Numéro de requête 98/473

Date
Instance
REC NL
Marque
ANTI-ANGIN
Numéro de dépôt
Déposant
Artesan Pharma GmbH & Co. KG
Texte

Prononcé : 7 janvier 1999
No de la requête.: 98/473

LA COUR D’APPEL DE LA HAYE, chambre M C-5,

a rendu l'ordonnance suivante à la requête de :

la société de droit allemand
ARTESAN PHARMA GmbH & CO. KG,
dont le siège est à Lüchow, Allemagne,

requérante,
avoué : Me P.J.M. von Schmidt auf Altenstadt

contre

le Bureau Benelux des Marques,
dont le siège est à La Haye,

défendeur,
avoué : Me C.J.J.C. van Nispen

La procédure

Par requête (avec annexes) reçue au greffe de la cour le 27 juillet 1998, la requérante (dénommée ci-après Artesan) a demandé à la cour d'ordonner au défendeur (dénommé ci-après le Bureau Benelux), de procéder immédiatement à l'enregistrement du dépôt international numéro 673244 du signe ANTI-ANGIN et de condamner le Bureau aux dépens de la procédure.

Par mémoire en défense (avec annexes) reçu au greffe de la cour le 7 août 1998, le Bureau a demandé à la cour de rejeter la requête et de condamner Artesan aux dépens.

La procédure orale sur la requête est intervenue le 23 novembre 1998. Les parties, tout en produisant des pièces, ont exposé leurs points de vue à l'aide de notes de plaidoirie, Artesan par Me J.W. Knipscheer, avocat à Amsterdam, et le Bureau par son avoué.

Examen de la requête

1. La requête a été introduite dans le délai.

2. La requête et les pièces jointes à celle-ci font apparaître ce qui suit :

a. Le 14 mars 1997, Artesan a déposé auprès du Bureau international pour la propriété industrielle à Genève le signe ANTI-ANGIN sous le numéro 673244 pour les produits suivants :

en classe 5 : produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés; emplâtres, matériel pour pansements; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires; désinfectants; produits pour la destruction des animaux nuisibles; fongicides, herbicides.

b. Par lettre du 17 octobre 1997, le Bureau a notifié le refus provisoire de l'enregistrement du dépôt international. Le Bureau a indiqué les motifs suivants : "Le signe ANTI-ANGIN est purement descriptif de la qualité essentielle des produits mentionnés en classe 5 pour autant qu'ils aient trait à des produits destinés à combattre les angines. Le signe est dès lors dépourvu de tout pouvoir distinctif au sens de l'article 6bis, par. 1er, sous a., de la loi uniforme Benelux sur les marques." c. Le mandataire d'Artesan a fait opposition à cette décision par lettres du 26 janvier 1998, du 4 mars 1998, du 12 mars 1998 et du 17 mars 1998. Le Bureau n'y a pas vu motif à revoir sa décision. Par lettre du 4 juin 1998, le Bureau a notifié au mandataire d'Artesan sa décision portant refus définitif de l'enregistrement du signe.

3. Sur pied de l’article 6ter de la loi uniforme Benelux sur les marques (LBM) Artesan a demandé à la cour d'ordonner au Bureau de procéder immédiatement à l'enregistrement du dépôt international ANTI-ANGIN, tel qu'il a été effectué. Artesan soutient que le signe ANTI-ANGIN, signe qu'elle a créé et qui est composé de la jonction des éléments ANTI et ANGIN, n'est pas purement descriptif et possède un pouvoir distinctif suffisant pour pouvoir faire office de marque pour les produits en classe 5.

4. Le Bureau, qui a basé ses décisions sur l'article 6bis, alinéa 1er, sous a, de la LBM a demandé de rejeter la requête.

5. En vertu de l'article 6bis, alinéa 1er, début et sous a, de la LBM, l'enregistrement d'un dépôt doit être refusé lorsque le signe déposé ne constitue pas une marque au sens de l'article 1er, notamment pour défaut de tout caractère distinctif comme prévu à l’article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris.
Cette disposition est libellée comme suit :

"Les marques de fabrique ou de commerce, visées par le présent article, ne pourront être refusées à l'enregistrement ou invalidées que dans les cas suivants :
1. (...)
2. lorsqu'elles sont dépourvues de tout caractère distinctif, ou bien composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production,
ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes loyales et constantes du commerce du pays où la protection est réclamée;"

La cour part du principe que le renvoi que font l’article 6bis et 14A, début et sous 1.a, de la LBM à l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris n'est pas limité à la première catégorie citée ("dépourvues de tout caractère distinctif") mais concerne les trois catégories énumérées dans cet article.

Par le Protocole du 2 décembre 1992 portant modification de la loi uniforme Benelux sur les marques, la LBM a été adaptée à la Première Directive du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques 89/104 (JOCE 1989, L 40).
L’article 3 de cette Directive dispose entre autres :

"1. Sont refusés à l'enregistrement ou susceptibles d'être déclarés nuls s'ils sont enregistrés :
a. (...)
b. les marques qui sont dépourvues de tout caractère distinctif;
c. les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci;
d. les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce."

Dès lors que l'article 6bis et l'article 14 sous A, début et sous 1.a, de la LBM n'ont pas été modifiés, il faut présumer que les gouvernements des pays du Benelux ont établi le Protocole déjà cité en considérant que, nonobstant quelques différences textuelles entre l'article 3 de la directive et l'article 6quinquies B, sous 2, de la Convention de Paris, il n'y avait pas de différences matérielles.

6. La cour partage l'opinion du Bureau selon laquelle le signe ANTI-ANGIN est purement descriptif pour les produits mentionnés dans le dépôt.
Le signe est composé des mots "ANTI" et "ANGIN". Artisan n'a pas contredit que "anti" est un synonyme de "contre" et est fréquemment utilisé en rapport avec des médicaments pour indiquer qu'ils entendent combattre une affection. "Angina" et, en langue française, "angine" sont des appellations médicales d'une affection de la gorge et sont, comme "anti", des vocables purement descriptifs pour les produits en question.
La circonstance que la combinaison verbale est composée du vocable "angin" au lieu d'angina ou angine n'a pas pour effet de donner à la combinaison verbale un caractère distinctif. En effet, à la différence de la combinaison verbale ALLERFREE mentionnée dans les "Directives du Bureau Benelux des Marques concernant les critères de refus des marques pour motifs absolus", il ne s'agit pas en l'espèce d'une combinaison de vocables courante. La cour n'est pas à même de saisir que le signe est distinctif par l'effet auditif du mot ANGIN, car la prononciation du mot n'est pas certaine.
Le public (concerné) ne percevra dès lors pas la combinaison verbale ANTI-ANGIN comme une marque mais comme l'indication de la qualité des produits, le mot angina ou angine étant abrégé ou orthographié différemment. Dans ce contexte, il est encore à noter qu'il n'est pas exclu en soi qu'une graphie différente utilisée en guise de jeu de mots puisse posséder un caractère distinctif, mais tel n'est pas le cas en l'espèce.
De plus, le fait d'accepter ANTI-ANGIN comme marque empêcherait de désigner des produits identiques ou similaires avec cette combinaison verbale.

7. Même si des marques identiques ont été enregistrées dans d'autres pays, comme l'affirme Artesan, il n'empêche que la cour doit apprécier le caractère distinctif d'ANTI-ANGIN selon ses propres mérites sur la base des règles applicables.

8. Les considérations qui précèdent ne sont pas affectées par la mention dans le Commentaire commun des Gouvernements selon laquelle la politique de contrôle du Bureau devra être "une politique de circonspection et de retenue", visant uniquement "à faire régulariser ou à refuser les dépôts manifestement inadmissibles", dès lors que la cour estime qu'il s'agit en l'espèce d'un cas flagrant de cette nature.

La cour ne voit dès lors aucune raison de soumettre dans cette cause des questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes.

9. Il suit de ce qui précède que la requête d'Artesan doit être rejetée, qu'il n'y a plus lieu d'examiner les autres points litigieux et qu'Artesan sera condamnée aux dépens en tant que partie succombante.

Décision

La cour :

rejette la requête d'Artesan;

condamne Artesan aux dépens de la présente procédure et fixe à f 3.840,- les dépens exposés jusqu'à ce prononcé pour ce qui concerne le Bureau.

La présente ordonnance a été rendue par les conseillers Brinkhof, Fasseur-van Santen et Van den Ende-Wiefkers, et prononcée à l'audience publique du 7 janvier 1999 en présence du greffier.