Prononcé : 7 mai 1998
No de la requête.: 97/947
LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,
a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :
RED MILL COMPANY B.V.,
dont le siège est à Waspik,
requérante,
avoué : Me H.C. Grootveld
contre
Le BUREAU BENELUX DES MARQUES,
dont le siège est à La Haye,
défendeur,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen
La procédure
Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 22 décembre 1997, la requérante, dénommée ci-après Red Mill, a demandé à la cour d'ordonner au Bureau Benelux des Marques l'enregistrement du dépôt de la marque plastique en forme de ballon, effectué le 30 octobre 1996 sous le numéro 881.513, et de condamner le défendeur, dénommé ci-après le Bureau, aux dépens de la procédure.
Par mémoire en défense (avec annexes) reçu au greffe de la cour le 12 janvier 1998, le Bureau a demandé à la cour de rejeter la requête de Red Mill et de condamner Red Mill aux dépens de la procédure.
La procédure orale est intervenue le 6 avril 1998, les parties ayant fait exposer leurs points de vue – Red Mill produisant des documents – à l’aide de notes de plaidoirie, Red Mill par Me C.M.R. van der Zandt, avocat à Amsterdam, et le Bureau par son avoué.
Examen de la requête
1. La requête a été introduite dans le délai.
2. Les pièces de la procédure et les débats à l’audience ont fait apparaître ce qui suit :
a. Red Mill a déposé le 30 octobre 1996 auprès du Bureau, sous le numéro 881.513, un signe comme marque plastique pour les produits dans
la classe 29 : produits à base de pommes de terre, additionnés ou non de substances gustatives ; snacks salés, non compris dans d’autres classes ;
la classe 30 : produits à base de maïs et de céréales, additionnés ou non de substances gustatives ; snacks salés, non compris dans d’autres classes.
b. Par lettre du 3 avril 1997, le Bureau a notifié au mandataire de Red Mill le refus provisoire d’enregistrer le dépôt 881.513. Le Bureau a donné comme motif :
“ La reproduction du signe est dépourvue de tout caractère distinctif pour les produits mentionnés dans les classes 29 et 30, au sens de l’article 6bis, alinéa premier sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques… ”
c. Une réclamation a été introduite au nom de Red Mill contre ce refus provisoire par lettres du 25 août et du 23 septembre 1997.
d. Le Bureau n’y a pas vu motif à revoir sa décision de refus provisoire.
e. Par lettre du 23 octobre 1997, le Bureau a notifié au mandataire sa décision prise à la même date, portant refus définitif d’enregistrer le dépôt.
3. Sur pied de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM), Red Mill a demandé à la cour, si la cour comprend bien, d’ordonner au Bureau d’enregistrer le dépôt.
Red Mill défend le point de vue que le signe en forme de ballon qu’elle a déposé possède un caractère distinctif pour les produits pour lesquels il est déposé.
Elle invoque, à titre subsidiaire, la consécration du signe par l’usage.
4. Le Bureau, qui a fondé sa décision sur l’article 6bis, alinéa premier sous a, de la LBM a demandé de rejeter la requête.
5. Aux termes de l’article 6bis, alinéa premier, début et sous a, de la LBM, l’enregistrement d’un dépôt est refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l’article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6 quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.
Cette disposition est libellée comme suit :
“ Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants:
(...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce,
pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée ; ”
6. La cour considère que le signe en forme de ballon est dépourvu de caractère distinctif pour les produits pour lesquels il est déposé. En effet, il n’a pas établi que le signe en forme de ballon aurait un caractère à ce point individualisé qu’il serait apte à distinguer les produits de Red Mill de produits similaires d’autres entreprises et à démontrer à suffisance sa provenance de l’entreprise de Red Mill. Le signe, un ballon sans rien d’extraordinaire, est trop banal pour ce faire.
De plus, l’acceptation du signe en forme de ballon comme marque pour les produits pour lesquels il est déposé empêcherait la mise sur le marché de produits similaires en forme de ballon alors que la forme d’un ballon n’est pas inhabituelle pour des produits à base de pommes de terre, les snacks et les salés.
7. Red Mill a encore allégué que le Bureau a bien enregistré d’autres marques plastiques, ayant un caractère moins distinctif que le signe litigieux.
La cour pose en préalable que toute requête en enregistrement doit être appréciée en fonction de ses mérites propres.
Même si le Bureau avait enregistré à tort des marques (plastiques), on ne saurait en inférer que le signe de Red Mill obtiendrait de ce fait un caractère distinctif. S’il y a eu des enregistrements abusifs, la LBM permet à tout intéressé d’invoquer la nullité de l’enregistrement contesté.
8. A l’appui de la consécration par l’usage qu’elle allègue, Red Mill affirme qu’elle utilise le signe en forme de ballon pour des salés, les “ Oranjos ”, qu’elle a introduit sur le marché néerlandais à l’occasion des championnats du monde de football en 1994 et qu’elle a vendu déjà environ 420.000 sachets d’Oranjos au cours des années 1994, 1995 et 1996. Sans être contredite, Red Mill a soutenu également qu’elle a mis des salés en forme de ballon, appelés “ Ballenmix ”, sur le marché en janvier 1998. 1.
9. Contrairement à ce que pense Red Mill, l’usage prémentionné ne démontre pas à suffisance qu’il y aurait eu un usage de longue durée et intensif du signe avant la date du dépôt (30 octobre 1996), sans préjudice de l’absence de preuve établissant que le signe aurait acquis, par l’usage, un caractère distinctif permettant de le considérer comme une marque.
10. Il suit de ce qui précède que la requête de Red Mill doit être rejetée. Etant la partie succombante, Red Mill sera condamnée aux dépens.
Décision
La Cour :
Rejette la requête de Red Mill ;
Condamne Red Mill aux dépens de la présente procédure et fixe ceux-ci à f. 3.770,- pour le Bureau jusqu’à ce prononcé.
La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Brinkhof, Fasseur-van Santen et Van Sandick, et prononcée à l’audience publique du 7 mai 1998 en présence du greffier