Date
Instance
CASS NL Marque
EROTISCH HUISHOUDTEXTIEL Numéro de dépôt
Déposant
Kees Marinus Texte
No. de la requête R98/053HR
Prononcé 17 mars 2006
Première Chambre
No. de la requête R98/053HR
JMH
Hoge Raad der Nederlanden
Ordonnance
dans la cause du:
BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
REQUERANT en cassation,
avocat: Me C.J.J.C. van Nispen,
contre
[Défendeur],
domicilié à [localité],
DEFENDEUR en cassation,
n’ayant pas comparu.
1. Le déroulement de l’instance à ce jour
Pour le déroulement de l’instance en cassation entre la demanderesse en cassation – dénommée ci-après : le BBM – et le défendeur en cassation – dénommé ci-après :
[défendeur] – le Hoge Raad renvoie à son ordonnance du 8 décembre 2000, NJ 2001, 175. Par cette ordonnance, le Hoge Raad a suspendu l’instance jusqu’à ce que la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après : la CJCE) et la Cour de Justice Benelux se seront prononcées sur les questions d’interprétation qui leur ont été soumises dans l’instance visée dans cette ordonnance entre Koninklijke KPN Nederland N.V. et le Bureau Benelux des Marques et a sursis à statuer plus avant.
Dans cette affaire, la CJCE a rendu un arrêt le 12 février 2004, affaire C-363/99, IER 2004, 22 ChG, et la Cour de Justice Benelux a rendu dans cette affaire un arrêt le 1er décembre 2004, affaire A 99/1, Jur. 2004, tome 25 pp. 12-30.
Le BBM a renoncé à un exposé écrit ampliatif et demandé de statuer sur pièces.
L’avocat gééeral J. Spier a conclu ensuite le 9 décembre 2005 à la cassation de
l’ordonnance attaquée et au règlement de la cause par le Hoge Raad en déclarant non fondé le recours contre la décision du BBM.
2. Appréciation des moyens
2.1 Dans l’ordonnance du 8 décembre 2000 visée sous 1, le Hoge Raad a suspendu
l’instance jusqu’à ce que la CJCE et la Cour de Justice Benelux se seront prononcées sur les questions préjudicielles posées par la cour d’appel de La Haye dans l’affaire concernant le refus par le BBM de l’enregistrement du signe "Postkantoor". La Cour peut à présent procéder à l’appréciation des moyens dirigés contre l’ordonnance de la cour du 5 février 1998. La décision du BBM portant refus de l’enregistrement du signe "Erotisch huishoudtextiel" au motif qu’il est exclusivement descriptif pour les classes de produits et de services mentionnées par le [défendeur] a été annulée par la cour. A cette fin, la cour a considéré au point 7 entre autres que tant le mot « huishoudtextiel » que le mot « erotisch » sont des mots d’usage courant dans la langue néerlandaise et que la combinaison de ces mots a un caractère descriptif dans la mesure où ceux-ci se rapportent à des produits de textile de ménage à caractère érotique ou à des services concernant ces produits tandis que
le public (concerné) ne comprendra pas que la combinaison de mots remplisse la fonction d’une marque pour de tels produits et services. Pour de tels produits et services, le caractère descriptif prévaut à ce point, selon la cour, que l’on ne saurait parler d’une désignation originale, surprenante ou pleine de fantaisie dans ce contexte. La cour estime cependant que l’on ne peut dénier une certaine originalité à la combinaison verbale pour d’autres produits et services que ceux visés ci-dessus. La cour considère ensuite au point 8 que la requête du [défendeur] doit être rejetée pour les produits en tant qu’ils se rapportent à du textile de ménage ayant un caractère érotique et pour les services concernant ces produits, "comme précisé ci-après", et que la requête sera accueillie pour le surplus. Dans le dispositif, la cour
a ordonné au BBM de procéder à l’enregistrement du dépôt de la marque verbale
EROTISCH HUISHOUDTEXTIEL pour les produits et services dans les différentes classes mentionnées dans le dispositif, mais une partie d’entre eux avec l’ajout "pour autant qu’ils ne se rapportent pas à du textile de ménage ayant un caractère érotique".
2.2 En ce qui concerne l’admissibilité de ce "disclaimer" exprimé dans l’ajout précité, la CJCE a décidé dans son arrêt visé sous 1 (point 6 du dispositif) que la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, JOCE1989, L 040, s'oppose à ce qu'une autorité compétente en matière d'enregistrement des marques enregistre une marque pour certains produits ou certains services à condition qu'ils ne présentent pas une caractéristique déterminée. Dans son arrêt visé sous 1, la Cour de Justice Benelux a décidé sous le n° 31 qu’il est incompatible avec le système de la LBM, telle que celle-ci était libellée du 1er janvier 1996 au 1er janvier 2004, et du Règlement d’exécution qu’un signe fasse l’objet, pour des produits ou des services déterminés, d’un enregistrement assorti de la restriction selon laquelle il ne vaut que dans la mesure où lesdits produits ou services ne possèdent pas une ou plusieurs qualités déterminées et qu’il n’est pas non plus compatible avec ce système que
le BBM soit autorisé à limiter le refus de l’enregistrement à un ou à plusieurs des produits mentionnés dans le dépôt dans la mesure où ils concernent une ou plusieurs qualités déterminées. A l’époque du dépôt, la LBM était applicable également, telle qu’elle était libellée du 1er janvier 1996 au 1er janvier 2004.
2.3 Il s’ensuit que dans son ordonnance, la cour a eu tort d’ajouter à l’ordre
d’enregistrement le "disclaimer" susvisé concernant un certain nombre de produits et de services. Le grief de la branche 1, dirigé contre cette décision, est dès lors fondé dans cette mesure.
2.4 La branche fait également grief à la cour d’avoir méconnu le fait qu’elle est uniquement compétente pour donner un ordre (ou de refuser) d’enregistrement du dépôt, tel qu’il a été effectué par le déposant, du moins tel qu’il a été proposé par le déposant. Selon la branche, ceci signifie qu’indépendamment de l’ajout d’un "disclaimer", la cour n’avait pas non plus le pouvoir de modifier, de compléter ou de limiter d’office le dépôt.
2.5 Pour l’appréciation de ce grief, il convient de relever l’arrêt de la Cour de Justice
Benelux du 15 décembre 2003, affaire A 2002/2 (Vlaamse Toeristenbond), Jur. 2003 (tome 24),pp. 30-35, NJ 2004, 347, dans lequel elle considère ce qui suit :
"8. Attendu qu’aux termes de l’article 6ter de la LBM, le déposant peut, dans les deux mois qui suivent la communication visée à l’article 6bis, alinéa 4, introduire devant la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg une requête tendant à obtenir un ordre d’enregistrement du dépôt;
9. Attendu que les procédures instituées par les articles 6bis et 6ter de la LBM visent un examen quant au fond du signe déposé au regard des critères mentionnés à l’article 6bis, alinéa 1er, de la LBM;
10. Attendu qu’il ressort des articles 6bis et 6ter, pris conjointement, de la LBM que la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg sont compétents pour connaître du litige qui résulte du refus du BBM d’enregistrer un dépôt; que ces juridictions exercent leur compétence en cette matière en connaissant de la requête introduite contre la décision du BBM relative au refus d’enregistrer un dépôt.
11. que la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg peuvent dès lors statuer uniquement sur le bien-fondé du refus du BBM d’enregistrer le dépôt ; que ceci implique que la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg ne peuvent prendre en considération que les éléments sur lesquels le BBM a fondé ou aurait dû fonder sa décision;
12. qu’il s’ensuit que la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg ne peuvent pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises."
2.6 Dès lors que le [défendeur] n’a pas soumis au BBM la possibilité de modifier, de
compléter ou de limiter le dépôt, pas même après le refus provisoire de l’enregistrement, il se déduit des attendus cités de l’arrêt de la Cour de Justice Benelux que la cour n’avait pas le pouvoir de donner d’office un ordre d’enregistrement partiel du dépôt. En effet, ceci sort du cadre de l’appréciation du point de savoir si le BBM a refusé à bon droit ou non l’enregistrement du dépôt et cela revient à connaître de prétentions qui n’ont pas été soumises au BBM, au sens de l’arrêt cité de la Cour de Justice Benelux. La branche est fondée dans cette mesure.
2.7 Les autres griefs n’ont plus à être examinés, eu égard à ce qui précède. Le Hoge Raad peut vider la cause lui-même. Selon la décision de la cour non contestée en cassation, la combinaison verbale "erotisch huishoudtextiel" revêt un caractère descriptif et cet obstacle à l’enregistrement ne peut pas être levé par l’ajout d’un "disclaimer", ainsi qu’il a été considéré au point 2.3 ci-dessus. Par ailleurs, il n’est pas possible en l’espèce d’accueillir en partie la demande du [défendeur], eu égard à ce qui est considéré au point 2.6. Par conséquent, le recours contre le refus de l’enregistrement est non fondé et il y a lieu de rejeter la requête tendant à obtenir un ordre d’enregistrer le dépôt en application de l’article 6ter de la LBM.
3. Décision
Le Hoge Raad:
réforme l’ordonnance de la cour d’appel de La Haye du 5 février 1998;
rejette la requête;
condamne le [défendeur] aux frais de la procédure jusqu’à ce prononcé, fixés pour le
BBM :
- en première instance à € 199,66 en provisions et € 644,37 en honoraires,
- en cassation à € 267,73 en provisions et € 1.365,-- en honoraires.
Le présent arrêt a été rendu par le vice-président D.H. Beukenhorst en qualité de président, et les conseillers A.M.J. van Buchem-Spapens, W.A.M. van Schendel, F.B. Bakels et W.D.H. Asser, et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2006 par le conseiller E.J. Numann.
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