Numéro de requête R03/396

Date
Instance
REC NL
Marque
EURO-DISPLAY
Numéro de dépôt
Déposant
VERPACKUNG + DISPLAYS STABERNACK JR PARTNER GmbH & Co.
Texte

Prononcé : 29 juin 2006

N°de requête : R031396

 

La cour d'appel de La Haye, chambre MC-5,

 

a prononcé l'ordonnance suivante à la requête de

 

la société de droit étranger

VERPACKUNG + DISPLAY STABERNACK JR PARTNER GmbH & Co.,

dont le siège est à Fulda, Allemagne,

requérante,

dénommée ci-après: Stabernack;

avoué: Me R.W.L. Russell,

avocat: Me W.Q. Russell (Amsterdam),

 

contre

 

le BUREAU BENELUX DES MARQUES,

dont le siège est à La Haye,

défendeur,

dénommé ci-après: BBM,

avoué: Me C.J.J.C. van Nispen.

 

La suite de la procédure

 

Dans son ordonnance du 18 septembre 2003, la cour a suspendu l'examen de la cause (pro forma) en attendant que la Cour de Justice Benelux et la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) répondent aux questions d'interprétation qui leur avaient été posées par la cour dans son ordonnance du 3 juin 1999 dans l'affaire KPN/BBM concernant le signe POSTKANTOOR.

 

Par lettre du 15 avril 2004, la cour a donné à la requérante la possibilité de réagir à la suite des réponses données par la CJCE dans son arrêt du 12 février 2004 (BIE 2005, 106 et IER 2005, 22).

 

La requérante a répondu par lettre du 15 juillet 2004 qu'elle ne voyait rien à ajouter à ce qu'elle avait exposé jusque là.

 

Par lettre du 20 septembre 2004, la requérante a demandé, au nom également du conseil du défendeur, à la cour de rendre son ordonnance.

 

Appréciation de la requête

 

1. La cour renvoie à ce qu'elle a considéré dans son ordonnance du 18 septembre 2003.

 

2. La requête de Stabernack a pour objet à titre principal l'enregistrement du signe EURO-DISPLAY comme marque verbale pour les produits suivants:

'Classe 16 Papier, carton, et produits en ces matières non compris dans d'autres classes; produits de l'imprimerie; matériel d’emballage en papier, carton, plastique non compris dans d’autres classes.'

 

Elle demande à titre subsidiaire l'enregistrement du signe pour les produits prémentionnés avec la mention "tous à l’exception des displays".

 

3. Par l'arrêt précité du 12 février 2004, la CJCE a dit pour droit que la directive 89/104/CE (première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des états membres sur les marques, JOCE 1989 L 40/1) s'oppose à ce 'qu'une autorité compétente en matière d'enregistrement des marques enregistre une marque pour certains produits ou certains services à condition qu'ils ne présentent pas une caractéristique déterminée.' La Cour de Justice Benelux a décidé dans le prolongement de cet arrêt qu'il n’est pas compatible avec le système de la loi Benelux sur les marques (ci-après: LBM) et du Règlement d’exécution qu’un signe fasse l’objet, pour des produits ou des services déterminés, d’un enregistrement assorti de la restriction selon laquelle il ne vaut que dans la mesure où lesdits produits ou services ne possèdent pas une ou plusieurs qualités déterminées.' (arrêt du 1er décembre 2004, sous 31, BIE 2005, 107 et IER 2005, 21). Le Hoge Raad a décidé ensuite dans le même sens dans son arrêt du 17 mars 2006, (RvdW 2006, 288). Il s'ensuit que la requête subsidiaire de Stabernack ne peut pas être accueillie.

 

4. Aussi convient-il d'examiner la requête d'enregistrement du signe pour les produits mentionnés dans le dépôt.

Stabernack fonde sa requête sur le fait que le signe EURO-DISPLAY possède un caractère distinctif et n'est pas exclusivement descriptif des produits mentionnés dans le dépôt. Elle soutient – en résumé – que le signe a été déposé pour des produits éloignés des displays et constitue une combinaison verbale inhabituelle et fantaisiste pour ces produits, avec plusieurs significations. Elle relève encore l'acceptation du signe par l'Office européen des marques (OHMI) et son enregistrement dans d'autres pays. De plus, le BBM a eu tort de faire intervenir la circonstance qu'elle envisagerait d'utiliser ou non le signe pour des displays, selon Stabernack.

Le BBM a contesté les allégations de Stabernack de manière motivée.

 

5. Le refus du BBM d'enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM, tel qu'il était libellé jusqu'au 1er janvier 2004 (entrée en vigueur du Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (Trb. 2002, 37)). L'article 6bis, alinéa 1er, sous a (ancien), disposait que l'enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er de la LBM, ‘notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.''

Le texte actuel de l'art. 6bis, alinéa 1er, de la LBM comporte une énumération des motifs de refus d'une marque pour défaut de tout caractère distinctif. L'énumération est empruntée à l'article 3, § 1, sous a à d, de la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques (JOCE 1989, L 40/1). D'après le Commentaire commun des gouvernements joint audit Protocole (sur l'article F), aucune modification quant au fond n'est envisagée avec cette adaptation textuelle. Pour l'appréciation du signe, il est donc indifférent que l'on se base sur le texte ancien ou sur le texte actuellement en vigueur de l'article 6bis, alinéa 1er, de la LBM. Celui-ci s'énonce, entre autres, comme suit:

 

« Le Bureau Benelux refuse d’enregistrer une marque lorsqu’il considère que :

(…)

b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;

c. la marque est composée exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou d’autres caractéristiques de celui-ci ;

d. la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce; »'

 

8. La Cour de justice CE a interprété lesdites dispositions de la directive 89/104 dans l'affaire C-363199, POSTKANTOOR, précitée, et dans l'affaire C-265/00, BIOMILD. La Cour de justice a décidé dans ces arrêts qu'une marque verbale dont l'enregistrement – pour des produits ou services déterminés – se heurte à l'article 3, § 1, sous e, est nécessairement dépourvue de tout caractère distinctif pour ces produits ou services au sens de l'article 3, § 1, sous b de la directive.

 

De plus, la Cour de justice a dit pour droit sous le point 5 du premier arrêt cité:

"L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un mot composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu'il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Dans ce dernier cas, il y a alors lieu de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n'est pas lui-même descriptif au sens de la même disposition.

 

Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement ou que les caractéristiques des produits ou services qui sont susceptibles d'être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires."

Il est généralement admis que le caractère distinctif du signe doit être apprécié, d'une part, par rapport aux produits ou services pour lesquels il est enregistré et, d'autre part, par rapport à la perception qu'en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

 

9. Le signe déposé combine le mot ''display' au mot 'euro'. Un display est selon le dictionnaire Van Dale Groot Woordenboek Hedendaags Nederlands (troisième édition) un écran de lecture (d'appareils électroniques) ou un objet pour étaler la marchandise.

'Euro'

On ne peut pas dire que le signe global diffère de manière perceptible de la simple somme des éléments qui le composent. Les deux mots courants dans le langage normal sont accolés l'un à l'autre de manière conventionnelle ou reliés par un trait d'union, sans dépasser la somme des éléments séparés sur le plan conceptuel, visuel ou auditif. Il ne s'agit nullement d'une combinaison inhabituelle pour des produits en rapport avec des displays, qui produit une impression suffisamment éloignée de l'impression créée par la simple réunion de l'appellation des éléments.

Il suit de ce qui précède que le signe EURO-DISPLAY est dépourvu ab initio de tout caractère distinctif pour des displays. La cour ne suit pas Stabernack dans son argument selon lequel le signe est déposé un produit s'écartant des displays. Stabernack ne démontre pas que les displays confectionnés en papier ou en carton (classe 20) relèvent d'une autre classe de produits. C'est pourquoi la cour considère que de tels displays appartiennent aux produits pour lesquels Stabernack demande l'enregistrement. Cette décision s'appuie encore sur les pièces produites par le BBM, qui montrent des reproductions de displays (commercialisés par Stabernack). La plupart de ces displays sont de simples objets, pliés ou emboîtés, en carton que le public concerné identifiera aisément comme un produit confectionné en papier ou en carton. Le défaut de caractère distinctif du signe pour le produit déposé ne peut pas non plus être couvert par le fait que Stabernack, selon ses dires, na pas l'intention d'utiliser le signe pour des displays.

 

11. Il suit de ce qui précède que Stabernack échoue à démontrer que EURO-DISPLAY serait une combinaison verbale inhabituelle et fantaisiste pour les produits concernés. Il n'est pas pertinent pour l'appréciation que le signe, comme l'affirme Stabernack, a plusieurs significations, dès lors qu'il est descriptif pour le produit concerné dans la signification décrite ci-dessus (Cour de justice CE, 23 octobre 2003, affaire C-191/01, 'DOUBLEMINT', (BIE 2004, 18; IER 2004, 12)) et 12 février 2004, affaire C-363/99, POSTKANTOOR (BIE 2005, 106, IER 2002, 44).

 

12. Stabernack se prévaut encore d'une demande d'enregistrement (non poursuivie) du signe comme marque communautaire et de l'enregistrement comme marque au Royaume Uni et dans quelques autres pays européens, en soulignant l'harmonisation étendue des législations sur les marques dans la Communauté européenne. Ces éléments n'amènent pas la cour à une autre décision. L'enregistrement d'un signe identique pour des produits identiques en dehors des pays du Benelux, même dans des Etats membres de la Communauté européenne, constitue une circonstance parmi tous les autres faits et circonstances à prendre en considération et n'est pas en soi déterminant pour la question de savoir si le signe est apte à l'enregistrement dans le Benelux (cf. CJCE 12 février 2004, affaire C-218/01, Henkel. Rec. 2004, I-1725, points 61 et suiv.). La cour doit apprécier le caractère distinctif du signe suivant ses mérites propres et sur base des règles applicables à l'espèce. Les enregistrements allégués de même que le fait que le signe a passé le test de l'examen pour motifs de refus absolus par l'examinateur de l'office européen des marques ne suffisent pas à infirmer les considérations qui précèdent.

 

13. La cour décide que dès lors que le signe peut servir à désigner les (caractéristiques des) produits pour lesquels l'enregistrement est demandé, son enregistrement serait contraire à l'intérêt général qui exige que le signe soit laissé à la libre disposition de toutes les entreprises, de sorte qu'elles puissent utiliser ce signe pour désigner (les mêmes caractéristiques de) leurs produits et services (CJCE 12 février 2004, POSTKANTOOR, points 55 et 56).

 

14. En conclusion, la requête de Stabernack sera rejetée et Stabernack sera condamnée comme partie succombante aux frais de la procédure.

 

est une abréviation courante du concept Européen et est (en tout cas après le 1er janvier 1999) l'indication de l'unité monétaire européenne. 'Euro' est devenu dans le langage normal un préfixe tellement courant qu'il est dépourvu en soi de toute capacité à distinguer des produits ou services comme provenant d'une entreprise déterminée. Stabernack ne conteste pas que 'display' est une indication exclusivement descriptive pour les produits ou services en rapport avec des displays. Si display doit être considéré comme exclusivement descriptif, l'indication EURO-DISPLAY n'est pas moins descriptive.

 

Décision

 

La cour:

 

Rejette la requête de Stabernack;

 

Condamne Stabernack aux frais de la procédure et fixe ceux-ci, jusqu'à ce prononcé, à € 2.033,- pour le Bureau Benelux des Marques

 

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers-Becking et Verduijn, et a été prononcée à l'audience publique du 29 juin 2006, en présence du greffier.

 

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