 2002 en cause Philips, C-299/99, point 35 ; CJCE 08 avril 2003 en cause Linde & Winward, C-53/01 & C-55/01, point 40 ; CJCE 25 octobre 2007, en cause Develey, C-238/06, point 79 ; CJCE 08 mai 2008, en cause Eurohypo, C-304/06 P, point 54).
En d’autres termes, lorsqu’un signe, par défaut de fonction d’identification, ne permet pas au public concerné de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors de l’acquisition ultérieure des produits ou services, il ne possède aucun caractère distinctif (TPI CE, 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, point 29).
23. Pour déterminer si un signe est susceptible d’être enregistré comme marque, il convient de prendre en considération les produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé et de se baser sur la perception de ce signe par le public pertinent (CJCE 08 mai 2008, en cause Eurohypo, C-304/06 P, points 41 et 67).
Si les produits ou services sont destinés à tous les consommateurs, il faut admettre que le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (CJCE 06 mai 2003 en cause Libertel, C-104/01, point 46 ; CJCE 16 septembre 2004, en cause SAT1 SatellitenFernsehen, point 24).
24. Les signes ou indications pouvant servir habituellement, dans le commerce, à désigner les caractéristiques des produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé ne peuvent pas être enregistrés en raison de l’intérêt général. Celui-ci requiert que ces signes ou indications puissent être librement utilisés par tous (CJCE 23 octobre 2003 en cause Wrigley, point 31 ; CJCE 12 janvier 2006 en cause Deutsche SiSi-Werke, C-173/04, point 62 ; CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-276/05, point 75).
Ainsi, ne sont pas admis à l’enregistrement comme marque les signes ou indications visés à l’article 3.1 c) de la directive marques qui peuvent servir dans l’usage normal, du point de vue du consommateur, pour désigner soit directement, soit par la mention d'une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l'enregistrement est demandé (CJCE, 20 septembre 2001, en cause Procter & Gamble, C-383/99, point 39). Ce dernier arrêt (‘baby-dry’) fait bien état de ‘caractéristiques essentielles’, mais l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE ne fait pas de distinction selon les caractéristiques (TPI CE, 17 juin 2009, en cause Korsch AG, T-464/07, point 48).
L’évolution future prévisible de l’usage normal est également pertinente à ce niveau (CJCE 4 mai 1999 en cause Windsurfing Chiemsee, points 31 et 37), si ce n’est que l’évolution prévisible sur ce point ne saurait être purement hypothétique mais doit se référer à une expérience de marché concrète et actuelle ou, à tout le moins, très probable et suffisamment rapprochée dans le temps (TPI CE, 12 mars 2008, affaire Compagnie SAS, T-341/06, point 43).
25. Les signes ou indications peuvent toutefois dépasser le caractère descriptif ainsi compris s’ils sont présentés ou agencés de manière telle que l’ensemble s’écarte de manière perceptible des modes habituels de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentiels ou lorsque leur présentation apporte un élément additionnel à l’ensemble au regard des éléments constitutifs.
Si la présentation d’un signe composé s’écarte de manière perceptible du mode courant de désignation des produits ou services et que l’écart concerne un aspect significatif du signe déposé, cet écart apporte un élément additionnel qui permet à l’ensemble de se distinguer de ce qui est courant. Il en va de même lorsque la combinaison a acquis une signification propre qui est indépendante de ses éléments constitutifs (CJCE 19 septembre 2002 en cause Companyline, C-104/00 P, points 21 et 23 ; CJCE 12 février 2004 en cause Campina Melkunie, C-265/00, point 41).
26. Lorsqu’une marque est constituée d’une combinaison d’éléments, il ne suffit pas que chacun des éléments soit descriptif, mais il faut constater ce caractère pour l’ensemble avant de pouvoir la qualifier comme telle.
Si chacun des éléments est en soi descriptif, la combinaison de ceux-ci l’est aussi en règle générale, mais il n’est pas à exclure que l’impression produite par la combinaison s’écarte de l’impression qui se dégage de la simple réunion des éléments qui la composent. Dans ce cas, la combinaison n’est pas descriptive au sens de l’article 3.1 c) de la directive. Si la marque est composée de différents mots ou d’un mot recomposé, l’examen du caractère descriptif ne peut pas rester limité à celui des éléments constitutifs, mais l’ensemble doit être pris en considération (CJCE 19 avril 2007 en cause Celltech, C-273/05, points 77, 78 et 79 ; TPI CE 17 juin 2009 en cause Korsch AG, T-464/07, point 35).
b. Quant à la recevabilité du recours et à l’examen par la cour.
27. S’agissant de l’exception de non-recevabilité du recours au motif que la demanderesse n’a pas fait usage de la possibilité qui lui est offerte de s’opposer à la décision de refus provisoire, il y a lieu de considérer ce qui suit.
28. Dans sa décision provisoire de refus, l’OBPI a avancé deux motifs de refus absolus, à savoir le caractère descriptif du signe déposé et ‘en outre’ le défaut de caractère distinctif de ce dernier. Il ajoute que la représentation graphique choisie ne lève pas le défaut de caractère distinctif.
29. Il convient assurément de déduire de la disposition à l’article 2.11.3° CBPI que la procédure en deux étapes, la première étant de notifier un refus provisoire avant de prendre une décision définitive, vise à réaliser l’échange d’arguments pendant la première phase.
Ceci suppose cependant que ‘l’indication des motifs’ mentionnée à l’article 2.11.3° ne se limite pas à un renvoi aux articles de la convention et au rappel sommaire de leur contenu, mais qu’au contraire un raisonnement soit développé qui conduise à la conclusion qu’un des motifs de refus est présent.
Si l’OBPI soutient qu’un signe est descriptif et/ou dépourvu de caractère distinctif, le déposant est donc en droit d’attendre qu’on lui communique sur base de quels éléments et circonstances de fait cette conclusion est atteinte. En effet, c’est alors seulement que des arguments peuvent être échangés. C’est uniquement sur cette base qu’il peut être du reste établi que l’autorité des marques a exercé la mission qui lui est dévolue d’examiner tous les éléments et circonstances en présence au regard de chacun des motifs de refus qu’elle avance.
Le passage à l’article 2.11.3° qui traite de ‘l’indication des motifs’ ne saurait donc être comprise que dans le sens où la décision de refus provisoire doit être motivée.
30. Dans le cas présent, l’OBPI a communiqué une décision mais le motif qu’il indique laisse planer une incertitude totale sur les éléments qui l’ont conduit à dire que le signe déposé est descriptif, qu’il est dépourvu de caractère distinctif et que la représentation graphique ne change rien à cette conclusion.
En l’absence de motivation, la demanderesse ne pouvait donc pas non plus présenter des arguments pour réfuter un raisonnement.
31. Par conséquent, même si la défenderesse était suivie dans son point de vue que le recours contre une décision définitive ne peut pas être admis si la décision provisoire n’a pas été critiquée, encore peut-on seulement constater dans le cas présent qu’à défaut de motivation, la demanderesse n’a pas été mise en mesure de fournir une critique sur le fond.
L’exception est rejetée.
32. Conformément à l’arrêt du 29 juin 2006 de la Cour de Justice Benelux, la demanderesse peut seulement soumettre à l’appréciation de la cour tous les faits et circonstances dont elle estime qu’ils démontrent que le dépôt répond aux conditions d’enregistrement et qu’ils rentrent dans le cadre des prétentions qu’elle a formulées devant l’OBPI.
Dans le cas présent, ces prétentions sont contenues dans le dépôt et les faits et circonstances à apprécier doivent porter sur les fondements de refus avancés par l’OBPI.
33. Etant donné que la demanderesse n’a pas demandé pendant la procédure devant l’OBPI de limiter éventuellement l’enregistrement à l’une des classes indiquées par elle, la circonstance que la marque ne répond pas aux conditions d’enregistrement pour une partie des produits ou services appartenant aux classes indiquées a comme conséquence qu’elle ne peut être enregistrée pour aucune des classes (TPI CE, 17 juin 2009 en cause Korsch AG, point 45).
La cour est tenue au demeurant d’apprécier la demande d’enregistrement telle qu’elle a été présentée en vue de son examen par l’OBPI (CJB 15 décembre 2003, arrêt Bureau Benelux des Marques/VTB).
c. L’examen des griefs
34. Dans le cas présent, la demanderesse a déposé la marque reproduite au paragrahe 05 pour deux produits et services des classes administratives 16, 41 et 44.
Le signe est formé en premier lieu par la réunion des deux mots ‘body’ et ‘styling’ qui ont une origine anglaise, mais font partie de la langue néerlandaise. Ils signifient ‘corps’ et ‘forme/ligne’. La réunion des deux produit un nouveau mot composé qui, comme tel, ne fait pas partie d’une langue.
D’autre part, la marque montre un élément figuratif qui est constitué par : (-) le caractère spécial, (-) l’ombre de chaque lettre, qui est obtenue en présentant le signe verbal sous une forme inclinée et dans une autre couleur, ce qui a comme effet que les deux signes semblent avoir été placés l’un derrière l’autre avec une certaine perspective, (-) une teinte verte et gris-vert et (-) un signe plus sous la lettre s.
Il s’agit donc d’un signe composé dont le caractère distinctif doit être apprécié sur base de l’impression d’ensemble qu’il laisse pour les services indiqués et le produit ‘imprimés’.
35. Les produits et services pour lesquels la protection de la marque est demandée apparaissent destinés au consommateur ordinaire.
Le public pertinent que la cour doit prendre en considération pour évaluer la perception de la marque doit donc être pris au sens le plus large et se compose de toutes les personnes qui peuvent entrer en contact avec les services offerts.
On doit donc admettre que ce public moyen est normalement informé et se comporte de manière raisonnablement attentive et avisée.
36. Il faut considérer d’abord que l’impression d’ensemble que produit la marque, prise dans son ensemble, ne peut être réduite à la perception d’un nouveau mot composé dans une présentation stylisée.
Cette composition est du reste de nature telle que le consommateur ordinaire peut y reconnaître non seulement les mots ‘body’ et ‘styling’ dans leur signification courante, mais qu’il pourrait – sans consultation préalable d’un dictionnaire – admettre de manière tout aussi plausible que le mot existe en tant que tel et pourrait vouloir dire ‘styliser le corps’.
Du reste, le signe de marque ne ressemble nullement à un signe qui est utilisé habituellement dans le commerce pour présenter les produits ou services concernés ;
La représentation du mot ‘bodystyling’ occupe clairement une place dominante dans l’ensemble. Le signe + sous la lettre ‘s’ peut être l’expression de la formation du signe verbal ‘body’ + ‘styling’ = ‘bodystyling’ et évoquer en même temps symboliquement un ‘plus’ qui peut être atteint par le fait de ‘styliser’.
Les éléments de couleur qui sont revendiqués comme élément de la marque jouent un rôle significatif. Il est connu que les couleurs ont une signification psychologique et les teintes vertes en l’espèce suscitent un sentiment de jeunesse, d’espoir, de paix, de calme et de nature.
Dans ce contexte, la défenderesse objecte du reste à tort que la description de ces couleurs dans le dépôt ne peut pas suffire en soi pour pouvoir être revendiquée comme élément de la marque. Les couleurs revendiquées sont simplement celles qui sont utilisées dans le dépôt.
37. L’impression d’ensemble laissée par la marque est donc influencée dans une mesure au moins aussi importante par la représentation du mot et les couleurs utilisées que par le mot lui-même.
Dans son ensemble, le signe possède un degré clair d’identification des produits et des services pour lesquels il est déposé.
Le public auquel il s’adresse peut, en raison de la possibilité de désigner les produits et services par le mot ‘bodystyling’ en liaison avec le signe plus et la combinaison nettement identifiable de couleurs, attribuer ces produits et services à une entreprise déterminée par rapport à une autre entreprise.
La présentation ne correspond en rien à une présentation usuelle dans le secteur.
Au contraire, cette présentation fournit précisément un élément d’identification qui contribue à ce que les produits qui sont mis dans le commerce dans une présentation tellement frappante, seront identifiés comme provenant d’une entreprise déterminée.
38. La conclusion générale est que le signe de la demanderesse ne manque pas de caractère distinctif et qu’il est par conséquent susceptible d’enregistrement de ce point de vue.
Le motif de refus tiré de l’article 2.11.1 b CBPI ne se présente pas en soi sous réserve de déterminer si le caractère distinctif ne peut pas se perdre en raison du caractère éventuellement descriptif du signe composé.
39. Les deux mots dans le signe figuratif qui forment ensemble l’élément prépondérant de la marque ont chacun une signification qui est connue sur le territoire Benelux.
Le mot ‘body’ appartient aussi bien en français qu’en néerlandais au langage ordinaire, si ce n’est que ‘body’ en français a un signification spécifique pour désigner une pièce de vêtement. Il a déjà été relevé plus haut que le mot ‘styling’ appartient lui aussi à la langue néerlandaise.
Du reste, la langue anglaise a suffisamment pénétré le territoire Benelux pour que le public auquel s’adresse le signe déposé identifie les deux mots dans leur signification habituelle.
La combinaison verbale sera dès lors comprise par le public néerlandophone pertinent dans son sens néerlandais de ‘mettre en forme le corps’.
40. Sans aucun doute, chacun de ces mots, qui appartiennent au langage courant, a un caractère descriptif et ils peuvent servir dans le commerce pour désigner l’espèce et la caractéristique des services pour lesquels il est déposé.
C’est en particulier le cas des services de la classe 44 indiqués dans le dépôt, qui peuvent évoquer la mise en forme du corps.
Les deux signes verbaux ne sont pas non plus utilisés mutuellement de manière telle qu’ils forment ensemble un tout qui peut être jugé différent de leur seule combinaison. La simple réunion en un ‘nouveau’ signe verbal ne prime dès lors pas comme telle le descriptif.
41. Toutefois, le caractère distinctif n’est manifestement pas produit de manière prépondérante par la réunion mentionnée des signes descriptifs.
Il a déjà été constaté ci-dessus que la représentation graphique des mots et la combinaison de couleurs dans laquelle le tout a pris forme constituent un facteur aussi important en vue de l’identification que les mots en tant que tels. Le regard du consommateur ordinaire à qui le signe s’adresse s’attardera dans une mesure au moins égale aux couleurs, à la symbolique et à l’esthétique globale de la marque qu’aux signes verbaux réunis en son sein.
On ne saurait donc admettre le point de vue de l’OBPI selon lequel la présentation du signe dans son ensemble n’enlève rien au caractère exclusivement descriptif d’un nouveau signe verbal composé dont les éléments constitutifs peuvent servir pour désigner l’espèce et une caractéristique des produits pour lesquels il est déposé.
42. Par conséquent, le motif de refus absolu tiré de l’article 2.11.1 c CBPI ne fait pas davantage obstacle à l’enregistrement du signe déposé.
L’enregistrement confère à la demanderesse seulement des droits exclusifs sur le signe complexe dans son ensemble, mais nullement d’emblée sur tous ses éléments constitutifs, pris séparément.
43. A défaut de motif pertinent de refus, l’enregistrement n’aurait pas dû être radié et l’enregistrement du dépôt ne pouvait donc pas être refusé.
Il convient par conséquent d’accueillir la demande de la demanderesse.
44. L’indemnité de procédure qui revient à la requérante doit être fixée à 1.200 euros, dès lors que l’action n’est pas évaluable en argent.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Eu égard à l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en matière judiciaire,
Statuant contradictoirement,
Reçoit la demande et la déclare fondée,
Annule la décision attaquée par laquelle l’enregistrement de la marque déposée par la demanderesse dans le registre des marques Benelux est refusé.
Ordonne à l’OBPI d’enregistrer la marque déposée sous le numéro 1147562 dans le registre des marques Benelux pour les produits et services des classes 16, 41 et 44 indiqués dans le dépôt.
Condamne l’OBPI au paiement des frais de procédure qui sont fixés à 1.386 euros pour la demanderesse et à zéro euro pour elle-même.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience civile publique de la dix-huitième chambre de la cour d’appel de Bruxelles, le 08 septembre 2009
Où étaient présents et siégeaient :
M. Paul BLONDEEL Président
M. E. BODSON Conseiller
M. I. MERCELIS Conseiller suppléant
Mme D. VAN IMPE Greffier
VAN IMPE
MERCELIS
BODSON
BLONDEEL
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