Date
Instance
REC NL Marque
EUROPOLIS Numéro de dépôt
Déposant
BOVEMIJ VERZEKERINGEN N.V. Texte
0Numéro de requête: R98/474
BOVEMIJ VERZEKERINGEN N.V. contre BUREAU BENELUX DES MARQUES
Prononcé: 27 janvier 2005
Numéro de requête: R98/474
La cour d'appel de La Haye, chambre MC?5,
a rendu l'ordonnance suivante
à la requête de:
BOVEMIJ VERZEKERINGEN N.V.,
anciennement dénommée: B.V. Holding Bovemij,
dont le siège est à Nimègue,
requérante,
dénommée ci-après: Bovemij,
avoué: Me H.C. Grootveld,
avocat: Me E.M. Matser, à Nimègue,
contre
le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
dénommé ci-après: le Bureau Benelux des Marques ou BBM, avoué: Me C.J.J.C. van Nispen.
La procédure
Pour le déroulement de la procédure, la cour se réfère à son ordonnance du 9 décembre 2004. Les parties ont chacune fait parvenir un écrit à la cour en exécution de cette ordonnance.
Examen de la requête
1. Par l’ordonnance du 9 décembre 2004, les parties ont eu la possibilité de s’exprimer par un écrit additionnel sur la ou les questions énoncées dans cette ordonnance et au sujet des juridictions auxquelles la ou les questions peuvent être posées.
2. Sur base des pièces de la procédure et des allégations des parties, la cour se fonde sur les faits suivants:
a. Bovemij a déposé le 28 mai 1997, sous le numéro 894315, le signe EUROPOLIS comme marque verbale pour les classes suivantes de produits:
CI. 36 Assurances; affaires financières; affaires monétaires; courtage et commerce de biens immobiliers.
Cl. 39 Transport; emballage et entreposage de marchandises; organisation de voyages.
b. Par lettre du 31 octobre 1997, le Bureau Benelux des Marques a notifié son refus provisoire d'enregistrer le dépôt. Comme motif(s), le Bureau Benelux des Marques a indiqué:
"Le signe EUROPOLIS est composé du préfixe courant euro (pour Europe) et du terme générique polis (police) et est exclusivement descriptif pour les services mentionnés dans les classes 36 et 39 en ce qui concerne une police dans un cadre euro(péen). C'est pourquoi le signe est dépourvu de tout caractère distinctif au sens de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la loi uniforme Benelux sur les marques (…)".
c. Opposition a été faite par lettre du 14 avril 1998 au nom de Bovemij au refus provisoire de l'enregistrement du dépôt. Il est dit dans la lettre que le signe est utilisé régulièrement dans la vie des affaires depuis 1988 comme marque par Europolis B.V., une société filiale de (présentement) Bovemij. Pour étayer sa thèse, Bovemij a produit trois brochures d'Europolis b.v. concernant des assurances vélo tout en offrant d'expédier si nécessaire des preuves complémentaires.
d. Par lettre du 5 mai 1998, le Bureau Benelux des Marques a fait savoir qu'il ne voyait dans l'opposition de Bovemij aucune raison de revoir son refus provisoire. Le Bureau Benelux des Marques a ajouté à son point de vue adopté antérieurement que le signe n'est nullement consacré par l'usage dès lors que la durée de l'usage était insuffisante à cet effet et que les pièces communiquées ont établi uniquement un usage du signe comme nom commercial.
e. Le Bureau Benelux des Marques a, par lettre du 28 mai 1998, notifié à Bovemij sa décision portant 'refus définitif' d'enregistrer le dépôt.
3. Bovemij fonde sa requête tendant à ordonner au Bureau Benelux des Marques d'enregistrer le signe déposé dans le registre des marques sur le fait qu'EUROPOLIS possède – en ordre principal – un caractère distinctif depuis le début et – en ordre subsidiaire – que le signe a été consacré par l'usage avant la date du dépôt. Le Bureau Benelux des Marques a contesté les allégations de Bovemij.
Caractère distinctif depuis le début’
4. La question est de savoir si le signe EUROPOLIS est dépourvu de caractère distinctif pour les services pour lesquels il est déposé. L'appréciation du caractère d'un signe doit s'effectuer, d'une part, au regard des produits ou services pour lesquels il est déposé et, d'autre part, en relation avec la perception du signe par le public concerné, constitué du consommateur moyen des produits ou services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Bovemij a déposé le signe pour entre autres des services se rapportant aux assurances. Elle demande à présent, tout comme dans la procédure depuis le dépôt jusqu'à la communication visée à l'article 6bis, alinéa 4, de la LBM (ci-après: procédure d'enregistrement) l'enregistrement du dépôt en totalité. La cour considère par ailleurs sur base des allégations – pour autant qu'elles ne sont pas contestées - de Bovemij que le public concerné est le public général.
5. Le refus du Bureau Benelux des Marques d'enregistrer le dépôt est fondé sur les dispositions de l'article 6bis, alinéa 1er, sous a (juncto article 39) de la loi uniforme Benelux sur les marques (ci-après: LBM), dans leur libellé avant la modification en vertu du Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (Trb. 2002, 37).
Cette partie de l'article disposait que l'enregistrement est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er de la LBM, ‘notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.’
6. Ledit article de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle énonce entre autres:
"B. Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
1. (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;
7. L'actuel article 6bis, alinéa 1er, de la LBM reprend les termes de l'article 3, § 1er, sous a à d, de la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques (JOCE 1989, L 40/1). Il est admis qu'il n'existe aucune différence matérielle entre la disposition actuelle, d'une part, et la disposition en vigueur jusqu'au 1er janvier 2004. D'après le Commentaire commun des gouvernements annexé audit Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 (article F), la modification de l'article 6 bis, alinéa 1er, de la LBM n'entend rien changer au fond.
8. Le signe déposé se compose de la combinaison du mot POLIS et du préfixe EURO. La signification de ces deux éléments importe pour apprécier la manière dont le public concerné percevra le signe dans son ensemble.
Par le terme POLIS (police), on désigne habituellement un contrat d'assurance. Il s'agit d'un terme générique qui englobe toutes sortes d'assurances différentes. EURO est le nom (déjà connu au moment du dépôt) de l'unité monétaire à présent en circulation dans les pays du Benelux et une abréviation courante des notions Europe ou européen. Ainsi qu’il ressort aussi des pièces produites par le Bureau Benelux des Marques, il s’agit d’un concept dont l’usage est à ce point fréquent qu’il convient de lui dénier un caractère distinctif autonome.
Dans le langage courant, EURO peut être, par ailleurs, l'indication d'une caractéristique essentielle de services à savoir la qualité, la provenance ou la destination européenne de ces services. Le signe en cause en est un exemple. Le préfixe EURO donne au signe la signification d'une assurance ayant une caractéristique euro(péenne). Ainsi, Bovemij souligne, par exemple, dans la publicité produite par elle (pièce 2) que son assurance offre une couverture dans toute l'Europe.
9. La cour estime que le signe déposé est composé exclusivement d'indications descriptives pour les services concernés. De plus, la combinaison ne prime pas, sur le plan conceptuel, visuel ou auditif, la somme de ses éléments séparés. Il n'a été ni allégué ni établi qu'en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport aux services concernés, le signe a (acquis) une signification propre en sorte qu'il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Le signe constitue – au contraire – aux yeux du public concerné une indication habituelle pour des services se rapportant – en bref – à des assurances ayant un caractère euro(péen). Le signe est dépourvu de tout caractère distinctif pour de tels services.
10. L'affirmation de Bovemij suivant laquelle EUROPOLIS est un syntagme verbal original qui ne fait pas partie de la langue néerlandaise (courante) est tenue en échec par les considérations qui précèdent.
Bovemij a soutenu – dans sa requête – que EURO est distinctif parce qu'il évoque (outre son acception propre) la portée étendue ou progressive de produits ou services et que des synonymes sont disponibles pour cette signification évocatrice. Cet argument est non fondé. 'Euro' manque de tout caractère distinctif au motif déjà qu'il désigne, dans la signification précitée, une caractéristique des services concernés (cf. les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 23 octobre 2003, affaire C-191/01) (OHMI/Wrigley) concernant ‘Doublemint’ (BIE 2004, 18; IER 2004, 12) et du 12 février 2004, affaire C-363/99 (KPN Nederland N.V./BBM) concernant ‘Postkantoor’ (IER 2004, 22). Il est indifférent que des synonymes soient disponibles pour cette signification ou qu'il s'agisse du mode exclusif de désignation de ces services ou de leurs caractéristiques (CJCE 12 février 2004, point 57, concernant ‘Postkantoor’).
11. Aussi la cour estime-t-elle que le signe est composé exclusivement de signes et indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner des caractéristiques du produit et que le signe est dépourvu, depuis le début, de tout caractère distinctif.
Consécration du signe par l'usage
12. A titre subsidiaire, Bovemij a invoqué la consécration par l'usage.
13. Bovemij, à qui il incombe de démontrer la consécration par l'usage au moyen de pièces pertinentes, a joint à cette fin – en plus des pièces déjà produites dans la procédure d'enregistrement – une série de pièces (pièces 5 – 19) à sa requête dans la présente procédure et a versé en outre au dossier, à l’audience du 1er novembre 2004, un grand nombre de documents (pièces 1-85), auparavant communiquées à la cour et à la partie adverse.
14. Le BBM objecte – en ordre principal – se prévalant de l'arrêt de la Cour de Justice Benelux du 15 décembre 2003, NJ 2004, 347, en cause de 'Langs Vlaamse Wegen', que la cour peut avoir égard uniquement aux pièces remises au BBM dans la procédure d'enregistrement et qu'il y a lieu d'écarter des débats les pièces versées au dossier dans la procédure par requête.
15. Dans ce contexte se pose la question de savoir si l'arrêt cité s'oppose à ce que dans la procédure par requête, des pièces additionnelles soient produites en rapport avec la consécration par l'usage.
16. Dans son arrêt du 27 juin 2002, la Cour de cassation de Belgique a posé entre autres la question d'interprétation suivante à la Cour de Justice Benelux:
"1. Les articles 6bis et 6ter de la LBM doivent-ils être interprétés en ce sens que la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye et la Cour d'appel de Luxembourg sont autorisés à donner un ordre d'enregistrer une marque pour des produits ou services déterminés d'une classe uniquement dans la mesure où le BBM, après l'examen visé à l’article 6bis, a statué également sur lesdits produits ou services et ne s'est pas borné à rendre une décision sur l'ensemble de cette classe?"
17. Dans son arrêt précité du 15 décembre 2003, la Cour de Justice Benelux a répondu affirmativement à cette question après avoir considéré entre autres (dans la langue néerlandaise, originale):
"10. Attendu qu'il ressort des articles 6bis et 6ter, pris conjointement, de la LBM que la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg sont compétents pour connaître du litige qui résulte du refus du BBM d'enregistrer un dépôt; que ces juridictions exercent leur compétence en cette matière en connaissant de la requête introduite contre la décision du BBM relative au refus d'enregistrer un dépôt;
11. que la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg peuvent dès lors statuer uniquement sur le bien-fondé du refus du BBM d'enregistrer le dépôt ; que ceci implique que la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg ne peuvent prendre en considération que les éléments sur lesquels le BBM a fondé ou aurait dû fonder sa décision;
12. qu'il s'ensuit que la Cour d'appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d'appel de Luxembourg ne peuvent pas connaître de prétentions qui sortent du cadre de la décision du BBM ou qui ne lui ont pas été soumises;"
18. La cour considère que dans le cas d'espèce, la consécration par l'usage a été invoquée dès la procédure d'enregistrement par la lettre du 14 avril 1998 (avec annexes), de sorte que l'on ne peut pas affirmer que cette prétention n'a pas été soumise pour décision au BBM.
La question se pose néanmoins de savoir si l'arrêt de la Cour de Justice Benelux ne doit pas être compris en ce sens que le terme "éléments" à l'attendu n° 11 englobe aussi les preuves (additionnelles) relatives à la consécration par l'usage. Une réponse affirmative à cette question impliquerait, le cas échéant, que le requérant qui fait valoir la consécration par l'usage n'aurait pas la possibilité d'introduire des preuves complémentaires pendant la procédure par requête visée à l’article 6ter de la LBM.
On peut penser que cette question a aussi de l’importance dans d’autres situations où, à l’appui d’un argument avancé dans la procédure d’enregistrement (comme le caractère distinctif), des preuves additionnelles sont introduites dans la procédure par requête visée à l’article 6ter de la LBM.
Dans ce cadre, la cour juge opportun de soumettre la question d'interprétation énoncée ci-après à la Cour de Justice Benelux.
19. Un autre point de litige entre les parties concerne le territoire de la consécration par l'usage.
Le Bureau Benelux des Marques défend la thèse qu'il est nécessaire pour une consécration par l'usage que le signe, par suite de l'usage qui en est fait, soit perçu par le public concerné comme une marque sur l'ensemble du territoire Benelux, dès lors dans chacun des trois pays.
Bovemij soutient que pour qu'un signe soit consacré par l'usage – sous réserve de satisfaire aux autres conditions – il suffit qu'il soit perçu comme une marque par le public concerné dans une fraction significative du territoire Benelux, ce qui, selon elle, peut se limiter aussi aux seuls Pays-Bas, comme en l'espèce.
Dans ce cadre, la cour juge opportun de soumettre la question d'interprétation énoncée ci-après à la Cour de Justice Benelux et/ou à la Cour de justice des Communautés européennes.
20. L'article 3, § 3, de la première directive (89/104/CEE) du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des états membres sur les marques (JOCE 1989, L 40/1) (ci-après: la directive) énonce:
“Une marque n’est pas refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, n’est pas susceptible d’être déclarée nulle en application du paragraphe 1 points b), c) ou d) si, avant la date de la demande d’enregistrement et après l’usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les Etats membres peuvent prévoir que la présente disposition s’applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d’enregistrement ou après l’enregistrement.”
Les pays du Benelux n'ont pas fait usage de la faculté prévue dans la dernière phrase de l'article 3, § 3.
La LBM ne comportait pas de disposition relative à la consécration par l'usage avant le 1er janvier 2004 (soit la date à laquelle la modification de la LBM en vertu du Protocole portant modification de la LBM du 11 décembre 2001 est entrée en vigueur).
La Cour de Justice Benelux a déjà admis la possibilité d'une consécration par l'usage d'une marque (de couleur) dans ses arrêts du 9 février 1977, NJ 1978, 415 (Centrafarm/Beechem concernant ‘des capsules rouges et noires’) et du 9 mars 1977, NJ 1978, 416 (Application des Gaz S.A./Machinefabriek Leefering B.V. concernant des ‘bonbonnes de gaz bleues’).
Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, la consécration par l'usage dépend de la question de savoir, si le signe, par suite d'un usage long et intensif comme marque, sera perçu par le public concerné comme un signe qui atteste l'identité du produit comme provenant d'une entreprise déterminée. Pour déterminer si le signe a acquis un caractère distinctif par son usage comme marque pour les produits et services pour lesquels il a été demandé, il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d'espèce, donc de tous les facteurs permettant d'établir que le signe est devenu apte à distinguer les produits ou services de ceux d'autres entreprises. Si, sur la base de tels facteurs, il est constaté que les milieux intéressés ou à tout le moins une fraction significative de ceux-ci identifient grâce à la marque le produit comme provenant d'une entreprise déterminée, on doit en tout état de cause en conclure que la condition exigée par l'article 3, paragraphe 3, de la directive pour l'enregistrement de la marque est remplie.
Pour les pays du Benelux, le moment du dépôt est le moment déterminant de sorte que l'on ne peut avoir égard qu'à l'usage du signe jusqu'au 28 mai 1997.
21. La cour a considéré en outre que la Cour de justice s'est prononcée quelques fois sur l'aspect territorial dans un autre contexte, à savoir l'arrêt du 14 septembre 1999, zaak C?375/97 (General Motors Corporation/ Yplon SA, concernant l'article 5 § 2 de la directive précitée (marque renommée) (NJ 2000, 376)) et (implicitement) l'arrêt du 11 mars 2003 affaire C?40/01 (Ansul B.V./Ajax Brandbeveiliging B.V., concernant l'article 12, § 1 de la directive précitée (usage normal) (NJ 2004, 339)).
Par ailleurs, la Cour de Justice Benelux a décidé dans son arrêt du 22 novembre 1985, NJ 1986, 241 (Anciens Etablissements Jean Delvaux S.A. / DBL Belgium S.A., concernant la notoriété de fait dans le milieu intéressé (loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles (LBDM) qu'une notoriété s'étendant à l'ensemble du territoire Benelux n'est pas requise.
D'autre part, la Cour de Justice Benelux a décidé dans son arrêt du 13 juin 1994, NJ 1994, 665 (Renault/Reynolds) à la suite d'une question portant sur la portée territoriale d'une interdiction fondée sur l'article 13, sous a, de la LBM, entre autres que "l'interdiction d'emploi (...) s'applique à l'emploi de cette marque sur la totalité du territoire Benelux; il est indifférent à cet égard que pareille interdiction ait été demandée ou que la demande ait visé en outre l'annulation de la marque et la radiation de son enregistrement"; que "le juge peut toutefois, s'il l'estime justifié, limiter expressément l'interdiction à un territoire déterminé, mais dans ce cas également, il devra apprécier la ressemblance en ayant égard à la totalité du territoire Benelux."
22. Le commentaire des parties sur les questions énoncées de prime abord dans l’ordonnance du 9 décembre 2004 amène la cour à formuler les questions d’interprétation énoncées ci-après :
23.
(1) L'arrêt cité de la Cour de Justice Benelux du 15 décembre 2003 doit-il être interprété en ce sens que le terme "éléments" dans l'attendu n° 11 comprend aussi les preuves (additionnelles) relatives à un argument avancé dans la procédure d’enregistrement (comme la consécration par l'usage) qui ont été produites dans une procédure par requête visée à l’article 6ter de la LBM et cela veut-il dire que la Cour d’appel de Bruxelles, le Gerechtshof de La Haye ou la Cour d’appel de Luxembourg sont tenus d’écarter de telles preuves additionnelles?
(2) Faut-il interpréter l'article 3, § 3, de la directive en ce sens que pour l'acquisition du caractère distinctif (en l’espèce par une marque Benelux) à la suite d’un usage tel que visé dans ce paragraphe, il est nécessaire que, avant la date du dépôt, le signe ait été perçu par le public concerné comme une marque sur l’ensemble du territoire Benelux, c’est-à-dire en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg?
En cas de réponse négative à la question 2:
(3) La condition fixée à l’article 3, paragraphe 3, de la directive pour l’enregistrement, telle que visée dans ce paragraphe, est-elle remplie lorsque le signe, à la suite de son usage, est perçu comme une marque par le public concerné dans un fraction significative du territoire Benelux et cette fraction significative peut-elle être constituée, par exemple, des seuls Pays-Bas ?
(4) Pour apprécier le caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive, d’un signe composé d’un ou de plusieurs mots appartenant à une langue officielle sur le territoire d’un état membre (ou, comme en l’espèce, sur le territoire Benelux), faut-il tenir compte des aires linguistiques sur ce territoire ?
Lorsque les autres conditions d’enregistrement sont remplies, suffit-il/est-il requis pour l’enregistrement comme marque que le signe soit perçu comme une marque par le public concerné dans une fraction significative de l’aire linguistique de l’état membre (ou, comme en l’espèce, du territoire Benelux) où cette langue est parlée officiellement ?
Décision
La cour d’appel de La Haye:
- demande à la Cour de justice des Communautés européennes de se prononcer sur les questions 2, 3 et 4 énoncées sous le n° 23 ci-dessus, relatives à l’interprétation de la directive prémentionnée ;
- demande à la Cour de Justice Benelux de se prononcer sur la question 1 énoncée sous le n° 23 ci-dessus, relative à l’interprétation de la LBM en rapport avec l’arrêt précité du 15 décembre 2003, et sur la question 4 ;
- réserve à statuer plus avant et suspend la procédure jusqu’à ce que la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour de Justice Benelux se seront prononcées.
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Fasseur-van Santen, Kiers-Becking et Verduyn, et a été prononcée à l’audience publique du 27 janvier 2005, en présence du greffier.
* * * * *