Prononcé : 18 septembre 1997
No de la requête.: 97/294
LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre IVA5,
a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :
INTERNATIONAL SALES PROMOTORS B.V.,
agissant sous le nom de Bae Shian Nederland B.V., de même que sous le nom de Chien Pu Wan B.V.,
dont le siège est à Oosterwijk,
requérante,
avoué : Me A.H. Vermeulen
contre
Le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen
La procédure
Par requête (avec annexes) parvenue au greffe de la cour le 3 avril 1997, la requérante, dénommée ci-après ISP, a demandé à la cour d’ordonner au Bureau Benelux des Marques d’enregistrer le dépôt de la marque CHIEN PU WAN, tel qu’il a été effectué le 11 mars 1996 sous le numéro 866.929, 867.428 et 867.429 également pour les produits refusés et de condamner le Bureau, aux dépens.
Par mémoire en défense (avec annexes) parvenu au greffe de la cour le 29 avril 1997, le Bureau a demandé de rejeter la requête.
La procédure orale a eu lieu le 26 août 1997. Les avoués des parties ont exposé les points de vue des parties, l’avoué de la requérante à l’aide de notes de plaidoirie.
Examen de la requête
1. La requête a été introduite dans le délai.
2. La requête et les documents qui lui sont joints font apparaître ce qui suit :
a. Le 11 mars 1996, ISP a déposé auprès du Bureau la marque CHIEN PU WAN pour des produits dans :
- la classe 5 : produits pharmaceutiques; compléments nutritifs à usage médical; en particulier pilules noires sphériques aux herbes.
- la classe 16 : Papier, carton et produits en ces matières non compris dans d’autres classes; produits de l’imprimerie; dépliants, brochures, papier à lettre, affiches, étiquettes et autocollants; journaux publicitaires, revues, magazines, bulletins et autres imprimés; articles pour reliures; photographies; papeterie; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage; machines à écrire et articles de bureau; matériel d’instruction ou d’enseignement; matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes); cartes à jouer, caractères d’imprimerie; clichés.
ainsi que pour des services dans :
- la classe 35 : publicité et affaires; services de publicité et promotion publicitaire; diffusion de publicité; tout ce qui concerne la promotion des ventes, les messages publicitaires, publicité et communications de presse via la radio, la télévision et moyennant l’édition de journaux, brochures et autres imprimés; relations publiques et activités marchandes; ce qui précède en particulier pour les pilules aux herbes selon la recette chinoise.
b. Par lettre du 1er juillet 1996, le Bureau a fait savoir au mandataire de ISP qu’il refusait provisoirement l’enregistrement. Le Bureau a indiqué les motifs suivants :
Le signe CHIEN PU WAN est purement descriptif pour les produits et services mentionnés dans les classes 5, 16 et 35 dans la mesure où ils se rapportent au produit aux herbes chinoises chien pu wan (voyez à ce sujet le jugement Arr.Rb. Breda 25 avril 1995, suivi de la radiation judiciaire dans le Recueil Benelux des Marques de juin 1996) et est dépourvu de tout pouvoir distinctif au sens de l’article 6bis, premier alinéa, sous a, de la Loi uniforme Benelux sur les marques (voir annexe).
c. ISP a déposé réclamation contre ce refus provisoire auprès du Bureau. Le Bureau n’y a pas vu motif à revoir la décision de refus provisoire. Par lettre du 4 février 1997, le Bureau a informé ISP de sa décision portant refus définitif de l’enregistrement.
3. ISP soutient que le Bureau a une obligation d’examen propre et que le Bureau ne peut pas se baser exclusivement sur la décision du tribunal de Breda. Si le Bureau avait satisfait à son obligation d’examen, il aurait constaté qu’il n’y avait nullement transformation en dénomination générique.
4. Le Bureau demande à la cour de rejeter la requête de ISP.
5. Les faits suivants sont encore à prendre en considération pour l’appréciation de la requête :
a. Ainsi qu’il ressort de la lettre du Bureau citée au point 2b, la marque verbale CHIEN PU WAN a déjà fait l’objet d’une procédure auparavant. Dans une procédure opposant Bae Shian Pharmaceutical Co. Ltd. et ISP, en qualité de demanderesses, à la Stichting 3-Maste Products Promotion, en qualité de défenderesse, le tribunal a dit pour droit dans un jugement du 25 avril 1995, dans la mesure qui nous intéresse ici, que le dépôt de la marque verbale CHIEN PU WAN est nul et a ordonné la radiation d’office du dépôt. Le tribunal avait constaté que la marque verbale était venue à déchéance en raison de sa transformation en dénomination générique.
b. Il n’a pas été interjeté appel de ce jugement. Une fois le jugement passé en force de chose jugée, le Bureau a procédé à la radiation de la marque verbale CHIEN PU WAN, conformément à l’injonction du tribunal de Breda.
6. Ce que ISP désire en fait, c’est que le Bureau, après avoir procédé d’abord à la radiation de l’enregistrement d’un dépôt déterminé d’une marque verbale - transformée en dénomination générique selon une décision judiciaire passée en force de chose jugée - sur injonction du juge, et être appelé ensuite à statuer dans le cadre d’un examen d’un dépôt identique sur pied de l’article 6bis de la LBM, recherche si le juge a décidé à bon droit qu’il y avait transformation en dénomination générique.
7. La cour estime que permettre au Bureau une telle révision d’une décision judiciaire ne serait pas conforme à la délimitation des tâches et des attributions respectives du Bureau et du juge, telles qu’elles sont prévues dans la Convention Benelux et la LBM. C’est pourquoi le Bureau a eu raison de présumer le bien-fondé de la décision judiciaire.
8. ISP ne l’ayant pas allégué, la cour n’a pas à se demander si le Bureau aurait pu prendre une décision différente au cas où ISP aurait prouvé que la marque verbale en question avait (à nouveau) un caractère distinctif dans l’intervalle. Le résumé d’une « enquête Nielsen » produit par ISP est dénué de pertinence à cet égard à cause de la date (automne 1994).
9. La cour en conclut que la requête de ISP doit être rejetée et que ISP sera condamnée aux dépens.
10. Enfin, la cour fait encore l’observation suivante.
Dans son mémoire en défense, le Bureau mentionne quatre personnes morales qui, en raison de leur implication dans des procédures antérieures portant sur la marque CHIEN PU WAN, devraient sans doute être appelées à la cause comme parties intéressées.
Ces personnes morales pourraient effectivement être considérées comme des parties intéressées si la question de la transformation de la marque considérée en dénomination générique était abordée dans la présente procédure. Dès lors que la cour estime que cette question ne doit pas être abordée, ces personnes morales n’ont pas d’intérêt à être appelées à la cause.
Décision
La cour rejette la requête de ISP et condamne ISP aux dépens de la présente procédure, fixés à f 4.640,- pour le Bureau jusqu’à ce prononcé.
La présente ordonnance a été rendue par messieurs Brinkhof, Fasseur-van Santen et Van den Ende-Wiefkers et prononcée à l’audience publique du 18 septembre 1997 en présence du greffier.