L’intelligence artificielle (IA) crée en quelques secondes des images et des textes en utilisant une énorme quantité de données existantes. Mais est-ce permis ? Et qu’en est-il du droit d’auteur et du contenu généré par l’IA ? Le résultat est-il protégé ou porte-t-il atteinte aux droits d’autrui ? Il existe encore beaucoup d’incertitudes à ce sujet. La question se pose également de savoir comment un juge se prononcera sur les questions de droit d’auteur liées à l’IA. Les enjeux sont les suivants.
L’apprentissage de l’IA : machine learning et fouille de textes et de données
Les outils gérés par l’IA, comme ChatGPT, « apprennent » de façon automatique en exploitant de grandes quantités de données, c’est ce qu’on appelle le machine learning. En analysant ces données, les modèles s’entraînent à reconnaître des constantes et des tendances. Selon la loi sur l’IA de l’UE, la technique de machine learning peut être considérée comme TDM, soit Text et Data Mining, ou fouille de textes et de données.
TDM
TDM est un terme qui provient de la directive européenne dite DSM. Cette directive mentionne que les œuvres peuvent être utilisées pour la fouille de textes et d’images (TDM) lorsqu'il s'agit d'œuvres légalement accessibles, et à condition que leurs titulaires n'aient pas expressément réservé leurs droits. Cette réserve doit être formulée de manière claire et appropriée.
Une exception est faite pour la recherche scientifique. Si les œuvres légalement accessibles sont exploitées pour la fouille de textes et de données dans le cadre de recherches scientifiques, l’autorisation du titulaire n’est pas requise.
Le machine learning porte-t-il atteinte au droit d’auteur ?
Doit-on approuver ou condamner l’existence du machine learning ? Les débats sont nombreux sur la question. La technique de machine learning est considérée comme Text et Data Mining (TDM). Or, les données (œuvres) exploitées sont parfois protégées par le droit d’auteur. Dans ce cas, le TDM est en principe autorisé à condition de respecter les exigences légales de la fouille de textes et de données. Celles-ci ne sont toutefois pas clairement définies. Nous ne savons donc pas avec certitude si les données utilisées pour l’apprentissage automatique de l’IA sont conformes à ces exigences. C’est pourquoi les créateurs d’œuvres protégées par le droit d’auteur feraient bien, à l’avenir, de formuler une réserve expresse et adaptée.
Les réalisations de l’IA sont-elles protégées par le droit d’auteur ?
Pour être protégée par le droit d’auteur, une œuvre doit résulter de la créativité d’un être humain. Les outils de l’IA fonctionnent sur la base de consignes (prompts) données par leurs utilisateurs. Ces derniers peuvent combiner divers prompts et sélectionner voire modifier le résultat réalisé par l’IA. La question est de savoir si ces actions sont suffisantes pour être considérées comme de la créativité humaine. Il est possible qu’une combinaison créative de différents prompts associée à la sélection et à la retouche de l’œuvre obtenue, puisse aboutir à une œuvre finale protégée par le droit d’auteur.
A l’heure actuelle, nous ne savons pas encore quelles règles l’UE adoptera. Les choses s’éclairciront quand les tribunaux de l’UE commenceront à se prononcer sur ces questions. Les règles porteront vraisemblablement sur la part de créativité humaine présente dans la réalisation d’une œuvre. Il s’agira alors de savoir si l’IA a joué un rôle d’assistance ou si elle est la source principale de l’apport créatif.
Une œuvre générée par l’IA peut-elle porter atteinte au droit d’auteur ?
Pour créer, l’IA utilise des œuvres existantes. Il est donc possible que les réalisations de l’IA enfreignent le droit d’auteur, volontairement ou non. Le risque devient beaucoup plus élevé si les utilisateurs orientent les prompts, consciemment ou non, pour que le résultat généré par l’IA ressemble à une œuvre existante. Par exemple, le prompt « Crée une nouvelle version de Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) de David Hockney » présente un risque élevé de violation du droit d’auteur.
Bon à savoir
Les styles ne sont de toute façon pas protégés par le droit d’auteur. Si un créateur réalise des lampes de style bohème, d’autres fabricants sont autorisés à réaliser des lampes dans le même style. Cependant, copier ou utiliser des éléments spécifiques originaux d’une œuvre peut représenter une atteinte au droit d’auteur. Cela s’applique aussi à l’IA. Mais là aussi, beaucoup d’incertitudes demeurent.