Numéro de requête R03/917

Date
Instance
REC NL
Marque
CREATING PERFORMANCE TECHNOLOGY
Numéro de dépôt
Déposant
SÜD-CHEMIE A.G.
Texte
Numéro de requête: R03/917
 
SÜD-CHEMIE A.G. contre BBM
AU NOM DE LA REINE
 
Prononcé: 8 avril 2004
Numéro de requête: R03/917
 
La cour d’appel de La Haye, chambre MC-5,
 
a rendu l’ordonnance suivante à la requête de :
 
La société de droit étranger SÜD-CHEMIE A.G.,
dont le siège est à Munich, Allemagne, requérante,
(dénommée ci-après : Süd-Chemie)
avoué: Me P.J.M. von Schmidt auf Altenstadt,
avocats: Me D.J.G. Visser et Me B.R.J. van Ramshorst à Amsterdam,
 
contre
 
Le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye, défendeur,
(dénommé ci-après : le Bureau Benelux des Marques)
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen.
 
La procédure
 
Par requête (avec annexes numérotées de 1 à 4), parvenue au greffe de la cour le 14 octobre 2003, Süd-Chemie a demandé à la cour, en ordre principal, d’ordonner au Bureau Benelux des Marques d’enregistrer le signe déposé sous le numéro d’enregistrement international 780 026 CREATING PERFORMANCE TECHNOLOGY comme marque verbale, subsidiairement, d’ordonner au Bureau Benelux des Marques d’enregistrer le signe en ajoutant dans chaque classe de produits pour laquelle l’enregistrement est demandé que le signe n’est pas revendiqué en ce qui concerne la création de technologie à haute valeur ajoutée, dépens comme de droit.
 
Le Bureau Benelux des Marques a demandé, par mémoire en défense (avec annexes numérotées de 1 à 4), parvenu au greffe de la cour le 20 novembre 2003, de rejeter la requête de Süd-Chemie, dépens comme de droit.
 
Par lettre parvenue au greffe de la cour le 8 mars 2004, Süd-Chemie a ensuite versé au dossier des pièces numérotées de 5 à 8.
 
L’audience de plaidoiries sur la requête a eu lieu le 15 mars 2004. Les parties ont fait exposer leurs points de vue à cette occasion, Süd-Chemie par Me Van Ramshorst, préqualifié, et le Bureau Benelx des Marques par Me Van Nispen, préqualifié, tous deux à l’aide de notes de plaidoirie.
 
Examen de la requête
 
1.         La requête a été introduite dans le délai.
 
 
2.         Les pièces de la procédure et les allégations des parties ont fait apparaître ce qui suit :
a. Süd-Chemie a déposé le 6 novembre 2001, sous le numéro d’enregistrement international 780 026, le signe CREATING PERFORMANCE TECHNOLOGY comme marque verbale pour un grand nombre de pays, dont ceux du Benelux, ce pour les produits en classes 1, 2, 3, 19 et 31, à savoir:
 
Cl. 01 Chemical products for use in industry, in particular clays and clay minerals included in this class, earths tor bleaching, adsorbents and drying agents, preparations for use as auxiliaries in foundries, swelling agents and thickening agents, all based on clays, suspensions for use as drilling fluids or drilling muds, fillers, carrier substances, mineral acids, catalysts and carrier substances for catalysts, preparations for purification of water and waste water; chemical products for use in agriculture, horticulture and forestry; chemical products for use in science.
Cl. 02 Preparations and substances, all for swelling and thickening paints and lacquers; pigments.
Cl. 03 Cleaning, polishing scouring and abrasives preparations. Cl. 19 Clay and clay suspensions for construction purposes.
Cl. 31 Animal feed and animal feed additives:
 
Selon le commentaire abrégé de Süd-Chemie, il s’agit (en classe 1) de produits chimiques basés sur l’argile à des fins d’usage dans l’industrie, l’agriculture, l’horticulture et la science ; (en classe 2) de préparations de peinture et de colorants ; (en classe 3) de produits d’entretien, d’encaustiques, de détergents et d’abrasifs ; (en classe 19) d’argile et d’argile en suspension ; et (en klasse 31) d’aliments pour animaux et d’additifs d’aliments pour animaux.
 
b. Par lettre du 25 septembre 2002, le Bureau Benelux des Marques a notifié le refus provisoire de l’enregistrement du dépôt. En transcription néerlandaise, le Bureau Benelux des Marques a indiqué comme motif(s) que le signe CREATING PERFORMANCE TECHNOLOGY est composé exclusivement du verbe Creating (anglais pour créer) et des indications génériques Performance (performance) et Technology (technologie) et est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits mentionnés en classes 1, 2, 3, 19 et 31 dans la mesure où ils se rapportent à la création d’une technologie fournissant une haute performance.
 
c. Au nom de Süd-Chemie, réclamation a été introduite par lettre du 5 février 2003 contre le refus provisoire de l’enregistrement du dépôt. Süd-Chemie a soutenu que le signe déposé a un pouvoir distinctif pour les produits concernés, étant donné que ces produits ne concernent pas des technologies fournissant de hautes performances ni ne s’y rapportent, que la marque a été acceptée dans un certain nombre de pays anglophones et que le signe n’est pas une indication qui doit être préservée pour une branche déterminée de l’industrie ou du commerce.
 
d. Le Bureau Benelux des Marques n’a va vu dans les objections avancées par Süd-Chemie un motif de revoir son refus provisoire (lettre du Bureau Benelux des Marques du 25 mars 2003).
 
e. Par lettre du 8 août 2003, le Bureau Benelux des Marques a notifié à Süd-Chemie sa décision portant refus définitif de l’enregistrement du dépôt.
 
3.            Süd-Chemie fonde sa demande principale sur le fait que le signe possède un caractère distinctif puisqu’il n’évoque pas les (caractéristiques essentielles) des produits pour lesquels il est déposé, qu’elle utilise déjà le signe systématiquement comme (sous-)marque et que le signe, même conçu comme un slogan, est à ce point original et simple que le public y verra plus qu’un simple message publicitaire. Elle affirme par ailleurs que le signe, à cause d’un usage systématique et intense, a été consacré comme marque par l’usage. Enfin, Süd-Chemie allègue qu’il faut prendre en considération le fait que la marque est enregistrée dans les pays anglophones que sont l’Irlande et l’Australie. A l’égard de sa demande subsidiaire, Süd-Chemie s’en est remise à l’appréciation de la cour à l’audience. Le Bureau Benelux des Marques a contesté les arguments de Süd-Chemie. Le Bureau Benelux des Marques soutient qu’il s’agit d’un signe dépourvu de tout caractère distinctif, servant ou pouvant servir à indiquer la qualité du produit.
 
4.         L’objet de la présente affaire est de déterminer si le signe CREATING PERFORMANCE TECHNOLOGY est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits pour lesquels il est déposé.
 
5.         Le refus du Bureau Benelux des Marques d’enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l’article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après : la LBM), tel qu’il était libellé avant la modification en vertu du Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (Trb. 2002, 37). L’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM reproduit à présent les termes de l’article 3, § 1er, sous a) à d), de la première directive du 21 décembre 1988 du Conseil des CE rapprochant les législations des états membres sur les marques (89/104/CEE, JOCE EG L40,1). La cour fait observer que la modification en question n’a aucune incidence sur l’examen de l’affaire. Il n’y a aucune différence matérielle entre la disposition actuelle, d’une part, et la disposition en vigueur jusqu’au 1er janvier 2004., d’autre part. D’après le Commentaire commun des gouvernements relatif au Protocole précité portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (sur l’article F), la modification n’entend rien changer quant au fond.
 
6.         L’art. 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM disposait que l’enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er de la LBM, ‘notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.'
 
7.         L’article précité de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (Convention d’Union) est libellé comme suit, dans ses passages pertinents en l’espèce :
"B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
1.            ...
2.            lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée; (..)"
 
8.         Le signe est composé de l’élément Creating et de l’élément Performance Technology. Ce dernier élément est – les parties ne le contestent pas – une indication qui signifie ‘technologie à haute valeur ajoutée’ ou ‘technologie fournissant de hautes performances’. L’élément creating signifie 'créer'. Le syntagme déposé acquiert ainsi la signification : créer une technologie fournissant de hautes performances.
 
9.         Ainsi compris, le signe est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits concernés. Comme le Bureau Benelux des Marques l’a démontré dans ses documents, Performance Technology est un terme générique existant. Pour le public Benelux concerné, qui s’entend des consommateurs avertis, raisonnablement prudents et attentifs des produits concernés en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg, ce terme est immédiatement compréhensible. L’adjonction du mot Creating place Performance Technology dans un contexte phraséologique sans lui ajouter un élément inhabituel ou surprenant. La combinaison des éléments n’est pas plus que la simple somme des éléments séparés. Il na été ni allégué ni établi que le signe a acquis une signification propre – non descriptive – dans le langage courant. Tout bien considéré, le public concerné du Benelux ne décèlera dans le signe rien de plus (ou de moins) qu’un message publicitaire banal qui vante ‘la création d’une technologie fournissant de hautes performances’. Indépendamment même de la question de savoir si le public concerné identifiera dans un tel message plus qu’un slogan (publicitaire), la cour considère que le signe est composé exclusivement d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner la qualité des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé.
 
10.       Vu ce qui précède, est tenue en échec la thèse de Süd-Chemie que le signe ne peut être descriptif que pour les services en rapport avec la création d’une technologie fournissant de hautes performances. L’ajout banal Creating, n’enlève rien à la communication (qu’il ‘agit de) produits ayant la qualité ‘technologie fournissant de hautes performances’. De plus, cette constatation n’est nullement infirmée par le fait, allégué par Süd-Chemie, que le signe est enregistré comme marque en Irlande et en Australie. En effet, le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié, suivant ses mérites propres, en application des règles en vigueur. La cour fait observer que le Bureau Benelux des Marques a déclaré à l’audience, sans être contredit, que le signe a été refusé dans certains pays dont le Royaume-Uni.
 
11.            Süd-Chemie invoque encore le fait que le signe a été consacré comme marque par un usage systématique et intense. Il appartient à Süd-Chemie de le démontrer à l’aide de documents pertinents. Toutefois, Süd-Chemie n’a pas (suffisamment) étayé par des documents l’usage qu’elle allègue, ni l’identification subséquente du signe comme marque auprès du public Benelux. L’argument tiré de la consécration par l’usage est rejeté.
 
 
12.       Vu ce qui précède, la cour considère que le signe déposé est dépourvu de tout caractère distinctif pour les produits pour lesquels il est déposé au sens de l’article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM. Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande principale de Süd-Chemie.
 
 
13.       La cour en vient à la demande subsidiaire de Süd-Chemie. Elle tend à ordonner au Bureau Benelux des Marques de procéder à l’enregistrement du signe en mentionnant que l’enregistrement vise les produits mentionnés dans la mesure où ils ne se rapportent pas à la création d’une technologie fournissant de hautes performances. Toutefois, la Cour de justice CE a décidé dans son arrêt du 12 février 2004 (affaire C-363/99, en cause 'POSTKANTOOR', inédit) que la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques (JO 1989, L40, p.1), doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce qu’une marque soit enregistrée pour des produits ou services déterminés à condition qu’ils ne possèdent pas une caractéristique déterminée. La demande subsidiaire tend à obtenir un enregistrement conditionnel dans le sens indiqué par la Cour de justice de sorte qu’elle doit être rejetée d’emblée pour ce motif.
 
La conclusion est que les demandes tant principale que subsidiaire de Süd-Chemie seront rejetées. Etant partie succombante, Süd-Chemie sera condamnée aux dépens de l’instance dans la mesure où des frais ont été exposés par le Bureau Benelux des Marques.
 
Décision
 
La cour :
 
Rejette les demandes principale et subsidiaire de Süd-Chemie;
 
Condamne Süd-Chemie aux dépens de la procédure et les fixe jusqu’à ce prononcé, pour le Bureau Benelux des Marques, à € 1787,--, dont un droit fixe de € 245,- et € 1542,- en honoraires de l’avoué.
 
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers-Becking et Ottevangers, et a été prononcée à l’audience publique du 8 avril 2004, en présence du greffier.
 
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