Numéro de requête 98/301

Date
Instance
REC NL
Marque
FAMILYCHIP
Numéro de dépôt
Déposant
ChipTec International B.V.
Texte

Prononcé : 7 janvier 1999
No de la requête.: 98/301

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,

a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :

CHIPTEC INTERNATIONAL B.V.,
dont le siège est à Willemstad (Curaçao),

requérante,
avoué : Me T. Cohen Jehoram

contre

le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,

défendeur, avoué : Me D. Rijpma

La procédure

Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 8 mai 1998, la requérante (dénommée ci-après Chiptec) a demandé à la cour d'ordonner au défendeur (dénommé ci-après le Bureau), de procéder à l'enregistrement du dépôt international 889540 (FAMILYCHIP) pour tous les produits et services refusés, du moins pour les produits et services mentionnés dans le dépôt pour lesquels le signe n’est pas purement descriptif, et de condamner le Bureau aux dépens de la procédure.

Par mémoire en défense reçu au greffe de la cour le 22 juin 1998, le Bureau a demandé à la cour de rejeter la requête et de condamner Chiptec aux dépens.

La procédure orale sur la requête est intervenue le 3 décembre 1998. Les parties, tout en produisant chacune des pièces, ont exposé leurs points de vue à l'aide de notes de plaidoirie, Chiptec par son avoué, et le Bureau par Me J.H. Spoor, avocat à Amsterdam.

Examen de la requête

1. La requête a été introduite dans le délai.

2. La requête et les pièces jointes à celle-ci font apparaître ce qui suit :

a. Le 11 mars 1997, Chiptec a déposé auprès du Bureau le signe FAMILYCHIP sous le numéro 889540 comme marque verbale pour les produits et services suivants en :

classe 9: appareils et instruments électriques et électroniques, photographiques, cinématographiques, optiques, de contrôle (inspection); appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction de données sur image; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques; cartes magnétiques et à lecture optique contenant des informations codées, y compris des informations financières; cartes d’autorisation, cartes pour l’obtention et le stockage d’informations comportant des composants actifs et constituants des supports de données; cartes de paiement, cartes de crédit et cartes de débit munies d’une bande magnétique; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, équipement pour le traitement de l’information; matériel et logiciel informatique.

classe 16: papier et articles en papier et produits en cette matière non compris dans d’autres classes; produits de l’imprimerie, revues, magazines, supports de données en papier ou en carton.

classe 36: émission et diffusion de bons de valeur, chèques cadeaux, supports magnétiques de données financières, cartes de crédit et de débit; services financiers et services de carte de paiement, à savoir services “carte de crédit” et “carte de débit”.

b. Par lettre du 18 juillet 1997, le Bureau a notifié à Chiptec le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt 889540.
Le Bureau a indiqué les motifs suivants :

"Le signe FAMILYCHIP indique de façon très évidente les produits et services mentionnés dans les classes 09, 16 et 36 en rapport avec une carte à puce concernant l’ensemble de la famille. Le signe est dès lors dépourvu de tout pouvoir distinctif au sens de l'article 6bis, par. 1er, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques(...)."

c. Le conseil de Chiptec a fait opposition en son nom à ce refus provisoire par lettre du 16 janvier 1998.

d. Le Bureau n'y a pas vu motif à revoir sa décision de refus provisoire.

e. Par lettre du 9 mars 1998, le Bureau a notifié au conseil et au mandataire de Chiptec sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du dépôt.

3. Sur pied de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), Chiptec a demandé à la cour d'ordonner au Bureau de procéder à l'enregistrement du dépôt pour tous les produits et services refusés, du moins pour les produits et services mentionnés dans le dépôt pour lesquels le signe FAMILYCHIP n’est pas purement descriptif. Chiptec soutient que le signe FAMILYCHIP ne peut pas être tenu pour un signe dépourvu de tout caractère distinctif.

4. Le Bureau, qui a basé ses décisions sur l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM a demandé de rejeter la requête.

5. En vertu de l'article 6bis, alinéa 1er, début et sous a, de la LBM, l'enregistrement d'un dépôt doit être refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.
Cette disposition est libellée comme suit :

"Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants :
1. (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;"

La cour part du principe que le renvoi que font l’article 6bis et 14A, début et sous 1.a, de la LBM à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris n'est pas limité à la première catégorie citée ("dépourvues de tout caractère distinctif") mais concerne les trois catégories énumérées dans cet article.

6. La cour partage la conception du Bureau selon laquelle le signe FAMILYCHIP est dépourvu de tout caractère distinctif.
Le signe est composé des mots “family” et “chip” qui, comme la cour a pu s’en assurer à suffisance au vu des pièces produites par le Bureau, sont par eux-mêmes descriptifs pour “la famille” et “le ménage” pour respectivement (entre autres) une carte de paiement avec relais électroniques (carte à puce) et le paiement avec celle-ci.
La circonstance qu’il s’agit de mots anglais n’a pas pour effet de procurer à la combinaison de mots un caractère distinctif. Les mots “family” et “chip” ou “chippen” sont devenus usuels dans le langage courant des pays du Benelux dans les domaines concernés. Certes, la combinaison verbale FAMILYCHIP ne peut pas (encore) être réputée appartenir au langage courant mais, vu l’évolution progressive de la langue qui ne saurait être monopolisée, elle constitue déjà une combinaison à ce point évidente des vocables distincts qu’il convient de la tenir pour purement descriptive. Le public (concerné) percevra dès lors la combinaison verbale comme l’indication de la destination ou de la clientèle de la carte à puce.

7. Chiptec a encore fait valoir que les "Directives du Bureau Benelux des Marques concernant les critères de refus des marques pour motifs de nullité absolus" mentionnent à propos du signe ALLERFREE que cette “contraction non évidente et inhabituelle” possède un caractère distinctif.
La cour est d’avis que le signe FAMILYCHIP ne peut être mis sur le même pied que ALLERFREE car, contrairement à ce qui suit des considérations susvisées au sujet de FAMILYCHIP, ces directives partent du principe que ALLER n’est justement pas l’abréviation usuelle de l’allergie dans les pays du Benelux et que, dès lors, cette combinaison verbale est tenue pour non évidente et inhabituelle.
De plus, il n’est pas vrai que le signe acquiert un caractère distinctif du fait que d’autres dépôts éventuellement non distinctifs ont été enregistrés.
Chiptec a exposé à cet égard que le signe RELATIONCHIP déposé par elle a bien été enregistré comme marque et qu’il est arbitraire de refuser l’enregistrement du dépôt FAMILYCHIP, dès lors que le Bureau constitue une autorité administrative au sens de la loi portant le code général de droit administratif (Algemene wet bestuursrecht).

Chiptec méconnaît le fait que la marque RELATIONCHIP contient un jeu de mots identifiable par le public qui donne à cette combinaison verbale un cachet particulier de sorte qu’elle possède un caractère distinctif. Toutefois, même s’il n’en était pas ainsi, il n’en reste pas moins que la cour doit apprécier le caractère distinctif de FAMILYCHIP selon ses mérites propres sur la base des règles applicables. Par ailleurs, il est à noter que, contrairement à ce que pense Chiptec, le Bureau est une administration instituée par les pays du Benelux, qui ne saurait être considérée purement et simplement comme une autorité administrative (néerlandaise) au sens de la loi portant le code général de droit administratif.

8. S’agissant de la requête (subsidiaire), la cour fait les observations suivantes.
L’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris cite comme l’une des catégories les “indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production”.
On ne peut pas dire, en l’espèce, que le signe FAMILYCHIP n’est pas descriptif dans ce sens pour les produits dans les classes 9 et 16 et les services dans la classe 36, pour lesquels le dépôt a été effectué.

9. Chiptec a déclaré à l’audience qu’elle ne revendiquait pas la consécration du signe par l’usage. C’est pourquoi la cour écartera la thèse de Chiptec que le Bureau doit prouver la non-consécration par l’usage.
La cour fait simplement observer que la thèse de Chiptec, à savoir que la disposition de l’article 3, alinéa 1er, de la LBM portant que le droit exclusif à la marque s’acquiert par le premier dépôt impliquerait l’obligation pour le Bureau de prouver chaque fois la non-acquisition des droits de marque, est incompatible avec les dispositions des articles 6bis et 6ter de la LBM.

10. Les considérations qui précèdent ne sont pas affectées par la mention dans le Commentaire commun des Gouvernements selon laquelle la politique de contrôle du Bureau devra être "une politique de circonspection et de retenue", visant uniquement "à faire régulariser ou à refuser les dépôts manifestement inadmissibles".
Comme la cour est d’avis que l’enregistrement de la marque a été refusé à bon droit, elle n’a pas à se prononcer sur le point de savoir si, dans l’hypothèse d’un doute quant à la nécessité de refuser un dépôt, il convient d’ordonner l’enregistrement de ce dernier.

11. Il suit de ce qui précède que la requête principale et subsidiaire de Chiptec doit être rejetée, qu'il n'y a plus lieu d'examiner les autres points litigieux et que Chiptec sera condamnée aux dépens en tant que partie succombante.

Décision

La cour :

rejette la requête principale et subsidiaire de Chiptec;

condamne Chiptec aux dépens de la présente procédure et fixe ceux-ci à f 3.840,- les dépens jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le Bureau.

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Brinkhof, Fasseur-van Santen et Van den Ende-Wiefkers, et prononcée à l'audience publique du 7 janvier 1999 en présence du greffier.